Ma langue c’est un chaland qui transporte des vivres sur l’autre bord des rives,
C’est des ponts qui détruisent des murs,
C’est le métal de mon armature,
C’est la langue des poètes,
C’est la résistance qui se déchaîne face à l’insurrection,
C’est la plume de Delorimier pris dans les barreaux de l’occupation,
C’est le bastion de ma résistance,
Le clairon de mon existence,
C’est le cancer de Durham,
C’est les couleurs d’une murale,
C’est tous mes ancêtres qui me soufflent une brise rurale,
Ma langue est en moi pis chu incurable,
C’est mes artères, mes veines, mes bonheurs, mes peines,
C’est toute mon âme qui se dégaine,
C’est ce qui rallie mes côtes à celles d’Algérie,
C’est ce qui se ressemble, ce qui s’assemble,
C’est ce qui descend du ciel au mois de décembre,
Ma langue c’est le je du nous,
C’est la Côte-Nord des Innus,
C’est des Pea-soup qui montrent qui sont pu des pissous,
C’est des ‘’J’te paye une broue’’ pour que j’te parle de s’te pays de fous,
C’est le combat du Bas-Canada,
C’est les traces de bottes d’un Patriote dans une tempête de neige de Toundra,
Ma langue c’est cette toune-là,
C’est une chanson que j’fredonne,
C’est des frissons que j’te donne,
C’est des Gaulois qui ne veulent rien savoir de vos lois,
C’est la foule que je côtoie,
Le moule de nos joies,
Le coup de boule de nos droits,
C’est l’eau-de-vie de nos soifs,
Nos devises de nos rois,
C’est mes cordes vocales que j’aboie,
C’est les amygdales de mon peuple quand mon peuple est à bout,
C’est mes poumons, quand chu à bout de souffle,
Fais-en pas une histoire taboue,
Comprends que ma langue c’est pas personnel,
C’est fait pour qu’on se sente tous dans l’oreille comme un perce-oreille,
Pis que ça fasse la boucle des consciences,
Ma langue c’est l’encre qui coule sur une page d’histoire,
C’est toutes les coupes Stanley de Maurice Richard,
C’est un oiseau rare qui chante ses gloires,
Ma langue c’est mon terroir,
C’est un territoire sans douanes,
C’est l’accent joual,
Les habitants créoles pis les sentiments provençaux,
Ma langue c’est blanc, c’est noir,
C’est mauve, c’est brun pis c’est jaune et jovial,
C’est notre monde social,
Notre royaume convivial,
Notre rayon qu’on se partage,
Oui ma langue peut jouer des tours,
Oui elle cause du trouble pis elle fesse des tours,
Mais au moins, elle n’a pas de branding comme les panneaux sur les routes,
Ma langue c’est une voie lactée dans un tourbillon d’émotions,
C’est des émoticônes qui jaillissent de mes mots de potions,
C’est la magie humaine en pleine action,
Laisse-moi te cracher ma langue dans ma rédaction,
Soulager mes infractions,
Me protéger des invasions,
Te partager mes intentions,
Laisse-moi me gaver d’un six pack de syntaxe,
Que j’te saoule ton oreille sourde,
Que j’vocabule l’atmosphère,
Avant que le silence règne comme un dictateur en colère,
Ma langue c’est pas qu’un manuel scolaire,
Une orthographe pis une grammaire,
C’est aussi ma grand-mère qui se berce,
C’est des averses que je déverse,
C’est un gros mammifère qui te bouleverse,
C’est un bulldozer qui roule sur le boulevard de mes textes,
Laisse-moi te texte ou te chat ma langue,
Que je permette à mes fréquences de se répandent,
Pis que j’mette un pansement aux malentendus,
Ma langue c’est le métronome de mon cœur qui fait vibrer mes humeurs,
Que j’fabule, que j’divague, que j’dis rien, que j’patauge, que j’m’appose, que j’m’apôtre, que j’chapeaute pour ma propre paroisse, que j’m’émoie pendant des mois,
Cette langue c’est moi, c’est toi, c’est lui, c’est elle, c’est vous, c’est nous, c’est chez nous,
Je t’y invite, tire-toi une bûche, pis fais comme chez vous
David dufour
davidduf@hotmail.com