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Langues officielles : le «piège» s’est refermé

 

Dans le discours, dans la loi et la jurisprudence, on les mettait systématiquement (voire systémiquement !) sur le même pied. Bref, en pratiquant un aveuglement volontaire crasse quant à la situation de faiblesse infiniment plus grande, dans le Dominion, du français par rapport à l’anglais. Dans cette logique, aider l’anglais au Québec, c’était aider le français dans le Rest of Canada… D’où mon émotion d’entendre Justin Trudeau et sa ministre Mélanie Joly, dans des déclarations sans équivoque, porter un regard empreint d’« asymétrie ».

Voici un texte qui résume très fidèlement le cheminement chaotique de la révision de la loi fédérale sur les Langues officielles au Canada.

Le chroniqueur Antoine Robillard du Journal de Montréal n’est pas le seul à en être déçu.

Premièrement, l’an dernier, je me suis présenté devant le comité fédéral sur les Langues officielles étudiant le financement des institutions post-secondaires au Canada. Devant le poids outrageusement excédentaire du financement fédéral des institutions de langue anglaise, au détriment des institutions de langue française, j’avais suggéré aux député.e.s membres d’accorder l’appui financier du fédéral de façon asymétrique entre Francophones et Anglophones.  Pourquoi?  Parce que les universités de langue française, surtout les trop rares hors-Québec, ont des besoins existentiels beaucoup plus importants, voire urgents. Les universités mastodontes de langue anglaise reçoivent une part beaucoup trop grande de ce financement, sous prétexte de recevoir une part dite symétrique en vertu de leurs poids et influence.

Des député.e.s ont trouvé ma proposition de financement asymétrique fort intéressante, reconnaissant que les besoins spécifiques des collectivités francophones bénéficieraient grandement d’un tel financement. Les besoins de plus petites universités de langue française telle les universités de Hearst ou Sudbury en Ontario ne peuvent être comparés à ceux de très grandes universités de langue anglaise, telle McGill à Montréal.

Deuxièmement, le premier ministre fédéral, Justin Trudeau a nommé une unilingue anglaise gouverneure générale, notre chef d’état. De plus, il a nommé une unilingue anglaise à titre de lieutenant gouverneure au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue au Canada.  Les Francophones du Nouveau-Brunswick ont contesté en cour cette décision qui a déclaré la décision du premier ministre inconstitutionnelle. Quelle surprise d’apprendre que le gouvernement fédéral en appelle de cette décision.

Troisièmement, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, un anti-francophone notoire, a nommé récemment un député non-moins notoire anti-francophone au comité parlementaire mandaté de réviser la Loi sur les Langues officielles de cette province.  Quel culot du premier ministre Trudeau de vertement critiquer cette nomination d’un député voué à réduire ou anéantir les gains des Francophones acquis durement au cours des années.  Quand lui-même fait fi de son propre devoir de respecter et de faire respecter de façon juste sa Loi sur les Langues officielles.

Quoi croire et comprendre dans ce genre de cheminement dans l’évolution du dossier de la révision, du maintien, de la défense et de la promotion des Langues officielles au pays.  À  en rester le souffle coupé. Le tango de la francophonie : des pas en avant, d’autres de reculons.

Jean POIRIER  Alfred Ontario

Ancien député franco-ontarien, vice-président, Assemblée législative de l’Ontario
Ancien Chargé de mission, région des Amériques, Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF)
Ancien membre, Bureau de direction, Assemblée parlementaire de la Francophonie, Paris France
Ancien et premier président, Section du Parlement de l’Ontario, Assemblée parlementaire de la Francophonie
Ancien président, Assemblée de la francophonie de l’Ontario (anc. ACFO).

