L’article de M. Larocque (publié à la fin)… a suscité le commentaire ci-dessous de V. Verges extrêmement éclairant sur la différence entre utiliser des mots anglais au Québec et de les utiliser en France.
De la France
J’entends souvent dire que la France ne défend pas la francophonie. C’est vrai et c’est selon moi une erreur politique, mais c’est compréhensible: la langue française en France n’est pas menacée par l’anglais!
C’est en fait bien compréhensible dans le pays à la plus forte natalité du continent européen, dont la population s’accroit assez fortement, et qui est en passe de dépasser l’Allemagne avant 2050.
(L’Allemagne en déclin démographique passera sous la barre des 70.000 Millions d’Ha et la France atteindra cette taille avant selon les statistiques)
Ici il y a énormément d’espoir pour la langue: je suis encore jeune (27 ans), je viens de province (Champagne) et je peux témoigner de ce que j’ai vécu: autour de moi dans les soirées, chez des amis, dans les bars et dans les rangs du lycée, tout le monde chante Brassens ou Renaud, voire du rap français, et pas lady gaga! Ici on chante et danse en français! Dans les bons bars, c’est les paroles du groupe « Noir désir » qui sont hurlées par tous! Les groupes de rock français font bouger la France avec d’autant plus de force que leurs paroles sont plus percutantes que les mignonnes chansonnettes d’outre-manche.
Par ailleurs, en France, nous sommes plus naturellement politisés du collège à la retraite, donc les chansons anglaises, si on les apprécie pour la mélodie, l’ambiance, tous le monde se fout de leur message, en général fort niais ou sibyllin.
En revanche, dès qu’on a envie de chanter quelque chose empli de sens, quelque chose qui nous bouleverse, nous enrage, c’est vers la chanson et la scène musicale française et francophone que nous nous tournons systématiquement, naturellement.
Si vous êtes déjà venus ici, vous aurez remarqué que les quelques mots anglais que les français connaissent sont systématiquement détournés, francisé avec un fort accent, les noms d’acteurs anglais sont prononcés à la française: on s’en contre-fiche de l’anglais. Dans une discussion, lorsque quelqu’un prononce un mot d’anglais avec le bon accent, il passe systématiquement pour un pédant ou un ringard: genre publicitaire style année 80. Ou alors on prononce avec l’accent anglais des mots français pour se moquer de quelque-chose: en général c’est toujours négatif.
Evidemment, il y a bien sur une minorité de commerciaux/ de sous-chefaillon d’entreprise/d’avocats en droit des affaires/de publicitaires qui trouvent plus efficace de s’exprimer en franglais, mais en général, ici on les méprise bien bas.
De plus le français phagocyte les mots anglais arrivés en France par son propre accent, sa propre conjugaison: nous connaissons tous ici Ouma Tourmane, l’actrice américaine, mais personne ne connait Uma Thurman !
Ou par exemple, lorsque l’on dit en verlan pour designer un ami noir:
« – Hervé? Oui il est là , c’est le grand kebla là bas » (Comment l’anglophone comprendra que le mot prononcé « Queubla » correspond au verlan de « black » )
En plus de représenter un symbole de la lutte pour la souveraineté et du fait français en Amérique, il ne faut pas croire que le français peut être remplacé, que langues se valent, qu’il n’y ait pas de pertes. Au delà de la richesse du vocabulaire français, il y a évidement des contingences politiques et historiques dans l’utilisation d’une langue, dans son évolution dans les sens portés par les mots. Regardez la connotation très négative, presque « tabou » du mot « socialisme » en anglais nord- américain qui est quasiment banni de la bouche et de l’esprit, alors qu’en France (voire en Europe), il correspond à un courant de pensée politique et philosophique dont pourrait se revendiquer la moitié de la population. L’anglophone aura bien plus de mal à penser rationnellement le socialisme avec un tel opprobre inconsciente et collective jetée sur ce mot.
La langue structure notre pensée. Or, en Europe, le vent tourne pour les néo-libéraux anglo-saxon : ils ne font plus rêver, tous comme le monde vain qui nous a été vendu avec leur vocabulaire de manager américain. Le vocabulaire de l’utopie, du progressisme, du rêve et de la poésie, il est français, espagnol, allemand, italien, européen. Le reflux de l’anglais est proche.
Ce n’est pas un hasard si le groupe québécois « les cowboys fringuant » rempli les salles en France sans aide médiatique. Les français, jeunes ou plus vieux, aiment ces textes engagés qui font vivre la langue.
C’est donc pourquoi, vu de France, il ne nous semble pas du tout aussi important de défendre le français dans notre pays.
La situation est peut être différente pour la jeunesse québécoise, je ne l’ai pas vécue, mais je trouve vos propos bien tristes. Peut être faudrait-il que la France envoie plus d’émigrants et d’étudiants français pour aider la culture francophone.
Et n’oubliez pas la Louisiane ! Ou comment une culture raffinée disparait et s’anglicise au point de n’être plus rien du tout aujourd’hui qu’un Etat américain sans histoire, ni panache.
Fernand
V.Verges
Extrait de : https://www.imperatif-francais.org/bienvenu/articles/2010/une-jeunesse-qui-vire-a-l-anglais.html
UNE JEUNESSE QUI VIRE À L’ANGLAIS
Comment chasser ces « vendeurs du temple»?
De tout temps, un peuple a attendu de sa jeunesse un avenir, un renouvellement. Les « vieux » s’abandonnaient à la mort avec la certitude que leurs enfants relèveraient leurs combats et les porteraient à leur conclusion. L’histoire a certes connu des ruptures mais aucune n’a laissé pressentir le néant qui s’avance. Le Téléjournal nous en donnait l’autre soir un sinistre avant-goût. Des jeunes avouaient leur préférence pour la chanson anglaise et l’illustraient en exécutant des rengaines douceâtres et stéréotypées comme on en entend partout dans la planète mondialisée. Facilité, glissement, fascination avouée pour la trahison.
On peut avoir de l’indulgence pour des jeunes peu conscients des enjeux nationaux et humains qui se cachent derrière le conformisme auquel ils sacrifient. Mais que dire de ces « accompagnateurs » qui introduisent le cheval de Troie dans leurs cours et favorisent la dénationalisation du Québec? L’un de ceux-ci n’avouait-il pas qu’il se refusait à imposer le français par crainte de politiser sa classe. Qu’y-a-t-il de plus politique que de la préférence de chanter en anglais et d’en apprendre les recettes? Dans ces conditions l’école devient une « passerelle » vers l’étranger. On y enseigne le mépris et l’oubli de nous-mêmes. Comment chasser ces « vendeurs du temple»?
Hubert Larocque, Gatineau.