Il serait assez vain d’entrer dans les querelles d’école, histoire à la Michelet, nouvelle histoire, etc. De même que le roman introduit un ordre, une cohérence dans le désordre de la vie, l’histoire organise la vie d’un peuple et donne aux faits origine, sens et direction. Que l’histoire ne soit plus enseignée au Québec est en soi une tragédie, car cette ignorance compromet l’éclosion d’une élite capable de comprendre la nature du Québec, sa marche dans le temps et les enjeux de la politique.
Pour être juste, on enseigne toujours de l’histoire mais en évitant la première histoire qui nous intéresse, la nôtre. Si l’on feuillette un manuel mis entre les mains des élèves d’aujourd’hui, quelle surprise de constater que les Iroquois y occupent autant d’espace que toute l’histoire de la Nouvelle France! Ils ont sans doute existé mais leur rôle fondateur et déterminant au sein de l’identité québécoise est une invention tardive et relève de la pure fiction.
La structuration fondamentale et permanente de l’Histoire du Québec demeure la fondation française de 1608, et la Conquête de 1760 qui la brise, en déterminant un avant et un après. Toutes les histoires qui adoptent le cadre de l’histoire officielle, britannique et fédérale, obscurcissent et aliènent la ligne de notre destin. Leur fonction n’est pas à proprement parler historique mais justificatrice du régime en place. Elles insinuent une anti-fondation du Québec, hier anglaise, aujourd’hui multiculturelle, et visent à banaliser et à éteindre notre identité originelle.
L’ignorance de l’histoire conspirée par une certaine élite contre la jeunesse québécoise n’a pas d’autre fonction que de la rendre incapable d’assumer son héritage et de le renouveler. La jeunesse est alors la victime idéale de toutes les manipulations identitaires dont le mythe des deux peuples fondateurs fut la première mouture. Pourquoi pas alors, dix ou cent?
Hubert Larocque, Gatineau.