32 cégeps ont voté une motion pour l’application de la Loi 101 aux cégeps. De votre tour d’ivoire à Québec, vous ne voyez pas l’anglicisation galopante à Montréal et ses banlieues! La Loi 101 doit s’appliquer aux cégeps, ou bien le financement doit être réduit à 8 % au lieu de 17 %, sur une période de transition de 5 ans.
«Des reculs du français, parfois émergents, parfois déjà prononcés, furent documentés. Dans la langue d’affichage. L’accueil dans les commerces. Au travail. Dans les services publics. Dans le nombre croissant de francophones et d’allophones qui, au cégep et à l’université, passaient à l’anglais. »
Source : Denis Roy
JOSÉE LEGAULT
Mardi, 17 mai 2022 05:00
Samedi, des milliers de Québécois anglophones et allophones ont manifesté dans les rues de Montréal. Un événement rarissime. Objectif : dénoncer le projet de loi 96 du gouvernement Legault visant à « moderniser » la loi 101.
Des leaders anglophones plus militants, dont le Québec Community Groups Network, y voient une menace directe à la survie de la communauté anglophone. Leur vision apocalyptique les discrédite d’office.
Il n’en reste pas moins que même des anglophones plus modérés ont des craintes. Bref, dès qu’il s’agit de la loi 101, la dynamique classique de deux solitudes inconciliables refait surface. La raison ?
Mieux protéger le français – de plus en plus minoritaire au pays – commande nécessairement des mesures coercitives qui, on ne s’en sort pas, doivent chercher à atténuer l’immense force d’attraction de l’anglais auprès des nouveaux arrivants et de plus en plus de jeunes francophones.
Pas question de nier les vertus du multilinguisme individuel, mais de tenter de limiter le bilinguisme dit institutionnel. Parce qu’il présente le Québec comme un État bilingue dans son fonctionnement, il tend à marginaliser le français.
Le projet de loi 96 réussira-t-il à renverser la vapeur sans étendre la loi 101 aux cégeps, tout en persuadant les anglophones de ne pas craindre pour leur survie comme partie prenante du Québec ? Vaste question.
Déjà tard
Sur le fond, le problème est brutal. Dans la grande région métropolitaine et en Outaouais, il se fait déjà très tard. Or, personne n’ose poser la vraie question : comment en sommes-nous arrivés là ? C’est important de le comprendre.
Si le déclin du français s’accélère tant, ce n’est plus à cause du blocage anti-loi 101 des leaders anglo-québécois des années 1970-1980 et de leurs multiples contestations réussies devant les tribunaux.
Au cours des 25 dernières années, les premiers responsables en ont été les gouvernements du Québec, rouges ou bleus. La deuxième fut l’apathie de nombreux francophones.
Dès 1996, de premiers indicateurs allumaient pourtant des voyants jaunes. Je le sais. J’étais la directrice du premier bilan exhaustif sur la situation de la langue française depuis l’adoption de la loi 101 en 1977. À l’été 1995, le premier ministre, Jacques Parizeau, en avait fait la demande.
Incurie et apathie
Des reculs du français, parfois émergents, parfois déjà prononcés, furent documentés. Dans la langue d’affichage. L’accueil dans les commerces. Au travail. Dans les services publics. Dans le nombre croissant de francophones et d’allophones qui, au cégep et à l’université, passaient à l’anglais. Etc.
Le gouvernement Bouchard et les médias francophones avaient pourtant jugé ce bilan trop « alarmiste ». Depuis, jurant que tout allait bien, les gouvernements majoritaires n’ont rien fait pour redresser la situation. Les mêmes tendances se sont donc accentuées.
D’où le projet de loi 96, aussi perfectible soit-il, et d’où la colère montante chez des anglophones militants ou modérés. Eux aussi se sont fait répéter que tout allait bien. Alors pourquoi, se disent-ils, François Legault veut-il légiférer ?
Serait-ce parce qu’il « détesterait » les anglophones, se demandent plusieurs. Aux antipodes, des experts renommés, dont le mathématicien Charles Castonguay, l’accusent pourtant de ne pas renforcer la loi 101 suffisamment.
Tout cela était fort prévisible. Comme quoi, un quart de siècle d’incurie et d’apathie aura eu son prix. Ne dit-on pas que tout ce qui traîne se salit ?
Source: Nous payons le prix de 25 ans d’apathie | JDM (journaldemontreal.com)