« Récit automnal en temps de pandémie » – 2021

Félicitations aux lauréats du concours d’écriture « Impératif français »

Impératif français remercie tous les participants au concours d’écriture. Les merveilleux écrits qui nous ont été confiés ayant pour thème « un récit automnal en temps de pandémie » sont un baume pour le cœur.

Ci-après les textes des lauréats sélectionnés par le jury. Les lauréats recevront chacun une bourse d’un montant de 100 $.

Mais n’oubliez pas, participer c’est gagner !

Toutes nos félicitations à tous les participants. Restez à l’affût d’autres concours!

  • Amalthæ - Exploration

    Amalthæ – Exploration

    Une feuille morte se pose sur ma truffe. Je la souffle loin de moi. Assis sur la rambarde du balcon, je contemple le petit jardin des voisins, deux étages plus bas. Le tas de feuilles, orange, ambre et or, de la même couleur que mon pelage, me fait envie.

    Un pied griffu après l’autre, j’avance prudemment jusqu’à la gouttière. Je connais le passage par cœur. Je l’agrippe avec mes pattes avant, laisse tomber mon arrière-train, et descend ainsi, queue la première, jusqu’au rez-de-chaussée. De là, je peux, d’un bond, franchir les jardinières pleines de géraniums, et rejoindre le tas de feuilles.

    Les moustaches bien écartées, les oreilles pointées en avant, je hume leur odeur avec délectation. Puis, je balance mes hanches, cherchant le meilleur appui possible sur mes pattes arrière. Je ramasse mon corps, tend mes muscles, et bondit avec toute l’élasticité de mes muscles de chat.

    J’atterris au milieu des feuilles mortes. Quelle joie ! Quel bonheur ! Je me roule en ronronnant.

    Je ne sais pas ce qui se passe depuis le printemps dernier, mais les humains ont décidé de respecter notre vie, à nous les chats.

    Ils sont très souvent au logis, prêts à nous ouvrir pour nous permettre de sortir ou de rentrer, ou à nous offrir quelque morceau de saumon ou de salami.

    Leurs véhicules malodorants sont beaucoup moins fréquents sur les routes, rendant nos sorties bien plus agréables et bien moins angoissantes.

    Leur bruyante marmaille est elle aussi cantonnée à la maison. Quel repos pour mes délicates oreilles ! Et quel soulagement de pouvoir me balader sur l’avenue sans avoir à craindre qu’un bambin baveux ne me saisisse par la queue !

    Tout est parfait.

    En seize années d’existence, c’est le premier automne aussi parfait que j’ai la joie de vivre.

    Un autre effet secondaire de l’enfermement volontiers des humains est que, mes proies sont bien moins craintives. À moi, moineaux, merles, mésanges, pinsons et autres rouges-gorges ! À moi, les musaraignes des champs, les souris des maisons, les écureuils pas très dégourdis !

    Les jardins sont un buffet à volonté. Les rues désertes sont mon royaume.

    Seigneur et maître du lotissement, je n’hésite plus à rappeler à l’ordre mes voisins félins. Tout ce que touche la lumière du soleil ou de la lune, m’appartient.

    Je ne sais pas qui est ce “Coronavirus” dont les humains parlent, mais je lui dois une fière chandelle. Merci l’ami !

  • Olivier Cabrera - Une course automnale vers la Liberté

    Olivier Cabrera – Une course automnale vers la Liberté

    J’ai trouvé un coin d’été au cœur de l’automne, un morceau de soleil en pleine saison des pluies, un parfum de liberté juste avant le début du reconfinement.

    Je m’attendais à souffrir, quand je me suis dit « tant pis pour la pluie, je vais quand même courir, c’est maintenant ou jamais ! ». Une souffrance nécessaire pour rester en forme. Au fond, un cap à passer. Je ne m’étais pas trompé…

    Dès les premières foulées, la violence des gouttes tenta de noyer ma motivation. Mes jambes étaient glacées, mes mains congelées. Le vent fouettait mon visage avec une violence inouïe. Les sentiers étaient particulièrement boueux, m’obligeant à adapter ma foulée en permanence, à maîtriser les glissades, à m’agripper aux arbres qui m’entouraient lorsque je perdais l’équilibre… Chaque pas était une lutte. Les feuilles zigzaguaient dans l’air, semblant vouloir se frayer un chemin jusqu’à mon visage dégoulinant, dans un spectacle hypnotisant. Mais peu à peu…

    Je l’aperçus.

