Le tollé provoqué en France par l’adoption de la réforme de l’orthographe est-il justifié? Faut-il saluer cette «révolution» qui concerne aussi le Liban où l’usage du français est courant et où plus de 65% de nos écoles ont le français comme deuxième langue ? (…)
Langue rebelle
La langue française est une langue belle, séduisante, mais aussi capricieuse, ce trait de caractère renforçant son attrait. Elle a des lubies et des excentricités qui lui confèrent un charme supplémentaire. Elle a ses habitudes et ses rites, dont on peut s’agacer, mais qu’on se doit de respecter, parce que toute langue est fille de son histoire et dépositaire d’un patrimoine, parce que les langues perdent leur authenticité quand on les dénature. Elle a même un côté ludique, que l’on retrouve dans les anagrammes, les calembours et les néologismes. Sans cette fantaisie, sans cet héritage, sans les trouvailles qu’il recèle, sans ses pièges, le français serait trop lisse et trop terne. Sans ses attributs, il perdrait sa spécificité, son identité même, et cette saveur que Salah Stétié appelle très justement « le fruité de la langue française ». Or cette réforme vient ôter ce fruité à la langue de Molière en lui substituant une saveur artificielle ; elle vient la cadastrer, la rationaliser, alors que cette langue est libre par essence et rebelle de nature. Elle est, enfin, le signe éclatant de ce laisser-aller et du nivellement par le bas qui risquent de transformer notre jeunesse en une génération inculte et robotisée. Déjà malmenée par le langage SMS, l’écriture phonétique et les émoticônes qui, en remplaçant les mots, nous ramènent à l’ère des hiéroglyphes, la langue française n’avait sans doute pas besoin de ce nouveau coup de poignard dans le dos. (…)
Pour toutes ces raisons, la réforme de l’orthographe nous semble maladroite. À trop vouloir retoucher un tableau, on finit par l’abîmer ! Reste à savoir si les enseignants de français au Liban l’adopteront en totalité ou en partie, ou s’ils entreront en résistance. Le vrai problème est sans doute ailleurs : la désaffection de la jeunesse libanaise pour le livre – la lecture étant encore la meilleure garantie d’une bonne orthographe !
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