Qu’attendent les autorités politiques?

Andrew Leamy 2021 - Photo d'Albert Lebeau
Andrew Leamy 2021 – Photo d’Albert Lebeau

Série de trois articles :

1er Andrew, criminel et assassin
2e Ci-dessous : Qu’attendent les autorités politiques ?
3e À venir!

par Albert LeBeau

Il va de soi que, quand il y a un procès aux instances criminelles pour une question de mort d’homme, il ne peut y avoir « Justice » sans avoir au préalable apparence de justice dans le processus judiciaire. Le procès, ou le simulacre de procès, d’Andrew Leamy pour le meurtre de Donald McCrea ne rencontre ni l’une ni l’autre de ces deux conditions!

À posteriori, allons voir de quoi il est question … La preuve explique pourquoi aujourd’hui persistent des doutes sur le jugement rendu en 1846 par le tribunal du Banc de la Reine au Palais de Justice de Montréal relativement à la fameuse cause de … La Reine vs Andrew Leamy.

D’entrée de jeu, il faut contextualiser les circonstances de ce crime. En 1843 les hommes d’affaires qui profitent depuis 1832 du monopole de la coupe de bois sur la rivière Gatineau perdent leur « Gatineau Privilege » et doivent maintenant payer pour faire l’acquisition de permis au Crown Timber Office situé à Bytown, comme toutes les autres entreprises du Canada-Uni.

Certains nouveaux investisseurs, surtout écossais, désirent exploiter une entreprise sur la Gatineau, notamment les frères Blasdell de Bytown qui ont terminé la construction d’un nouveau moulin-à-scie sur l’île Chelsea ainsi qu’Allan Gilmour qui représente l’entreprise internationale de la famille Gilmour dans la région de l’Outaouais. Également, il y a le richissime John Egan un autre entrepreneur de la région qui, avec Allan Gilmour, fait le plus d’achats de permis pour des droits de coupe sur la rivière Gatineau.

Selon les mémoires d’Allan Gilmour, en 1844 Ruggles Wright de Hull, un des anciens privilégiés de la Gatineau, le menace s’il continue à financer les frères Blasdell et s’il s’aventure sur la Gatineau.

Dès le printemps 1844, les Wright avec l’aide du « goon » Andrew Leamy (neveu par alliance) ainsi que Peter Aylen, leaders de ces criminels et assassins connus sous le nom de « Shiners », sont rapidement passés à l’acte!

Andrew Leamy, Aylen et leurs Shiners « tentèrent d’empêcher quiconque d’utiliser la rivière Gatineau ». Ces criminels « bloquaient les radeaux des compétiteurs en barrant l’embouchure de la rivière Gatineau avec des estacades »(1) ce qui provoque des affrontements et des rixes. Donald McCrea travaille pour les nouveaux opérateurs de la rivière Gatineau et, ce qui doit arriver… arriva!

Lors d’une des nombreuses rixes provoquées par les « Shiners » et leurs leaders au printemps 1845, McCrea est tué devant une multitude de témoins.

Puisqu’il n’y a pas de corps policier dans la région de l’Outaouais au début du mois d’août 1845, les autorités judiciaires de Montréal délèguent à Bytown le grand Frederick William Ermatinger, ancien lieutenant-colonel de l’armée et présentement inspecteur et surintendant de la Police du District de Montréal. Ermatinger procède alors à l’arrestation d’Andrew Leamy et obtient des informations supplémentaires en relation avec ce meurtre, dont les noms de certains amis et collègues de travail de McCrea qui sont prêts à témoigner lors d’un éventuel procès. Un certain James Farley est un témoin oculaire du meurtre de Donald McCrea et il est volontaire pour témoigner.

Il est évident qu’Andrew Leamy ne va pas rester dans une prison de Montréal jusqu’à son procès. Dix jours après son arrestation, soit le 14 août 1845, Ruggles Wright, son oncle par alliance, ainsi que Dennis Leman, un médecin d’Aylmer, fournissent à la cour du district de Montréal une caution de 1 000 £ivres (500 chacun) et garantissent le bon comportement de Leamy ainsi que sa présence au moment du procès prévu pour l’année suivante.

