Impératif français tient à rendre hommage à un grand poète et ami de la langue française, du Québec et de la francophonie, Serge Dion, en publiant son superbe discours patriotique prononcé à la fête nationale du Québec, le 23 juin 2005, au parc des Cèdres à Gatineau, Québec.
« Mon pays »
C’est ici que je me suis bâti, c’est ici que j’ai vécu, et après, que j’y mourrai.
J’habite mon pays et mon pays m’habite. Il me porte et je le porte en moi. Je le porte en mon coeur ou encore à bout de bras. Car il est encore bien imparfait, créé à notre ressemblance, créé et vécu de ce que nous sommes.
Mais mon pays m’habite. Ce territoire m’habite. Et ce territoire a une mémoire.
Toutes ces rivières, toutes ces gens, toute cette histoire a une mémoire. Ils sont là dans nos coeurs de descendants de ce fabuleux pays de l’Outaouais, ou du Saguenay ou de la Beauce, de l’Estrie ou de l’Abitibi. De toutes ces autres terres qui constituent la terre de chez-nous.
Ici, nous sommes nés de lacs, de montagnes et de rivières. D’arbres, de drave et de forêts. Notre histoire coule et coule depuis des siècles dans cette Kitchissippi majestueuse, cette Grande Rivière ou dans la belle et noire Gatineau de nos mythes et de nos légendes.
Ici, nous sommes nés dans ce berceau dont les courants ont porté les découvreurs d’un autre Monde, d’un Nouveau Monde, le nôtre, puis toute l’histoire de notre histoire.
Cette histoire qui nous a donné une langue. Cette langue née du courage de nos anciens, de leur esprit inventif, de ces langues amérindiennes aussi… tous ces mots apparus, transformés depuis la bouche des mères des mères et des mères de nos mères.
J’habite mon pays et mon pays m’habite. Une terre fertile, propice à l’éclosion de tous les talents et de tout le peuple que nous sommes. Un pays bourré d’espoirs et de fierté, mais aussi de doutes. Un pays d’union et de désaccord; un pays dont l’âme a toujours baigné dans la source inaltérable de l’identité; un pays de douleurs et de grandes joies. Un pays à notre image : vainqueurs ou vaincus.
Oui, mon pays et son drapeau avec lesquels flotte toute la destinée d’un peuple, de son peuple, fait un à un, une à une désireux et désireuse de vivre comme on doit vivre, fiers, autonomes et… responsables. Mais responsables de quoi? Et de qui?
Nous avons le devoir de la mémoire. Et le devoir de nos aspirations. Nous avons la responsabilité de chacun et de tous. Car ce peuple, bien qu’imparfait lui aussi… et c’est sûrement la raison pour laquelle il est si attachant… a toutes les qualités et tous les talents qu’il faut; toutes les raisons et toutes les passions pour se réaliser.
Exactement comme des parents font tout ce qu’ils peuvent pour que leurs enfants volent un jour de leurs propres ailes.
Mon pays, et mon pays outaouais, font partie du sens même de ma vie et de qui je suis. C’est ici que je me suis bâti, c’est ici que j’ai vécu, et après, que j’y mourrai.
Tous les jours et dans toutes les directions, je me nourris toujours autant de sa nature grandiose, du sourire et de la manière d’être de ses habitants. De leurs coeurs et de leurs couleurs.
Oui, j’habite mon pays et mon pays m’habite. Ce merveilleux pays d’eaux vives, de rivières, de lacs, de forêts et d’appartenance. Ce merveilleux pays d’accueil et de devenir. Ce merveilleux pays et cette région unique qui non seulement nous ont portés jusqu’ici, mais nous ont mis au monde.