Étudier le vrai anglais en Angleterre car l’anglais parlé au Canada n’est pas du vrai anglais.
Un autre bel exemple du dédain exprimé publiquement par certains Canadiens de langue anglaise envers notre langue française telle que parlée au Canada. Mots dits haut et fort, sans gêne.
Ça m’a rappelé les trop nombreuses occasions vécues à ce sujet au cours des années.
Des affirmations d’incultes du style “Je veux aller étudier le VRAI français (the real French, leur terme) en France car le français que vous parlez au Canada n’est pas du vrai français”. Questionnés, je les ai entendu me répondre que la langue française au Canada n’était qu’un dialecte, un patois, une langue de ruelle, parfois avec d’autres termes encore plus insultants.
J’ai même connu des Français émigrés au Canada qui ont inscrit leurs enfants dans des écoles de langue anglaise pour s’assurer que leur progéniture n’“attrape pas cet horrible” accent québécois. Une belle façon pour que leurs enfants subissent une assimilation forcée vers l’anglais, comme celle que tant d’autres Francophones du Canada ont vécue depuis des siècles. Nous, on connaît ça!!!
Alors vice-président de l’assemblée législative à Toronto , je me rappelle qu’un jeune unilingue anglophone est passé me voir pour m’exprimer son intérêt pour un poste d’adjoint. D’amblée, il m’admet qu’il ne parle pas le français mais, qu’il accepterait volontiers que je lui paye une année complète pour aller apprendre le français en France. Avec promesse de revenir complètement bilingue. Le pauvre! Il n’a pas compris qu’il venait d’allumer la mèche du pétard qui le ferait sauter.
Je sors un pétard de ma réserve et je lui demande pourquoi aller apprendre le français en France? Il me répond qu’il veut apprendre le VRAI français. J’allume le pétard et je lui demande pourquoi ne pas l’apprendre au Canada? L’innocent me répond que le soi-disant français que nous parlons au Canada n’est pas du français. Boum!!!
J’essaie de contenir ma rage. Je lui propose d’inverser les rôles : Je suis unilingue français et, sollicitant un poste dans son bureau, je lui promets d’aller étudier le vrai anglais en Angleterre car l’anglais parlé au Canada n’est pas du vrai anglais. Et, en passant, je lui demande sur quelles études scientifiques il se base pour affirmer que notre français au Canada n’est pas du “vrai” français?
Le pauvre n’a jamais vu le piège se refermer sur lui. Je n’ai rarement vu un “tata” patiner aussi gauchement. De toute évidence, personne ne lui avait posé ce genre de question. Fin de l’entrevue. Bon débarras! Lui et combien d’autres.
Dans mes bureaux, dont mes trois à titre député (Toronto, Rockland et Hawkesbury dans ma circonscription) , la seule langue de travail était le français. Point final, même à Toronto. N’en déplaise à quiconque. Pas discutable, pas négociable.
Les autres qui m’ont sorti de telles conneries se rappelleront longtemps de ma réponse. Pétard fumant, orgueil noircie.
Jean POIRIER Alfred Ontario
Voici l’article de Mario Girard :
Pour commentaires à CBC : catherine.tait@cbc.ca
Cet accent québécois qu’on ne veut pas entendre
Chronique du journaliste Mario Girard La Presse de Montréal le 13 octobre 2023
S’il fallait un exemple supplémentaire pour vous convaincre du mépris et de la méconnaissance des Canadiens anglais face à l’identité culturelle des Québécois, en voici un très bon.
CBC Podcasts, la division qui produit et diffuse des émissions balados en anglais pour la société d’État, a réalisé la série Alone : A Love Story d’après le livre du même nom. C’est un énorme succès. Les écoutes se comptent par millions. On a donc eu l’idée d’adapter la balado en français (et en espagnol).
Parce qu’on souhaite connaître un retentissement international et qu’on craint que l’accent québécois nuise à cet objectif, l’équipe de ce département a confié son adaptation en français à un studio… parisien.
L’équipe d’OHdio, la plateforme qui produit et diffuse des balados pour Radio-Canada, a tenté de faire comprendre à CBC Podcasts que cette décision était mauvaise et que des artisans québécois seraient tout à fait en mesure de s’acquitter de cette tâche, mais sans succès.