    Une lumière…

    Une lumière invisible apparaissait lentement dans mon esprit…

    Mon champ de vision se limitait au mètre devant moi. Ma concentration se réduisait à une lutte contre les obstacles et à la contraction de mes muscles. Dans ce combat, je sentais la moindre parcelle de mon corps… et je fusionnais avec la nature qui m’entourait. La pluie, le vent, le froid, les branches, la terre… Il n’était plus question de mon travail, de mes interrogations existentielles ou du confinement. J’étais tellement loin de ces préoccupations ! Les feuilles et leurs nuances coloraient mes pensées. L’épidémie de morosité s’estompait. La grisaille du ciel effaçait celle de mon esprit, qui s’éclairait soudain.

    Les racines masquées par les feuilles mortes me forçaient à m’enraciner dans le présent. Quand je passais sous une branche qui me griffait, ou quand mes pieds griffaient le sol, c’est comme si j’égratignais mon cerveau endormi et lui insufflais un fragment de Vie. Au monotone succédait mon automne.

    Je ne voyais plus le temps passer. Je ne sentais plus la pluie fouetter mon visage. Je n’avais plus froid. J’étais… ailleurs. Je n’avais aucune envie de rentrer… Mais je savais que le souvenir vibrant de ces sensations et de ces émotions m’aiderait à traverser les semaines de confinement qui s’annonçaient…

    Et, aujourd’hui, quand je me sens prisonnier de mon existence confinée, ma mémoire me ramène à cette forêt automnale et à son parfum de liberté…

  • Lise Careau - Octobre

    Lise Careau – Octobre

    16 h 30. Corps fatigué d’être resté assis durant des heures devant l’ordinateur. Yeux et cerveau lessivés. J’éteins l’appareil, range papiers, livres et cahiers. Besoin de bouger. Je me redresse, m’étire. Les fenêtres m’invitent dehors; la lumière du jour me séduit.

    J’enfile mes espadrilles de voyage, mon poncho gris, mon foulard fleuri et mes gants légers. Je tourne la poignée, sors de la maison, referme la porte, la verrouille. Sécurité oblige. Me voilà debout sur la longue galerie blanche, déconfinée de ma résidence provisoire de création. Je fais quelques mouvements d’extension et de rotation. Je ris.

    Mon âme se déploie, mon corps se détend. Mes yeux s’abreuvent à l’immensité du ciel. Mon regard glisse sur tout, cavale au champ des distances et des perspectives variables. La ville et ses bruits, le parc et ses paysages m’enveloppent. La vie veille sur le domaine Fairview et sur moi. Je souris, prends mon temps, respire doucement en long et en grand.

    De quel côté vais-je m’aventurer? Vais-je rejoindre le sentier? Errer sur le terrain découvert? J’hésite, les deux m’attirent. Les arbres se dressent dans l’air bleu. Peau rugueuse des troncs majestueux imprégnés d’histoire. Le vent et le froid des derniers jours ont entraîné la chute massive des feuilles. Bientôt, le gris et le brun domineront.

    Je choisis finalement de suivre le sentier. Des feuilles mortes estompent les frontières entre le ciment et l’herbe. Je marche, portée par une sorte d’allégresse. Tout en moi célèbre et se réjouit. D’abord balisé de feuillus et de conifères, le sentier se prolonge en un T que longe un chemin asphalté. Je bifurque sur la gauche.

    Ô merveille! On dirait une image de conte de fées! Je m’immobilise, fascinée tout autant qu’exaltée par tant de beauté. Le terrain est totalement couvert de couleurs fusionnées les unes aux autres. Je n’ai jamais rien vu de pareil. Je contemple le sol multicolore baigné de lumière. Je l’absorbe de toute mon âme. J’y pose le pas, y dépose ma joie. Je deviens couleurs, crissement doux, cris lointains de corneilles et chant rapproché de mésanges. Je deviens immense, à la fois dissoute et confirmée par ce fragment de paysage qui me pénètre et me submerge totalement. Des éternités s’écoulent.

    Lavée de toute fatigue, je reprends ma marche sur le sentier, croise adultes, enfants et cyclistes venus se promener dans l’éclat généreux de ce jour d’octobre 2020.

  • Odette Do Couto – La peur

    Odette Do Couto – La peur

    C’est l’automne, après un répit de quelques mois, le monde est de nouveau en état d’alerte. Et si nous avions le pouvoir de transformer cette catastrophe en quelque chose de plus grandiose, quelque chose de positif qui nous servira de leçon à tous. Et si nous regardions le verre à moitié plein plutôt que celui à moitié vide. Et si nous utilisions la peur de ce virus comme une occasion de grandir, une occasion de cesser d’être nombriliste.  Faisons front commun pour sauver le monde : nos aînés, nos parents, nos enfants, nos amis, nos voisins, bref tous ceux qu’on aime.

