LE RAPPORT LAROSE
Recommandation 52 : nécessité ou paranoïa ?
Larticle suivant est extrait du journal Voir Hull/Ottawa
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Le 20 août dernier, la Commission des états généraux sur
la situation et lavenir de la langue française au Québec rendait public son
rapport final. Après plusieurs mois de consultation publique, Gérald Larose et
ses commissaires aboutissaient à plus dune centaine de recommandations, 149
pour être exacte. Lune dentre elle, la recommandation 52, invite le
gouvernement du Québec a prendre «les mesures nécessaires pour que le
principe général de lenseignement primaire et secondaire en français soit
scrupuleusement respecté», tel que stipulé par larticle 72 de la Charte
de la langue française.
Benoît Tessier
Journaliste
courrier@out.voir.ca
La dite recommandation fait état de laugmentation de la
clientèle des écoles privées non subventionnées de langue anglaise des
dernières années pour appuyer son exhortation. On y lit que ces dernières
années, certains parents inscriraient leurs enfants à lécole privée
anglaise non subventionnée, ce qui leur permettraient de contourner larticle
72 de la Charte de la langue française,
imposant à tous un enseignement primaire et secondaire en français, à moins
quun des parents nait eu un enseignement en anglais. Cest que le
gouvernement Trudeau dicta en 1982 une disposition supplémentaire en adoptant larticle
23 de la Charte canadienne des droits et
libertés stipulant que non seulement les parents
ayant reçu un enseignement en anglais mais également ceux «dont un enfant a
reçu ou reçoit son instruction, aux niveaux primaire ou secondaire, en
français ou en anglais au Canada, [auront] le droit de faire instruire tous
leurs enfants dans la langue de cette instruction.»
Ainsi, en inscrivant leur aîné à lécole privée
anglaise pour quelques années, les parents achèteraient dorénavant, en
utilisant larticle 23 pour contourner la Charte
de la langue française, le droit à laîné
ainsi quà ses frères et soeurs de fréquenter lécole anglaise, privée
ou non. Pour contrer le phénomène, la commission Larose propose «Que cet
effet pervers […] soit combattu par tous les moyens disponibles y compris, le
cas échéant, par une modification constitutionnelle soustrayant le Québec à
cette disposition.»
Un questionnement simpose en ce qui à trait à la
véritable nécessité dune telle recommandation. Plus précisément, larticle
72 de la charte est-elle indispensable à lépanouissement de la langue
française au Québec? Pourquoi imposer une langue denseignement à des gens
qui nen veulent pas et qui, de toute façon, ont accès à une porte de
sortie?
Selon Jean-Paul Perreault,
président du mouvement Impératif français, la nécessité va de soi puisque larticle
72 «a été une des mesures reconnue comme étant des plus efficaces pour
favoriser lintégration des immigrants et des enfants dimmigrants à la
société daccueil par lapprentissage de la langue française.» Et il
rajoute que «larticle 72 est un des pans de la Charte
de la langue française qui a le mieux réussi.»
Bref, cette disposition viserait lintégration des
allophones dans lunivers francophone plutôt que lempêchement des
francophones détudier dans une autre langue. Hors, pourquoi alors empêcher
tout bon franco désireux de se parfaire une langue seconde (pour ne pas dire
une seconde langue) de sinscrire à lécole anglaise? Pour Jean-Paul
Perrault, «lenjeux collectif principal de larticle 72 est la sauvegarde,
la promotion et le rayonnement de la langue française au Québec et, par le
fait même, doit être appliquée à tous.» Et il rajoute que «de toute
façon, il y a bien dautres possibilités que par lécole dapprendre
une autre langue.» Cest à la même conclusion quarrive le juge Maurice
Laramée, de la Cour supérieure, dans son jugement rendu en novembre dernier,
où une dizaine de parents francophones présentaient une requête visant à
faire invalider la disposition 72 de la charte en la qualifiant de
discriminatoire. Dans son jugement, le magistrat conclu que se nétait point
le rôle des tribunaux de statuer de la qualité de lenseignement de langlais
dans le système scolaire francophone; cest aux autorités politiques que le
devoir revient et cest à eux quil vaudrait mieux sadresser.
Par contre, selon le président dAlliance Québec et
avocat des parents présentant la requête devant les tribunaux, cest tout le
contraire. Brent Tyler
y voit une «forme de discrimination injuste que dutiliser linstruction
des parents comme critère en matière de langue denseignement des enfants.»
Et il rajoute que «cest discriminatoire surtout du point de vue de lenfant,
puisque ceux-ci sont considérés indépendants devant la loi.» En ce qui à
trait au jugement de la Cour supérieure, il affirme que «le juge Laramée sest
trompé en affirmant que cest aux autorités politiques de statuer sur la
qualité du système scolaire. Celui-ci na fait aucune distinction entre les
motivations des parents de porter la cause devant les tribunaux et les arguments
quils ont utilisés pour défendre celle-ci.»
Maître Tyler ne se considère aucunement comme
«anti-Québec!» et estime même «nécessaire lexistence dune loi
linguistique au Québec pour refléter le visage francophone de la société».
Ce quil conteste, «cest la façon dont la loi est appliquée.» Et il
rajoute qu«on pourrait avoir dautres dispositions législatives qui nexcluraient
aucuns groupes mais qui plutôt les inciteraient à fréquenter lécole
française. Par exemple, des crédits fiscaux pourraient être accordés aux
familles choisissant lenseignement en français. Plusieurs exemples
internationaux pourraient nous inspirer à revoir notre législation.» Alliance
Québec organisera dailleurs prochainement, selon les dires de son
président, des états généraux sur la
situation de la langue anglaise au
Québec pour, entre autres, étudier plus en
profondeur les politiques linguistiques dailleurs.
Ainsi, larticle 72 de la Charte
de la langue française semble être une
disposition visant plus particulièrement les nouveaux arrivants allophones
mais, parce quuniversel, à néanmoins pour effet de bloquer certaines
opportunités aux francophones désirant parfaire une langue seconde en
étudiant en anglais. Par contre, pour les plus fortunés de ce monde, une
échappatoire est possible soit, lécole privée non subventionnée, et cest
cette brèche que le rapport Larose tente de colmater.