FRANçAIS DE LOUISIANE
Politique de broyage culturel et de tentative de lobotomisation ethnique de
Washington.
Nous vous écrivons suite à l’annonce, faîtes par le Lieutenant Gouverneur de
l’Etat de Louisiane Madame Kathleen Babineaux Blanco, de l’organisation de
grandes festivités l’année prochaine pour célébrer le bicentenaire de la cession
de la Louisiane occidentale française, y compris La Nouvelle-Orléans et son île,
par le Premier Consul Monsieur Bonaparte au gouvernement des Etats-Unis
d’Amérique du Nord en 1803.
De ses propres mots, le Lt Gouverneur décrit cet événement avec une
incroyable et "pure" beauté lyrique qui frise le ridicule :"When the American
flag was raised over the city of New Orleans for the first time … the destiny
of this great country… doubled the size of the US and put the country in a
position to become a world power…".En résumé, cet "achat" est le symbole de
l’avènement de la superpuissance américaine actuelle et de la grandeur du lobby
anglo-saxon en Amérique du Nord. Les festivités annoncées iront dans ce sens.
Qu’en est-il de la commémoration de la Louisiane française, francophone ?
Elle a bien eu lieu en 1999 (Tricentenaire de la fondation de la première
colonie permanente en Louisiane par D’Iberville en 1699) et a été un succès
localement mais sûrement pas au plan national et encore moins international,
Washington n’allait certainement pas faire de publicité aux francophones et à la
civilisation française d’Amérique. De plus nous n’avons pas eu la connaissance
qu’un seul représentant officiel de la France ait été présent au tricentenaire.
Dans son message sur le site Internet crée pour l’occasion de la "Louisiana
Purchase Bicentennial Celebration Runs Throughout 2003", le Lt Gouverneur
annonce que le Président des Etats-Unis Monsieur W.Bush et le Roi d’Espagne
Monsieur J.Carlos (voir A) sont invités aux futures festivités
ainsi que le Président de la République française Monsieur J.Chirac.
Or cela est, vous le comprenez, très grave car la présence d’un représentant
du peuple français, et encore plus du Président en personne, lors de ce
Bicentenaire anglo-saxon reviendrait à la reconnaissance officielle par la
France de la politique anti-française (chercher l’erreur !) menée par le
gouvernement américain dès lors que le rôle politique et économique des Créoles
(voir B) a décliné à La Nouvelle-Orléans après la guerre de
Sécession. Fin de guerre qui a en effet vu l’arrivée et la mainmise des
nordistes Anglo-Saxons dans les affaires politico-socio-culturelles de l’Etat de
Louisiane. Cette politique, qui peut être reflétée par la loi de 1917,
interdisant aux élèves louisianais d’utiliser le français à l’école sous peine
de punitions verbales et physiques, a abouti à l’anéantissement presque total de
l’identité Créole (voir B) mais à la résistance de l’identité
cadienne (voir B).
Actuellement, d’après les chiffres du recensement de 1990, 250 000 Cadiens
parlent toujours français couramment dans l’Etat de Louisiane. Il n’ont pas,
selon leur expression, "lâcher la patate". En 1968 a été crée le Conseil pour le
développement du français en Louisiane (CODOFIL), des programmes d’immersion en
français apparaissent dans les paroisses du Pays Cadien ou Cadjun (Région du
sud-est de l’Etat de Louisiane) avec la participation de professeurs
francophones étrangers.
Une renaissance Créole semble même en marche (prolifération des écriteaux
"Ici ont est fier de parler français" à La Nouvelle-Orléans) devant le dynamisme
cadien.
La francophonie louisianaise n’est donc pas une cause perdue, loin de
là .
Au Québec, bien qu’isolés et insignifiants démographiquement, les anglophones
pratiquent toujours leur langue, leur culture. Au contraire, dans l’Etat de
Louisiane les Cadiens et les Créoles forment un poids démographique
considérable, peut-être même supérieur à celui des Anglo-Saxons, et ont la
primauté historique et en quelque sorte sentimentale en ce qui concerne la
découverte, l’établissement et la mise en valeur du territoire louisianais. La
comparaison de ces deux exemples met bien en valeur l’inacceptable intolérance
des gouvernants de Washington.
