Une gangrène à éliminer :
les cumulards de l’État.
par Yves Michaud
Ex député de l’Assemblée nationale du Québec
Le régime parlementaire britannique repose sur un principe sacré postulant que les élus du peuple en leur qualité de législateurs, agissent au nom de Sa Majesté et ne peuvent faire de mal. The king can do no wrong. Celui qui vous parle aujourd’hui a été victime de cette mantra le 14 décembre 2000, alors que 109 députés votèrent une motion de blâme condamnant un citoyen pour des propos inventés afin de bloquer son éventuel retour à ce que M. Duplessis qualifiait de salon de la race ! C’est ainsi que je suis devenu la seule et unique référence d’une félonie de ce genre en quatre siècles de parlement à l’anglaise. Je me serais bien passé de cette façon de m’inscrire à l’histoire des assemblés délibératives.
Quoi qu’il en soit, l’immunité souveraine ou immunité de la Couronne, est une doctrine juridique par lequel l’État ne peut pas commettre un acte illégal juridique le mettant ainsi à l’abri de poursuites civiles ou pénales. Nonobstant son appellation aux effluves révolutionnaires, L’Assemblée nationale du Québec est une monarchie constitutionnelle dotée du pouvoir régalien de créer les tribunaux dont la fonction est d’assurer la protection de ses sujets Une assemblée nationale de type britannique, fut-elle la plus idiote et la pourrie du monde- c e qui fut le cas à Québec le 14 décembre 2000- ne peut être mise en examen par ses commettants. La seule sanction dont elle n’est pas à l’abri est celle des urnes à tous les quatre ou cinq ans.
Entretemps, depuis 1982, cela en toute impunité et à l’abri des mesures judiciaires , les élus québécois y sont allés à fond la caisse en barbotant dans la mangeoire publique pour se voter des avantages pécuniaires ahurissants et inspirés des républiques bananières les plus délabrées de la planète. Le tout, avec la bénédiction d’une opinion publique amorphe et un aveuglement d’une presse étrangement discrète sur le sujet.
Je ne me suis pas fait des amis en sonnant le tocsin il y a une douzaine d’années :.L’amicale des anciens députés de l’Assemblée nationale du Québec écrivais-je, tiendra bientôt sa réunion annuelle dans la Vieille Capitale. On y étudiera un excellent rapport préparé de main de maître sur l’agaçant phénomène de la double rémunération dans la fonction publique ou parapublique. Ce n’est pas d’aujourd’hui que cette question traîne dans le paysage, empoisonnant parfois les relations naguère amicales entre de mêmes élus du suffrage universel.
Les recommandations du rapport sont excellentes à plusieurs points de vue, dures dans certains cas, mais à mon sens elles ne vont pas assez loin. Une nouvelle réglementation passée à Québec veut qu’un retraité de l’État ne touche que la moitié de sa pension de député ou de ministre s’il est appelé à servir de nouveau dans l’appareil de la fonction publique. Cette mesure est trop timide et j’estime que la totalité du montant de la pension devrait être soustraite du salaire de celui ou de celle qui est appelé à remplir de nouvelles ou anciennes fonctions auprès des gouvernements. Il n’est ni juste, ni moral, ni éthique, qu’un employé reçoive à la fois un salaire et une pension du même employeur.
Certains cumulent à la fois une pension d’ancien ministre ou de député du gouvernement du Québec, une autre du même genre du gouvernement d’Ottawa, dans certains cas une troisième pension du secteur de l’enseignement ou de la fonction publique, une quatrième de la Régie des rentes du Québec, une cinquième du régime fédéral de la Sécurité de la vieillesse.une sixième s’ils font le saut dans l’arène municipale et pourquoi pas une septièmepour pantoufler dans une commission scolaire. . Sans compter les scandaleuses primes dites de transition ! qu’ils ont touché au passage au moment de leur départ de l’un ou l’autre des fonctions qu’ils occupaient.
N’en jetez plus. La cour est pleine. J’ai toujours été farouchement opposé à la triple, quadruple, voire quintuple, sextuple, rémunération à même les fonds publics et ce n’est pas demain que je vais changer d’idée. Si un ancien fonctionnaire. conseiller municipal, maire, député, ministre, premier ministre, est appelé à occuper de nouvelles fonctions dans l’appareil gouvernemental, qu’il choisisse le meilleur des deux : la pension ou le salaire, mais pas les deux en même temps. Point à la ligne.
J’ajoute que les gouvernements n’ont même pas à édicter des règles à ce sujet et que la plus élémentaire décence commanderait aux intéressés de renoncer de leur propre chef a toucher simultanément un salaire et une pension des fonds publics. Les cumulards de l’État sont une gangrène qu’il faut extirper. Et le plus tôt sera le mieux !
Yves Michaud