    Depuis le printemps dernier, la peur nous guette. La peur pourrait nous servir de tremplin si nous refusions d’être parmi ceux qu’elle saisit et dont elle brouille le jugement.  Heureusement, nous avons le pouvoir de choisir où le saut nous mènera.

    Nous pouvons faire une différence en convertissant cette peur qui nous anime. Actuellement cette peur est utile puisqu’elle nous place dans une situation de vulnérabilité. Nous avons donc peur de perdre le contrôle, peur de perdre un des deux pôles. C’est d’ailleurs  ce qui nous motive à agir; certains choisissent de se mettre la tête dans le sable en faisant fi du danger. Tandis que d’autres choisissent d’être productifs et de prêter main forte pour garder le cap.  Certains refusent de se soumettre aux exigences et deviennent par le fait même nuisibles en perpétuant ainsi la menace et en continuant de propager le virus. Et si les sacrifices en valaient le coût.  La vie nous a peut-être fait un cadeau mal emballé. Et si tout comme l’automne qui, après nous avoir éblouis de ses couleurs, nous étions aussi dans l’obligation de refaire peau neuve, de se redécouvrir pour mieux s’aimer et se réinventer. La vie nous offre ce temps d’arrêt, de remise en question.  La vie nous sort de notre zone de confort pour nous inciter à revoir nos priorités, nos valeurs, mais aussi pour nous forcer à rester solidaires.  Plutôt que de chercher un responsable, pourquoi n’y verrions-nous pas, dans cette pandémie, un appel au changement, un appel de retour aux sources. Considérons-nous comme des êtres privilégiés qui auront survécu à la pandémie, mais surtout soyons de ceux qui auront contribué, en utilisant la peur à bon escient, à freiner cette maladie. Soyons responsables. Donnons-nous la main, en demeurant unis, mais de grâce, à distance.

  • Marie-Elaine Ferland – Le cœur de l’automne

    Marie-Elaine Ferland – Le cœur de l’automne

    Que de merveilles à préparer !
    Que de joies à manifester !
    Que de bonheur à présenter !

    Je suis ouvert à tous les cœurs qui m’accueillent et me dirigent vers mon destin.

    Je n’hésite pas, je suis toujours là.
    Prêt à changer, prêt à créer.

    Oh ! Quelles belles couleurs je revêtirai.
    Mon cœur palpite… il étincelle et me dit que je suis prêt.
    Je contemple la nouvelle vie qui m’attend et me prépare assidûment. Elle me dit :

    « Viens, petit, viens vers moi, étale ton cœur sur mon espoir, car il est grand. Il te reçoit avec amour, joie du renouveau et beauté enchanteresse.

    Tout ça, tu es.

    Je te vois, je t’entends, je t’aime.

    Tu es là, vibrant d’espoir de renouveau, d’une nouvelle vie, d’un nouveau destin. Tu vibres d’amour et tu te réjouis de la saison qui sera toi.

    Je te dis, belle âme, que ton cœur saura créer une nouvelle vie pour tous ceux qui choisissent de l’accueillir à cœur ouvert. Tu auras la force, le courage, la beauté et l’amour qui te guideront vers un destin des plus merveilleux.

    Tu as toujours été, et tu seras toujours. N’oublie pas, je t’aime et te reçois dans mon amour. Je n’ai qu’un désir pour toi  ̶  de te laisser créer tout ce que tu désires créer dans l’amour, la beauté et la joie. Je suis à toi. »

    Un grand bonheur m’envahit !

    Je suis la vie!  Elle est à moi, je suis à elle. Elle me guide, me reçoit, me nourrit et me permet de cocréer tout ce que je désire cocréer…

    Je dois préparer ma venue…

    C’est à ce moment que l’automne prépara sa venue, bien avant qu’il arrivât.

    Son cœur déploya de telles couleurs qu’il fut ébloui par les nuances de la vie qui l’attendait. Il fut enveloppé d’une douce odeur de sapins, de coquelicots et de tournesols qui lui souriaient au soleil levant.

    Il fut alors comblé des honneurs de la forêt qui lui vint à cœur ouvert et lui permit de s’épanouir d’une telle grandeur qu’il s’apprêta à combler tous les cœurs de son courage, sa beauté et son honneur.