Pour en revenir à la célébration de la vente de la Louisiane occidentale
française, il ne sera donc question que de la glorification de la civilisation
anglo-saxonne et de la diabolisation de ces "paysans" de cadjuns et de ces
"negro-barbares" de créoles. Et puis tant que les autorités américaines ont
l’occasion de nous minimiser et de se moquer de nous, nous les "braves mais
bêtes" Français, gageons qu’elles n’y manqueront pas !
C’est pour tout cela qu’au nom du droit fondamental de tout peuple
d’exister culturellement, selon sa langue et sa civilisation dans un pays et
encore plus si ce même pays lui appartient historiquement, au nom de la
francophonie, de la civilisation française, au nom de tout les petits
Louisianais qui dans la première moitié du 20° siècle étaient battus par
leurs professeurs lorsqu’ils parlaient leur langue, le français à l’école et
au nom du dernier rempart de la civilisation louisianaise, rempart constitué
de nos centaines de milliers de cousins Cadiens qui tiennent encore tête, tant
bien que mal, au rouleau-compresseur culturel américano-anglo-saxon qui a eu
raison des Créoles, il est de votre devoir, en tant qu’autorité,
organisation officielle ou média de faire connaître les faits énoncés ci-dessus
et de faire pression sur la Présidence de la République française et sur le
Gouvernement français afin qu’ils déclinent l’offre faite par les autorités
américaines, offre insultante pour notre pays et ses habitants, et qu’enfin
la France montre, ne serait-ce qu’un petit mécontentement
vis-à-vis de la politique de broyage culturel et de tentative de lobotomisation
ethnique que Washington a mené pendant tant d’année envers ses enfants.
Il faut absolument que des liens lient de nouveau la France aux communautés
francophones, françaises du Golfe du Mexique, communautés négligées et oubliées
pendant trop d’années.
A: La Louisiane occidentale française était sous l’autorité
espagnole de 1766 à 1803, jusqu’à sa rétrocession au Premier Consul. Cette
période a été marquée par la grande tolérance de l’Espagne envers le peuple
louisianais et même par la suite de l’émigration française et canadienne, malgré
la Révolution Créole et la proclamation de la République Louisianaise en 1768-69
qui a conduit à l’arrivée de troupes espagnoles de Cuba. En 1800, la Louisiane
était peuplée d’environ 75 000 habitants, de culture française et catholique
romaine, les colons espagnols, y compris les Gouverneurs successifs s’étant
acclimatés au peuple louisianais.
B: Les Créoles sont les descendants des colons français,
canadiens, suisses, allemands, espagnols et des esclaves africains (Créoles "de
couleur") arrivés en Louisiane entre 1699 et 1803. Ils sont de langue, de
culture française et de civilisation louisianaise, c’est-à-dire française avec
une touche d’exotisme.
Ils s’opposent aux Cadjuns ou Cadiens, plus ruraux, établis le long des
bayous du sud-est de du Mississipi et rescapés d’un peuple canadien, les
Acadiens, ayant subis un génocide perpétré par la Couronne Britannique dans la
seconde moitié du 18° siècle. Ils sont aussi de langue et de culture française
et sont aujourd’hui le "moteur" de la francophonie louisianaise.
Ces deux peuples s’opposent bien évidemment aux "Anglais" ou "Yankees", les
Américains, arrivés dés la vente de la Louisiane occidentale française en 1803
mais minoritaires politiquement et culturellement dans l’Etat de Louisiane
jusqu’à la fin de la guerre de Sécession.
Ce message peut être publié dans les sites Internet et dans les
publications des autorités, organismes officiels et médias cités ci-dessous. Il
peut être abrégé mais les idées conductrices doivent être compréhensibles et non
erronées. Réponses, commentaires et suggestions sont attendus avec impatience.
Famille Brochard, Bordeaux, France
LemoyneDB33@aol.com
(Le 11 septembre 2002)