CA Cheuvreux est un courtier sur actions européennes du groupe Crédit agricole, filiale à 100 % de CA-CIB (Crédit Agricole Corporate and Investment Bank). On se souviendra que CA-CIB a succédé, le 2 février 2010, à CALYON qui avait connu bien des déboires lors de la crise de 2007-2008. Le communiqué de presse publié à l’occasion de ce changement de nom était fort intéressant : « cette nouvelle marque .. constitue également l’opportunité pour Crédit Agricole CIB de confirmer ses choix stratégiques décidés dès septembre 2008 pour se concentrer sur ses expertises historiques au service des besoins de ses clients et de l’économie réelle. » Cet important courtier est issu, via Indosuez, de l’ancienne charge d’agent de change dite Cheuvreux de Virieu (depuis une réforme de 1989, voulue, sinon imposée par les banques, le statut d’agent de change a disparu et a été remplacé par celui de société de bourse). Il possède 14 bureaux dans le monde. Début octobre 2007, il annonçait l’ouverture de son neuvième centre européen dédié à la couverture du marché … grec.
Comme des quantités d’établissements financiers, ce courtier propose aux possesseurs de tablette numérique iPAD de télécharger une application spécifique. On voit, en pièce jointe ci-dessous, le contenu de la proposition correspondante. Il est exclusivement en anglais, aucune version française n’est disponible (il en est du reste très exactement de même dur le site de Cheuvreux : https://www.cheuvreux.com/public/default.aspx?ReturnUrl=%2f ).
On comprend sans peine qu’une entreprise multinationale use, entre autres langues, de l’anglais dans sa communication (le Crédit agricole Group, comme dit Cheuvreux, « présent dans 70 pays« , est évidemment lui-même, depuis longtemps, une multinationale, du reste déjà fortement anglicisée). Mais qu’une société de droit français (son siège est à Courbevoie) bannisse de la sorte la langue française, interdisant à ses clients français l’usage de leur langue maternelle, est profondément choquant.
La constitution dit que « la langue de la République est le français » (art. 2, l’alinéa correspondant ayant été ajouté par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992). Par contre, pour les milieux d’affaires qui se veulent tous à vocation supranationale, la langue du commerce en général ne peut être que l’anglais. C’est donc elle qui doit s’imposer partout, désormais, et éliminer petit à petit les autres langues nationales. C’est ce qu’ils veulent, avec obstination et avec des moyens d’influence considérables. Selon l’idéologie néolibérale qu’ils véhiculent, rien ne doit faire obstacle à la marchandisation de la société (qui doit être mise au service de l’économie), à l’affaiblissement des Etats, à leur soumission aux lois des marchés. Et c’est bien parce que le pouvoir politico-médiatique national s’est laissé convaincre sans peine, surtout depuis le début des années 1980, que la langue française est à ce point malmenée, et d’abord en France. Elle l’est impunément, avec l’approbation tacite, sinon même avec les encouragements des pouvoirs publics.
Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le débat relatif aux élections présidentielles de 2012, du moins celui qui oppose les candidats dits « sérieux » (ceux qui sont issus des formations gouvernementales), tel qu’il est, de nouveau, mis en scène par les médias, consacré à 90 % au thème des « déficits publics« , occulte à peu près totalement la question de la défense de la langue française, comme, du reste, celle de la crise de l’Etat-nation.
Jean-Pierre Busnel
Adresse utile : webmaster@cheuvreux.com