    Du son de la forêt, des abeilles qui murmurent et des oiseaux qui s’enchantent, l’automne murmura un dernier chant qui annonça sa venue.

    Il était prêt, il était heureux et joyeux. Sans effort, il déploya toute sa grandeur et se permit de contempler le bonheur de tous les cœurs qui l’attendaient.

    🍁🍂🌾

    Il nous reviendra…

  • Anastasia Laberge-Mustad – Un 25 Octobre bien spécial

    Anastasia Laberge-Mustad – Un 25 Octobre bien spécial

    Par un beau matin d’octobre, une jeune fille nommée Alice dormait profondément. Elle avait les cheveux d’un blond magnifique, les yeux vert émeraude et un sourire étincelant.

    Alice aimait par-dessus tout la cuisine, les livres, les promenades à vélo, la nature et les animaux.

     

    Lorsqu’Alice se réveilla, elle se précipita à la fenêtre pour mieux regarder ce paysage qu’elle aimait tant : le soleil qui se lève et les feuilles d’automne qui tombent au rythme du vent doux et parfois glacial du mois d’octobre.

    – C’est le plus beau des cadeaux, se dit-elle, c’est magnifique!

    C’était bien vrai, car aujourd’hui, c’était son neuvième anniversaire.

     

    C’est alors que toute sa famille ouvrit la porte et cria en chœur :

    – Joyeux anniversaire!

    – Merci beaucoup, dit Alice, c’est une super surprise!

    – De rien ma chérie, répondit sa mère. Nous avons aussi quelque chose à t’annoncer.

    Toute la famille descendit alors jusqu’au salon, et la mère d’Alice alluma la télé.

    – C’est qui ce monsieur, demanda le petit frère d’Alice, je ne le connais pas.

    – C’est normal, c’est le Premier ministre du Québec, François Legault, dit le père d’Alice.

    – Je suis désolée, Alice, mais tu ne pourras pas fêter ton anniversaire avec tes amies comme prévu, dit sa mère, François Legault vient d’annoncer qu’on ne pourra plus avoir de rassemblements.

    – Je pourrai quand même les appeler sur zoom, non?

    – Bien sûr. Alors, veux-tu ouvrir tes cadeaux?

    – Oui!

     

    Alice déballa le premier cadeau. C’était le livre de cuisine qu’elle se souhaitait depuis des lustres.

    – Merci! Je vais enfin pouvoir faire des petits gâteaux pour mes amies!

    Comme deuxième cadeau, elle reçut la collection entière de Pays des contes, sa série de romans préférée.

    – Je ne sais pas quoi dire, je suis trop contente!

    Le troisième cadeau était un tout petit chaton roux et blanc avec de grands yeux jaunes.

    – Trop mignon! Je vais l’appeler Cannelle!

    Et finalement, Alice reçut LE cadeau de ses rêves : un vélo.

    – …

    Alice resta bouche-bée et se mit à pleurer de joie.

    – Merci infiniment! Il est trop beau!

    Alice fut très contente car, grâce à son vélo, elle pourra quand même se promener et contempler le paysage d’automne qu’elle admire tant.

     

    Ainsi, malgré le confinement, Alice resta forte, courageuse et continua de voir la vie en rose.

     

    FIN

  • Kristina Lafon – Récit d’Automne

    Kristina Lafon – Récit d’Automne

    L’Automne, c’est de loin ma saison préférée. Je ne l’explique pas trop en fait. La majorité des gens auront plutôt l’impression de renouer avec la pluie, le froid, les feuilles mortes et le rhume, alors que moi, je m’attarde davantage sur ses couleurs chatoyantes, les feuilles qui craquent sous les pieds, le feu dans la cheminée, les bons petits plats chauds qui réchauffent le cœur, et toutes les activités qui vont avec. La fabrication de petits gâteaux, les films que l’on regarde à la télé, tranquillement installé sous une couverture, emmitouflé dans son gros pull favori. La nuit qui tombe plus tôt, et qui en déprime plus d’un, et moi la première, permet pourtant de redécouvrir la lumière sous un nouveau jour, d’allumer de petites loupiotes chaleureuses qui égayent la maison… C’est tout ça l’Automne. Et je suis sûre que j’oublie plein de choses. J’aime l’Automne. Les autres détestent. Question de point de vue.