Durant la deuxième moitié de 1845, Andrew Leamy est très actif pour intimider les gens qui peuvent témoigner contre lui, et pour ceux qu’il ne peut intimider, il achète leur silence. À cet effet, voyons ce qu’affirme Monsieur Henri Hébert, syndic de la Cour et constable de la Police du District de Montréal qui a reçu le mandat de se rendre à Bytown au mois de janvier 1846, six mois avant le procès, afin de livrer des subpœnas aux principaux témoins de la Couronne.

Selon sa déposition assermentée à la cour le 12 février 1846, Henri Hébert affirme qu’il s’est rendu à Bytown pour trouver le témoin du nom de James Farley et certains autres. À Bytown il est redirigé vers l’Auberge Pinard dans la ville d’Aylmer où doit chambrer ledit Farley. L’aubergiste Louis-Hyacinthe Pinard ainsi que son fils Joseph confient au constable Hébert que James Farley n’est plus là et qu’il ne sera pas de retour avant la fin du procès d’Andrew Leamy !

Questionnant ces honnêtes gens, Henri Hébert apprend que : « … ce Farley qui habitait dans la haute rivière aux Lièvres est maintenant à Rock Berry ou ailleurs. Les deux Pinard affirmaient ensuite qu’ils étaient présents quand un homme qu’ils connaissaient comme étant du clan de l’accusé Andrew Leamy, donna $300 (+d’un an de salaire) à James Farley et $300 à un autre témoin présent à l’auberge; dans le but qu’ils se cachent jusqu’à la fin du procès, afin d’éviter (absconding) les représentants de la Cour et surtout leurs subpœnas … ».(2)   

Six mois plus tard, devant le Juge en chef Joseph-Rémy Vallières de Saint-Réal, la cause de La Reine vs Andrew Leamy, soit l’inculpation pour le meurtre de Donald McCrea, est entendue. Les procureurs de Leamy sont Me Drummond et Me Bouchette tandis que le bouillant Irlandais Henry Driscoll (1792–1869) est le procureur de la Couronne.

Sachant depuis au moins six mois qu’il n’y a aucun témoin oculaire pour la Couronne, surprise le « valeureux » procureur de la Couronne Henry Driscoll, contre toutes attentes (3), procède quand-même avec cette cause. Et, ce qui doit arriver … arriva! L’accusé Andrew Leamy, en l’absence de preuves et surtout de témoins, est hélas! acquitté des accusations de meurtre qui pèsent contre lui.

En ce qui concerne la « Justice ou l’apparence de Justice », il faut regarder ailleurs !

Nous croyons que les autorités doivent faire disparaître le toponyme « Leamy » de l’espace public.

Nota Bene : Quelques précisions, à savoir qu’en 1845, « annus horribilis » ou Andrew Leamy fut accusé du meurtre de Donald McCrea, on rapporte également « 85 ‘accidents’ mortels liés aux opérations de drave dans le bassin de l’Outaouais tandis que l’année suivante, en 1846, (l’année du procès d’Andrew Leamy) on enregistre qu’une cinquantaine de pertes de vie dans la même région ». Il faut croire que c’était la période ou les « Shiners » ont calmé leurs activités criminelles.  (The Timber Trade in the Ottawa Valley, 1806-1854 – Sandra J. Gillis.)

Notes :

  1. Up the Gatineau, GVHS, Vol. 34, p. 37
  2. BAnQ – Banc de la cour du Roi – 06M_TL19,S1,SS1
  3. Nous sommes en présence de ce qui semble être la corruption de représentants de l’État. La Couronne aurait pu reporter l’audition de cette cause jusqu’au moment où les témoins seraient retrouvés, et entre-temps retenir l’accusé, Andrew Leamy, en prison pour avoir menacé et soudoyé les témoins de la Couronne!

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