« On ne voulait pas un français québécois, pour favoriser l’intérêt à l’international », a osé dire Cesil Fernandes, producteur exécutif chez CBC Podcasts, à Mélissa Pelletier, journaliste du Journal de Montréal, qui rapportait cette histoire jeudi.
J’étais sur le cul !
Pour toute explication, la CBC s’est défendue dans un courriel envoyé à La Presse en affirmant que son souhait était de « rendre la balado accessible au plus vaste auditoire possible ».
Visiblement, à CBC Podcasts, on ignore que Xavier Dolan est une énorme vedette en France et que ses couleurs québécoises ne sont pas un frein à son succès, bien au contraire. Mais voilà, à la CBC, où on peine à attirer les téléspectateurs, on vise haut ! On veut séduire les amateurs de balados européens avec un accent qui est le leur, pas le nôtre.
Et le public québécois dans tout ça ? Est-ce que les anglos sont conscients que les adaptations faites en France passent moins bien ici ? Pierre-Yves Roy-Desmarais et Rosalie Vaillancourt ont même créé une série satirique sur le sujet qui s’appelle Complètement lycée.
J’ai écouté quelques-uns des dix épisodes en français de cette émission balado devenu Seule : Une histoire d’amour (la série originale en contient 28). Avec le plus pur accent parisien, l’actrice Marion Lesongeur raconte l’histoire de Michelle Parise, une journaliste et auteure de Toronto qui vit une séparation.
Je ne fais sans doute pas partie du public visé, car j’ai eu l’impression qu’on me lisait un interminable roman Harlequin.
Quel affront pour l’expertise québécoise ! Que de préjugés au sujet de notre réalité. Cesil Fernandes sait-il que nous avons des comédiennes à la pelle capables de s’exprimer et de jouer dans un français normatif compris dans tous les pays francophones du monde ?
Ce gars a-t-il déjà vu Anne Dorval, Émilie Bibeau, Sophie Desmarais, Élise Guilbault, Anne-Marie Cadieux, Pascale Bussières, Sylvie Drapeau, Evelyne Brochu, Céline Bonnier, Violette Chauveau ou Sophie Faucher au théâtre, au cinéma ou à la télévision ? Sait-il qu’elles peuvent jouer avec ou sans le fameux accent québécois dont il a peur ?
Être caméléon, c’est leur métier, bonyeu !
Cette décision est d’autant plus étonnante qu’il y a quelques mois, l’équipe d’OHdio a adapté avec brio une autre balado de CBC, Brainwashed, devenue Brainwashed : les cobayes oubliés. J’ai dévoré cette série qui est animée par Sophie-Andrée Blondin. On s’entend que cette animatrice n’a pas l’accent enluminé de Marthe Laverdière.
Vous imaginez un peu la scène si OHdio faisait adapter une de ses balados par des Américains parce qu’on veut toucher un public international ?
Ou mieux, si l’adaptation était confiée à un studio britannique sous prétexte que l’accent anglais est plus raffiné que celui des Canadiens anglais ?
Ouille, on passerait un mauvais quart d’heure !
Je n’ai aucun problème avec les balados faites par les Français. J’en écoute régulièrement. OHdio offre d’ailleurs d’excellentes productions de partenaires européens. Mais quand on sait que celle-ci est née chez nous, qu’elle aurait pu être adaptée au Québec et qu’elle est devenue un produit purement français, j’ai un problème.
Précisons que l’argent qui sert à mettre en valeur cette œuvre dans les deux langues est celui d’une société d’État et de contribuables canadiens.
Les questions de doublage divisent le Québec et la France depuis des années. Les films doublés ici (qui pourraient très bien être projetés dans les salles françaises) sont la plupart du temps refusés par les « cousins ».
L’industrie du doublage se bat pour éviter que les acquis ne s’effritent. Alors, quand on voit une société d’État comme la CBC confier à une entreprise parisienne l’adaptation française d’une balado et l’imposer aux francophones du Canada, je trouve ça fort de café.
Je suis curieux de voir ce que la PDG de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, qui aime tant truffer ses allocutions de phrases célébrant la diversité du talent canadien et la défense des minorités culturelles de notre pays, aurait à dire là-dessus.
J’espère qu’on portera ce faux pas à son attention.