    L’Automne c’est aussi un paradoxe, car c’est la saison du milieu. Ce n’est plus l’été, ce n’est pas encore l’hiver, c’est même un avant-goût de l’hiver parfois, s’il fait très froid. Une façon de s’y préparer, et on a l’impression que c’est une saison morte, qui ne sert à rien. Là, entre deux. On voit la nature en train de s’éteindre, en train de mourir, avant de passer l’arme à gauche définitivement quelques semaines plus tard. Je ne vois pas ça comme ça, ou alors, si je ne le vois pas comme ça, c’est peut-être parce que je suis d’une nature profondément nostalgique, et que la lourdeur, la torpeur et la lassitude de l’Automne, me va bien. C’est un temps de repos, une période caverneuse où on a le droit de rentrer en hibernation, pour se ressourcer, rentrer en contact avec soi-même. J’y trouve aussi beaucoup de joie moi, en Automne. C’est Halloween, une fête que j’adore. Creuser une citrouille, décorer la maison, regarder des films d’horreur, où plus gentillets mais qui font quand même un peu peur, sinon ce n’est pas drôle.

    Voilà pourquoi j’aime l’Automne. L’automne, c’est la saison des casaniers, des créatifs, heureux de rester chez eux et de profiter des petits bonheurs du quotidien. L’automne ne sert pas à rien, sinon il n’existerait pas. Et quatre cents mots, ce n’est pas assez pour dire à quel point j’aime l’Automne. L’Automne c’est le phénix des saisons. On a besoin de mourir pour renaître.

  • Frank Willy Mangotho – Récit automnal en temps de pandémie

    Frank Willy Mangotho – Récit automnal en temps de pandémie

    L’automne était arrivé avec brutalité, répandant sur la ville sa grisaille, et ses fines pluies, intempestives. Un homme, prénommé Antoine, bûcheron de son état, perça à l’aide d’une cognée, la branche d’un platane. De l’arbre entamé, tombèrent des ramées qui libérèrent un parfum, enivrant qui plongea la ville, dans un profond sommeil. Et, la nuit fut longue, et cauchemardesque. Les gens toussaient et éternuaient à chaque instant. Certaines personnes faisaient des fortes fièvres, en montrant du doigt, le platane maudit.

    Le matin, au réveil, une pandémie fut déclarée dans la ville. La covid-19. C’était terrifiant.

    Le confinement était décrété, et des gestes barrières annoncés :

    -Le lavement régulier des mains ;

    -Le port obligatoire de masque ;

    – L’observance des mesures de distanciation ;

    -Tousser dans le pli de son coude ;

    –  Alerter les autorités médicales, en cas de forte fièvre, ou de toux persistante ;

    Armé de sa cognée, portée sur l’épaule comme un lance-roquettes, Antoine fut surpris, se promenant sans masque. Il fut arrêté illico et emmené à l’hôtel de police. En ces lieux, Antoine subit des interrogatoires devant un commissaire. A l’extérieur, il continuait à pleuvoir légèrement, tandis que les arbres soufflés par le vent, se délestaient progressivement de leurs feuilles. Hommes, femmes, jeunes et vieux portant un masque couraient vers leur logis.

    A l’hôtel de police, après avoir décliné son identité, Antoine suivait avec attention, les griefs formulés à son encontre. Il lui était reproché, suite à un abattage des essences prohibées, d’avoir introduit dans la contrée, la covid-19. Il apprit aussi le reproche de constitution des bandes armées, en vue du renversement des institutions établies. Antoine rejeta toutes ces accusations.

    Il déclarait que suite à la pandémie, il observait en bon citoyen, toutes les mesures y relatives. Il regrettait la perte de son masque, pendant l’abattage du platane. Il avait posé l’objet sur une branche de l’arbre abattu, et le masque s’était enfui parmi les ramées. Au dernier moment, l’objet était introuvable, et la recherche fut déclarée vaine. Cette terminologie de recherche vaine fit sourire le commissaire. En effet, dans son travail quotidien, cet officier de police, est habitué à utiliser ce terme, souvent abrégé par le sigle RV.

    Le commissaire signifia à Antoine, qu’il venait d’être entendu sur procès-verbal. Libre, il devait demeurer à la disposition de la police pour les besoins de l’enquête.

