Bientôt, les «deux solitudes» seront deux pays.
En ce jour de la fête des Mères, jai décidé de prendre la plume. Dores et
déjà, jannonce mes couleurs. Je suis une maman et une citoyenne bien
déterminée. Le but de ce texte est de participer, à ma façon, au débat sur la
question nationale. Sachez aussi quil sagit du premier dune série.
Bientôt, les «deux solitudes» seront deux pays. C’est mon souhait. Il est
cependant ironique de constater que cette image sapplique également à
lintérieur même des frontières québécoises. Et oui! Deux solitudes. Deux camps.
Doit-on attribuer cela à un problème de lecture? De compréhension? De sentiment?
De refus? De tout cela? Je me le demande de plus en plus…
En prémices, je vous propose une citation qui, malheureusement, est toujours
actuelle :
«Je vois le Canada comme une métaphore, un «comme si» qui nest plus vu comme
une métaphore, i.e., une métaphore qui graduellement a été prise trop au
sérieux, et nous savons que prise littéralement une métaphore doit être
absolument absurde – lhomme nest pas un rat. Un mythe nest quune métaphore
acceptée comme vraie. Le Canada, celui quacceptent nos résidents, est un mythe.
Ainsi, nous entendons plusieurs gens qui croient que le Nouveau-Brunswick est un
modèle DU Canada ou un modèle POUR le Canada : en tant que modèle DU Canada,
cest un mythe, et en tant que modèle pour le Canada, ce serait une tragédie.»
(Serge J. Morin, U. de Moncton, 1979.)
Il ne faut surtout pas prendre cette citation comme étant méprisante pour la
province voisine, au contraire. Car, voyez-vous, je suis une Québécoise née dans
la République du Madawaska (N.-B.). Même si je nai jamais habité là-bas, il
sagit là de ma référence…
Donc, je lavoue : je suis une parvenue; une «vire capot» qui ne fait partie
d’aucune organisation politique. Cependant, le fait de ne pas s’afficher de
telle ou telle couleur n’exclut pas du tout le «Nationalisme». La nuance est
importante et on confond trop souvent à mon goût. En 1995, ma colère envers ceux
qui ont restreint le «nationalisme canadien-français» au territoire québécois
était encore trop grande. Jai donc dit non au projet soumis par référendum.
Aujourd’hui, ma colère sest (fort heureusement) estompée. Je comprend mieux
certains choix même si je m’interroge toujours à propos de leur pertinence…
J’avoue, bien humblement, avoir moi aussi, jadis, utilisé un argumentaire
désespéré (voire désespérant) en pensant que la seule possibilité de «survie»
pour mes compatriotes francophones vivant hors Québec était que nous
«demeurions» au sein de la fédération canadienne… Mais voilà. Cela ne fait pas
de sens. Le Canada, sous sa forme actuel, est un mythe. Et je suis aujourdhui
très fière de dire haut et fort que je me suis finalement libérée de cette
culpabilité, de ce sentiment quasi-viscéral qui me paralysait…Et je vous assure
que mon cheminement fut parsemé dembûches…Je pense quil y a mille et une
façons de créer des liens et dêtre solidaires. Beaucoup de fausses perceptions
circulent de part et dautres… Mais pour améliorer les échanges, encore faut-il,
respectivement, sen donner loccasion…Et cela est possible. Essentiel même,
puisque nous sommes si peu de « parlants français » sur ce continent et que nous
avons tant en commun! Alors, doit-on absolument trancher entre la fidélité et la
liberté? Je ne le crois pas. Ils font plutôt partie dun même continuum menant à
lultime affranchissement.
Ainsi donc, vous avez certainement deviné, à ce moment-ci, que le
nationalisme qui manime transcende les frontières québécoises. Et oui, je
considère obsolète (voire trompeur) un nationalisme uniquement «civique» pour
procéder à la création dun nouvel état. évidemment, on ne peut parler non plus
d’un nationalisme «ethnique». Comment le pourrait-on d’ailleurs, alors que la
majorité des gens d’ici, dont moi-même, sommes métissés à différents degrés?
