Extrait de Cyberpresse http://www.cyberpresse.ca/la-tribune/opinions/201010/12/01-4331667-protegeons-integralement-la-loi-101.php
La Tribune
En 2002, l’Assemblée nationale du Québec a adopté, par un vote unanime, la loi 104, qui étendait aux écoles privées non subventionnées les prescriptions de la Charte de la langue française du Québec (loi 101), afin que ces écoles cessent de servir de «passerelles» par lesquelles des parents fortunés «achetaient» le droit d’entrée dans le système scolaire anglophone pour leurs enfants.
En 2009, la Cour suprême du Canada a invalidé la loi 104, jugeant que certaines de ses dispositions contrevenaient à la Charte canadienne des droits et libertés. Votre gouvernement a décidé de se plier au jugement de la Cour suprême: vous avez déposé le projet de loi 103 devant l’Assemblée nationale, et vous voulez le faire adopter dans moins d’un mois. Vous affirmez que vous réglez ainsi le problème des écoles passerelles. Pourtant, avec la loi 103, trois ans d’école privée non subventionnée suffiront pour intégrer par la suite le système scolaire anglophone. Les citoyens les plus fortunés pourront donc continuer d’acheter un droit à l’école anglaise, contrevenant ainsi aux principes de la Charte de la langue française. Votre collègue, Mme Courchesne, a affirmé que seulement quelques centaines d’enfants par an pourront profiter du règlement. Mais elle oublie de mentionner que les enfants des générations suivantes intégreront eux aussi le système scolaire anglophone.
En commission parlementaire, votre projet de loi a trouvé très peu d’appuis et vos réactions aux mémoires présentés démontrent que ce dossier vous brûle les doigts. Vous avez affirmé ne pas vouloir recourir à la clause dérogatoire parce que cela «porterait atteinte aux droits fondamentaux des Québécois». Trouvez-vous vraiment acceptable qu’un «droit fondamental» ne puisse être exercé que par les personnes les mieux nanties de la société?
Vous déformez le sens du recours à la clause dérogatoire, une mesure qui est à votre portée, et qui est tout à fait compatible avec la démocratie et l’État de droit! Cette clause a été intégrée à la constitution canadienne afin d’éviter que la Cour suprême n’ait un pouvoir démesuré de faire obstacle aux lois votées par les élus du peuple.
Vous prétendez également être préoccupée par la détérioration de l’image du Québec à l’étranger, si la clause dérogatoire est utilisée. Pourtant, plusieurs pays ont adopté des lois protégeant leur langue, dont la France, l’Angleterre, les États-Unis, l’Espagne, etc. Leur image en est-elle ternie?
Le Mouvement estrien pour le français affirme qu’il est essentiel de soumettre à la Charte de la langue française les écoles non subventionnées et que vous devez utiliser la clause dérogatoire pour préserver la loi 101 en son état actuel, afin d’assurer la survie de notre langue et de notre culture. Vous êtes, Madame la Ministre, responsable de la défense et de l’application de la Charte de la langue française et nous espérons que vous agirez en ce sens.
Armandine Huard,
Éric Deland,
pour le Mouvement estrien pour le Français