  • Justine Meilleur – Le retour forcé de l’art de ne rien faire

    Justine Meilleur – Le retour forcé de l’art de ne rien faire

    Ça y est, l’arrière-saison s’est installée sans crier gare. Juillet tardait à arriver, et dans un claquement de doigts, les feuilles se sont colorées, preuve que le temps est relatif. De jaune moutarde à rouge brique, toutes les teintes s’imposent. Après la peur de la maladie, puis la volonté de faire notre part, c’est le froid qui nous confine. Certains d’entre nous, peut-être, se surprennent à trainer des heures entières assis sur le bord de notre fenêtre, une tasse de café à la main, à observer les voisins vaquer à leurs activités ; à songer au privilège de ralentir, au bonheur de voir défiler les saisons, à la chance de renouer avec cet art « presque perdu de ne rien faire », tant vanté par l’irrésistible Dany Laferrière. L’arrivée des lainages, doux, même au regard, d’élégants manteaux de feutre et des bonnets assortis aux gants, ne passe pas inaperçue. La respiration des piétons devient visible à l’œil nu, tout comme la mollesse des corps face aux changements de température ou l’expansion des nuits aux dépens du jour. Mais surtout, surtout, certains d’entre nous emplissent leurs poumons de cette odeur typique de nos automnes : un mélange de terreaux, de première neige, de mélancolie et de feuilles mortes. Lorsqu’il nous faut trouver quelconque utile occupation, nous fouillons les armoires, découvrons des boîtes que nous n’avions pas déballées au dernier déménagement. Nous y déterrons les livres que nous avons voulu lire, d’autres que nous avons tant aimés. Nous reconnaissons des albums de musique, imprégnés d’une autre époque, qui nous font rougir de nostalgie. Tiens, Epilogue de Matt Holubwski. La langoureuse complainte de The Weatherman s’harmonise avec la météo, les circonstances et notre quotidien, étiré et répété : « I have to go, I have to go, oh, ooh, o-oh… ». Oui, Matt, nous devons tous aller quelque part ; l’envie nous prend tous de déguerpir. Mais d’abord, regardons le grand chêne de la ruelle signer le départ de la course vers la saison froide. Sa dernière feuille, celle qui, perchée bien haut, a gardé l’œil sur ses consœurs tout l’été durant, celle qui s’est déployée en plein confinement, celle dont le pétiole finalement se détache, virevolte dans l’espace de jeu déserté de mes enfants, cloîtrés pour une deuxième fois. Ils avaient surveillé avec excitation l’apparition de son bourgeon, ils l’observent maintenant toucher le sol, et dans leurs yeux brille la hâte de déjà reconnaître une hirondelle.

  • Mélissa Rivière – Un récit automnal en temps de pandémie

    Mélissa Rivière – Un récit automnal en temps de pandémie

    Le soleil brille particulièrement, aujourd’hui. Il faut en profiter, cela ne va pas durer. J’enfile mon écharpe, ma veste, mes chaussures, et attrape la laisse de mon chien suspendue à la patère. Je sors de la maison, et marque un temps d’arrêt sur le seuil. Je ferme les yeux quelques secondes tout en prenant une grande inspiration. Max, mon berger allemand, me sort de ce cours instant de plénitude avec un coup de truffe sur la main. Le caressant tout en attachant la laisse à son collier, il remue la queue avec engouement. J’ouvre le portail, et nous nous dirigeons vers le chemin qui mène à la forêt. L’automne s’est installé, et le paysage a revêtu ses couleurs orangées, typiques de la saison. Alors que je détache la laisse, mon chien commence à patauger dans les flaques laissées par la pluie tombée la veille. Puis il part devant, à la recherche d’une piste. Que renifle-t-il ? Lièvre, chevreuil, sanglier, peut-être ? Il s’en donne à cœur joie. Je marche d’un pas léger, divagant dans mes pensées les plus profondes. Seule, en pleine nature, à observer une buse perchée sur un poteau de bois, que Max n’a pas encore fait fuir. En face, deux chevaux broutent tranquillement. Couvertures sur le dos, ils profitent de l’herbe restante, avant que l’hiver ne recouvre leur grand pré de givre.

    Puis, j’ouvre les yeux. Je m’étire, et attrape mon téléphone sur la table basse. Il indique précisément 11h. Je me lève du canapé, me dirige vers la fenêtre de mon petit appartement parisien. Les artères urbaines habituellement bondées sont quasi désertes. Cette pandémie mondiale aura eu raison de nos habitudes, de nos déplacements, mais pas de nos envies d’évasion. Mes voisins de palier pestent à l’idée de rester enfermés chez eux quand ils y sont obligés, tandis qu’ils rêvent d’une journée sur leur canapé lorsqu’ils doivent aller travailler. Aujourd’hui encore, le soleil se cache derrière les nuages qui donnent un aspect grisâtre à la capitale. Mon cœur lui, est empli de chaleur. Une chaleur caractéristique de l’automne, qui l’est davantage par ses couleurs que par sa température. Cette atmosphère que j’aime tant, que je connais si bien, et qui permet à mon esprit de voyager à travers notre belle campagne quand mon corps, lui, est coincé en ville.

