Michel De Waele
Trois questions à Michel De Waele
Sur le débat entourant l’appellation de l’autoroute Henri-IV
Plusieurs professeurs de l’Université Laval se mobilisent au côté de la Société historique de Québec pour conserver le nom de l’autoroute Henri-IV. Pour une deuxième fois, la Commission de la toponymie examine la possibilité de transformer ce tronçon routier, proche de la base militaire de Valcartier, en «autoroute de la Bravoure» comme le demandent certains politiciens locaux. Une proposition que dénonce le professeur et historien Michel De Waele.
Q Pourquoi attacher tant d’importance à un nom d’autoroute?
R La toponymie sert de marqueur identitaire, en général, et doit refléter l’histoire d’une société, sa politique contemporaine. Au Québec, on reconnaît l’héritage catholique avec tous les noms de village commençant par «saint». Par contre, cette même toponymie reflète beaucoup moins le passé français de la Nouvelle-France. À Québec, il n’y avait pas de rue ou de parc Louis-XIV avant le boulevard que l’on a baptisé il y a trois ou quatre ans, alors que ce dernier était roi de la Nouvelle-France. Et c’est la même chose pour Henri IV. Au Québec, seulement trois rues ou autoroutes rappellent Henri IV, lui aussi roi de France: un petit bout de rue à Montréal, une rue d’un quartier résidentiel à Sherbrooke et l’autoroute à Québec. Or sans Henri IV, Champlain n’aurait pu fonder Québec. Il faut donc rappeler l’importance de ce personnage. Il voulait concurrencer l’Espagne, la puissance coloniale du temps, très implantée en Amérique centrale, qui avait des liens privilégiés avec la Chine et l’océan Indien. Quand Champlain est envoyé en mission d’exploration, il doit trouver un passage vers la Chine pour que la France participe à ces échanges commerciaux très importants avec les Asiatiques. D’ailleurs, avant Champlain, Henri IV avait déjà envoyé d’autres explorateurs. À partir de 1597 et de la fin des guerres de religion en France, il veut restaurer économiquement le pays, ce qui passe en partie par le commerce avec l’Asie. Le problème, c’est qu’il est assassiné en 1610 et que les troubles intérieurs rendent moins importante la colonisation de la Nouvelle-France.
Q Pourquoi, selon vous, la Commission de la toponymie examine-t-elle à nouveau la possibilité de remplacer le nom de l’autoroute?
R C’est évident que l’actualité a été marquée ces dernières années par l’implication des soldats canadiens en Afghanistan. Des hommes politiques ont voulu le souligner en rebaptisant l’autoroute Henri-IV en autoroute de la Bravoure. Personne d’ailleurs ne conteste la bravoure des soldats ni ne dit qu’aucun lieu ne doit rendre hommage aux soldats qui se sont battus pour le Québec ou la Nouvelle-France. De nombreux lieux rendent déjà hommage à la bravoure, que l’on pense au parc des Braves, à la rue des Braves. Il y a d’autres endroits aussi qui soulignent la contribution des militaires. Pourquoi en rajouter en enlevant Henri IV du paysage public québécois alors qu’il occupe une place absolument fondamentale dans la création de la Nouvelle-France? D’autant plus que c’est le dernier roi de France qui a chargé à la tête de ses armées, donc c’était un brave!
Q Cette tendance à gommer l’histoire de la Nouvelle-France est-elle un phénomène récent au Québec?
R Lorsque la société québécoise s’est développée, on s’est tourné vers des noms de personnages qui rappelaient le passé laurentien du Québec, plutôt que vers ceux qui rappelaient l’ancien régime monarchique français. Cela fait partie de la construction de l’identité québécoise. On privilégiait des héros locaux, sans mentionner l’abandon réel ou présumé de la Nouvelle-France par la France, un sujet délicat à une certaine époque. Personne ne penserait à enlever le nom de Jacques Cartier ou de Champlain. On ne va pas enlever la rue Louis-Hébert ou Frontenac, mais on oublie que ces gens-là étaient les sujets de rois qui ont eu un rôle essentiel à jouer dans le développement et l’avenir de la Nouvelle-France. Il faut aussi se souvenir qu’Henri IV a réussi ce que bien peu d’hommes politiques ont pu faire, soit réconcilier un peuple divisé par 35 ans de guerre civile. Il a mis sur pied une politique de réconciliation nationale qui a eu du succès, il aussi restauré l’économie, le commerce et l’agriculture, et les coffres du royaume se sont regarnis. Il pourrait donc servir de modèle politique pour bien des gens. Henri IV symbolise l’ouverture vers l’autre, la volonté d’oublier ses griefs pour travailler avec ses ennemis d’hier dans le bien commun. Que demander de plus à un politicien?
Propos recueillis par Pascale
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