Commandeur, Ordre de la Pléiade, Assemblée parlementaire de la Francophonie
Officier, Ordre National du Mérite de France, conseiller, section du Canada, ONM
Médaille d’honneur, Sénat de la République française
Membre, Ordre des Francophones d’Amérique
Prix Séraphin-Marion et Médaille Bene Merenti de Patria, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
Prix Lyse-Daniels, Impératif français, Québec


Voici le texte d’Antoine Robillard du Journal de Montréal :

Langues officielles: le « piège » s’est refermé
(Antoine Robitaille, Journal de Montréal)

En 2020, j’avais été, comme plusieurs, ému par une sorte de transfiguration des libéraux fédéraux dans le dossier linguistique.

Dans un discours du trône, le gouvernement Trudeau fils parlait des « 8 millions de francophones au Canada dans un océan » anglophone. Il rompait alors avec la position traditionnelle des gouvernements fédéraux depuis l’adoption, en 1969, par Trudeau père, de la Loi sur les langues officielles (LLO).

Symétrie et asymétrie

Position traditionnelle ? La stricte « symétrie » entre minorités francophones et anglophones.

Dans le discours, dans la loi et la jurisprudence, on les mettait systématiquement (voire systémiquement !) sur le même pied. Bref, en pratiquant un aveuglement volontaire crasse quant à la situation de faiblesse infiniment plus grande, dans le Dominion, du français par rapport à l’anglais. Dans cette logique, aider l’anglais au Québec, c’était aider le français dans le Rest of Canada…

D’où mon émotion d’entendre Justin Trudeau et sa ministre Mélanie Joly, dans des déclarations sans équivoque, porter un regard empreint d’« asymétrie ». « Il n’y a jamais eu de déclaration du gouvernement fédéral à ce sujet-là », disait fièrement Joly, qui reconnaissait le recul du français à Montréal et parlait même de l’importance d’agir pour qu’existe « un foyer francophone majoritaire dans un Québec où l’avenir du français est assuré ». Un livre blanc défendant la notion d’asymétrie fut publié.

Déception

Malheureusement, la suite fut désespérante. D’abord, il y eut le projet de loi C-32, qui mourut au feuilleton avec les élections de 2021. Le gouvernement Trudeau demeura minoritaire, mais le remit sur le métier. La ministre Ginette Petitpas Taylor accoucha finalement du projet de loi C-13.

Or, l’asymétrie y a été rabaissée au rang de principe vague.

Un sort similaire à celui des concepts de « société distincte » et de « nation québécoise ». D’abord refusés, puis reconnus du bout des lèvres. Dans l’esprit du Canada anglais, elles ne doivent jamais avoir aucune espèce de conséquence juridique.

Ainsi, presque toutes les propositions d’amendement à C-13 issues du gouvernement du Québec, relayées par le Bloc Québécois, furent ignorées.

Dans un chapitre percutant de son livre Le Piège des langues officielles, Québec et minorités francophones dos à dos (Septentrion, 498 pages), le docteur en droit linguistique Éric Poirier décortique la loi de Petitpas Taylor : « Du livre blanc à C-32, la proposition s’est éloignée de l’objectif de l’asymétrie. Avec C-13, on s’éloigne encore ».

Pire, on risque de reculer. Avec sa loi 96, le gouvernement Legault voulut assujettir les entreprises à charte fédérale à la loi 101 sur le territoire du Québec.

Mais la loi C-13, que le gouvernement Trudeau veut maintenant faire adopter avant Noël (avec l’appui du NPD), permettra aux entreprises (telle Air Canada évidemment) d’échapper à cette exigence.

Comme le naturel, le discours symétrique revint au galop chez Justin Trudeau, en réaction à la loi 96, notamment. Peu surprenant, quand on examine sa députation montréalaise, qui comprend entre autres Anthony Housefather, ancien président d’Alliance Québec, un organisme longtemps financé par Ottawa pour miner la loi 101.

Au fond, le piège systémique de la LLO s’est refermé sur l’asymétrie.

Source : https://www.journaldemontreal.com/2022/11/15/langues-officielles-le-piege-sest-referme-1

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