    Penser est la plus grande des libertés, toute saison confondue.

  • Marion Sillion - Pandémie automnale ou automne pandémique

    Marion Sillion – Pandémie automnale ou automne pandémique

    Ah l’automne, c’est beau. Si beau qu’on en… non, tu rigoles ? Arrête-toi, tu ne vas quand même pas éclater en sanglots, là ? Range tes mouchoirs, de toute façon c’est trop tard.

    Cette année, tout s’est mélangé. L’été marquait la fin de l’hiver, et dès l’automne l’hiver s’est de nouveau installé. Il fait si froid ici. Tout ce qu’il nous reste sont des contacts distants, échangés derrière nos écrans.

     

    Les feuilles quittent les branches et plongent, croisant les courbes de pauvreté s’élançant vers le ciel. La gravité fait bien les choses. Je n’ai pas vu l’année passer, comme si elle s’était faufilée derrière moi, discrètement. Je suis engourdi, mais pas de froid, coincé dans une boîte de conserve, il ne reste de toute façon que ça au supermarché.

     

    Coincé dans ce drôle de monde, je fais tout pour garder la tête hors de l’eau. Malheureusement ce temps d’automne n’arrange rien : il pleut toute la journée.

    Ah, l’automne. La lumière orangée, les feuilles écarlates et l’odeur des châtaigniers… Contraste vif avec le froid, la sombre humidité. J’actualise mon application, les chiffres m’effraient.

     

    Absorbé par mon téléphone, je traîne des pieds dans le tapis de feuilles en décomposition. Au milieu d’elles, un masque n’ayant rien à faire là. Non mais sérieux. Regarde autour de toi, est-ce que c’est poétique, ça ? Les gens n’ont vraiment plus aucun respect. L’homme et la nature. Le grain dans l’engrenage. Tout s’emballe, puis s’éclate et se casse la gueule.

     

    Je relève brusquement la tête et manque de trébucher, un cycliste me frôlant à toute allure, manquant presque de me renverser. J’ai encore de la buée dans les lunettes, foutu masque. Les feuilles tombent, mais les masques restent en place.

     

    Sauf celui-là, à terre. Peut-être quelqu’un l’a-t-il laissé tomber par inadvertance, ou bien s’en est libéré, pour sourire à poings fermés, profiter de l’instant et inspirer à pleine dents. Je me baisse pour le ramasser, avec précaution. On ne va quand même pas laisser traîner des bouts de plastique partout !

     

    À l’intérieur, l’empreinte délicate d’une bouche au rouge à lèvres grenat. Et soudain les arbres n’ont plus la même couleur, le paysage reprend vie.

  • Micheline Babinski – Mon sentier automnal en temps de pandémie

    Micheline Babinski – Mon sentier automnal en temps de pandémie

    J’ai souvent vécu le long d’un cours d’eau. Dans mon enfance,
    J’habitais au bord du Saint-Laurent. Maintenant, la rivière
    Rideau charme mes jours. Un sentier boisé en suit les sinuosités.
    D’autres le fréquentent, il demeure néanmoins tranquille.
    Je le parcours seule pendant de longues distances,
    Bonheur d’un retrait, silencieux, contemplatif, magique.

    — Quelque chose se passe, un virus inconnu survient en Chine.
    C’est loin de nous, les maladies, les tsunamis, les bombes.
    — Erreur. Une pandémie agressive frappe sans égards.
    — Je suis prise au dépourvu. Où se cacher ?
    Les autorités imposent la distanciation même le confinement.
    Combien d’interdits ? Mais rien ne m’empêche de retrouver ma retraite.

    Tout ferme, sauf l’essentiel pour la santé et la nutrition.
    Les édifices se vident, le travail et l’enseignement à distance s’installent.
    Finis les bureaux cloisonnés, les heures réglementaires.
    Les déconfinés découvrent, heureux hasard, l’horaire flexible.
    À tout moment, la promenade devient possible,
    Trop de monde sur mon circuit de randonnée !
    Sans portes ni verrous, désert, il se remplit.
    Un cycliste me frôle, je perds pied, il renverse deux marcheurs.
    Mon chemin arboré ne m’appartient plus.