Cependant, entre un nationalisme ethnique et un nationalisme
civique/territorial, qu’y a-t-il? Le néant? Non. Pour moi, le nationalisme
véritable n’est pas la «propriété» d’un parti politique en particulier. De plus,
je pense que notre langue, notre culture et notre histoire valent beaucoup mieux
qu’un bel enclos. N’empêche, je pense quil est de notre devoir de nous doter
d’un état afin d’assurer, justement, la pérennité de notre langue, de notre
culture et, surtout, de notre formidable histoire en Amérique. Inutile donc, de
rendre lAutre plus hideux quil ne lest. Ridicule aussi, lidée de biaiser
lhistoire ou la réalité. Et puis, à ceux qui auraient ici envie davancer des
«arguments économiques», je leur demanderai simplement ceci : combien nous coûte
le statu-quo en temps, argent et énergie? Et surtout, n’oubliez pas que cette
idée d’indépendance est bien plus qu’une simple mode.
Alors, soyons honnête. à titre dexemple, je crois quil mest possible de
compter sur les doigts dune main le nombre de fois où il fut question de
lAcadie au cours de ma formation universitaire. Et, sur lautre main, le nombre
de fois où il fut question des autres FHQs. Je vous avoue du même souffle que
jai honte de le dire aussi explicitement. Jai honte même si je comprend les
raisons de certains choix idéologiques…En fait, je suis persuadée que ce «repli»
fut malgré tout essentiel pour le Québec à court et à moyen terme…Néanmoins, une
fois sortie de cette «survivance», ne peut-on pas embrasser un peu plus large?
Donner un nouveau souffle à ce projet et permettre un resserrement des liens
entre les différentes communautés francophones a mari usque ad mare? Il sagit
là dun autre de mes souhaits.
Bien des intervenants participent, malheureusement, à cette « guerre de
tranchées ». Nos élus, nos médias, nos intellectuels ainsi que différentes
organisations me font penser à des joueurs compulsifs qui sacharnent à
recommencer ad vitam aeternam une même partie de «tic tac toe». Et cela, sans
même prendre en considération que la majorité des Canadiens considèrent la
Constitution canadienne comme étant une véritable «boîte de Pandore». à leur
décharge, il faut admettre quil savère parfois difficile de prendre la
distance nécessaire, voire essentielle, pour bien saisir lensemble des tenants
et aboutissements dune situation si complexe…Il y a trop souvent des «ancrages»
bien tenaces…Outre un infime pourcentage dindividus vipérins, il faut admettre
que, dans bien des cas, les gens sont, malgré tout, bien intentionnés…
Qui est le grand responsable alors? Bien sûr, plusieurs noms me viennent à
lesprit en écrivant ceci…Mais finalement, peut-être sagit-il tout simplement
dun problème de communication. Alors que lune ou lautre des deux parties
perçoit lautre comme un «empêchement», je pense que cest plutôt labsence dun
réel échange qui cristallise cet empêchement. Pour différentes raisons, tantôt
bonnes, tantôt mauvaises, il est parfois ardu de mettre à jour et, encore
davantage, daccepter certaines remises en question qui sont pourtant
indispensables afin de nous construire un avenir meilleur.
évidemment, lorsque je parle de «noms», je ne fais pas référence à des
individus en particulier…En fait, peu importe d’où l’on vient, il y a des
valeurs, des idéaux qui sont universels… Ainsi, je parle plutôt des «sept péchés
capitaux» et surtout de leurs excès…Un rappel? Lorgueil;lavarice; la
luxure;lenvie; la gourmandise; la colère et la paresse.
Alors, voilà! Je pense sincèrement quil est urgent que nous reconnaissions
collectivement que nous sommes dans un cul-de-sac. Et que lunique moyen den
sortir est de libérer les «deux solitudes» par la création de deux états
«distincts». En 1993, le grand humaniste Fernand Dumont (1927-1997) a
immortalisé cette courte phrase dans sa Genèse de la société québécoise :
«Lhistoire ne se fait pas seulement en avant; se souvenir, cest aussi
récapituler et recommencer. » Je pense, très sincèrement, que le temps est venu.
Alors, vivement lan «1» pour enfin amorcer, avec nos voisins, amis et
partenaires du Canada, des relations dégales à égales empreintes de respect et
de solidarité.
à bon entendeur; Salut!
Nadine Martin, 14 mai 2006
ma.langue.le.francais@hotmail.com
Citoyenne québécoise, étudiante à la Maîtrise en études Québécoises (UQTR)
et, surtout, une maman qui souhaite un avenir meilleur pour ses enfants ainsi
quà ceux des autres.
Nota Bene : ce texte sera proposé à plusieurs quotidiens québécois.
(Le 18 mai 2006)