    Jour gris, morose. Un vent frisquet et des nuages persistants
    suffisent pour éloigner les nouveaux venus.
    Peu de promeneurs, six coureurs.
    Un père tient son petit garçon par la main. Il le serre contre lui.
    Ils ne font qu’un, semblables à des amoureux.

    Trois enfants en bicyclette, quelques planches à roulettes.
    Un autre sportif, mollets fermes que je tâte des yeux, faute d’amoureux.
    Un sourire me renvoie le mien, rapprochement permis.
    Les bernaches gloussent et laissent tomber sans gêne leur tarte verte.
    Mon sentier se dépeuple, il me revient lentement.

    Jour d’automne, les feuilles d’or et de sang se dispersent. La pluie rafraîchit mon visage. Personne autour, sauf un couple de tourtereaux enlacés, insensibles au temps maussade. J’accélère le pas au rythme des gouttes qui tambourinent sur ma tête. L’ourlet de mon capuchon, comme un chéneau, déverse son eau. Voilà 301 jours de contrainte.
    Je marche, je trottine, mes efforts combattent l’ankylose du confinement.

    L’air frais, les couleurs s’assombrissent, le dénuement. Le rideau tombe. Tout se retire, je lâche prise pour m’ouvrir à ce que le froid nordique me proposera. Les morceaux de glaces qui flottent sur l’eau, comme des bateaux blancs, suivent leur cours silencieux jusqu’à leur destinée. Les canards demeurent à l’abri, dans les creux du rivage.

    Il pleut à verse. Je suis seule sur mon sentier.

  • Gilbert Troutet – Petit flocon

    Gilbert Troutet – Petit flocon

    Petit flocon était né d’une maman nuage. Quelque part là-haut, très haut, là où le soleil ne disparaît jamais. Un matin, il avait paru dans la lumière, voletant au gré du vent. Même s’il ressemblait aux milliers d’autres autour de lui, il se savait unique au monde, arborant son habit de dentelle fine où s’imbriquaient astérisques et hexagones.

    Il se sentait léger, aérien, immatériel, mais en même temps si vulnérable. Une bourrasque, un trou d’air, un chinook descendu des montagnes, et sa fragile existence pourrait prendre fin. Lui ne voulait pas mourir. Il lui fallait voler, toujours voler, ne jamais se poser ni faire halte. Ou c’était la disparition assurée dans le magma blanc de l’hiver.

    Tout en planant comme un oiseau, il regardait la Terre au loin, d’où s’élançaient vers le ciel des tours, des clochers, des cheminées d’usines. Surtout éviter de s’en approcher, faire la sourde oreille à leurs sirènes. La nuit, pour ne pas sombrer dans les fosses obscures au-dessous de lui, il aurait voulu pouvoir s’accrocher au croissant de la lune ou à une branche d’étoile à sa portée.

    Fallait-il suivre le courant, se laisser entraîner avec les autres vers des destinations inconnues, telles ces jeunes bernaches suivant leurs parents vers le sud ? Ou choisir au contraire la route des montagnes, là où les vents remontent le long des arêtes rocheuses et vous emportent vers les hauteurs ?

    Ce jour-là, le ciel s’était assombri et d’innombrables congénères virevoltaient autour de lui dans une ronde infernale, agités par des rafales et des tourbillons. Impossible de se guider dans cette tourmente, ni de résister aux assauts de la tempête. Petit flocon voyait bien qu’il ne servirait à rien de tenir tête. Pendant des heures, il parcourut ainsi des milles et des milles, jusqu’au moment où, enfin, le calme se fit et le soleil réapparut. Là-bas, tout en bas, le bleu de la mer venait buter sur les franges ourlées de la côte et les arbres semblaient poudrés de vert tendre. Avait-il ainsi dérivé jusqu’au seuil du printemps, jusqu’à un pays sans hiver ?

    Petit flocon se dit qu’il ne survivrait pas longtemps à la tiédeur des beaux jours. Toute la journée, il tenta de monter plus haut, encore plus haut, comme font les aigles et les éperviers. Quand vint la nuit, épuisé par tant d’efforts, il se laissa choir lentement et se posa sans bruit sur la plus haute branche d’un grand orme, seul au milieu de la plaine, et s’endormit.

    Quand les premiers rayons du soleil effleurèrent la cime de l’arbre, Petit flocon s’était évanoui. À sa place brillait une perle de rosée.

Nous avons besoin de vous

Contribuez à Impératif français en faisant un don ou en devenant membre !