Canadian Television on TV5 in Europa
et autres menus détails concernant l’information au petit écran
par Frédéric Sébastien
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques,
on rend inévitables les révolutions violentes. »
John Fitzgerald Kennedy
Compte tenu de sa médiocrisation constante, de son caractère massivement américain (dans les contenus comme dans la forme) et enfin une publicité qui nous pompe l’air en permanence (chaînes satello-câblées comprises), j’ai largement déserté la télévision depuis une bonne quinzaine d’années.
Radio-Canada / TV5
Une Radio-Canada résolument au service du Canadian Unity, depuis notamment le référendum de 1995 portant sur la Souveraineté du Québec, a achevé de me lasser définitivement de notre petit écran. À vrai dire, et en dépit d’un budget risible (accoucher de petits miracles avec deux cure-dents et trois bouts de ficelle), il n’y a plus que Télé-Québec pour me voir conserver une certaine fidélité à notre télévision nationale.
Toutefois, mes activités m’amenant à voyager beaucoup en Europe tout au long de l’année, il ne me déplaisait pas au fil des ans de syntoniser TV5, le Téléjournal de la SRC en particulier, pour savoir un peu (outre via la Toile numérique, et par le site du LeDevoir.com tout spécialement) ce qui se passe dans mon pays. Or, nonobstant que cette formidable TV5, brillant et fabuleux concept à l’origine, n’est plus désormais qu’une antenne dominée, voire, occupée (sens militaire du terme) par les insipides « variétés » et « jeux télévisés » de l’Hexagone (sinon par le « foot », s.v.p. !), puisque les autres pays de la francophonie (Belgique, Suisse, Québec, et ne parlons pas de l’Afrique…) n’y ont part que pour une portion extrêmement congrue, voilà que les rares productions québécoises retenues sont en général celles qui, outre leur caractère plus ‘commercial’ que culturel ou proprement signifiant (qui ne manquent pas pourtant), se font un devoir de faire, aussi, dans la promotion du Canadian Unity. Je pense entre autres aux téléséries Rumeurs et Catherine – Ces « Séries au Canada » présentées en grandes pompes et feuilles d’érable à volonté, ainsi qu’elles se voient partout annoncées de par le monde francophone pour bien signifier que la nation québécoise n’est après tout qu’une vue de l’esprit… de clocher – dans lesquelles, Thank you so much by the Way aux Isabelle Langlois et congénères, les vocables mêmes de « Québec » et de « Québécois(es) » se sont vus devenir rien moins que tabous. Avec des gens de cette sorte, disons-nous le franchement dans le blanc des yeux, nos ancêtres French Canadians – accablés par leur modicité historique en dépit de leur courage héraklésien à perdurer dans l’être – ont de beaux jours devant eux…
France 24
On me permettra ici une petite parenthèse qui n’a cependant rien d’anecdotique. C’est que même à la faveur d’événements ‘locaux’ signalés par les chaînes étrangères, le scrutin électoral fédéral à l’automne dernier, par exemple, les informations rapportées sont elles-mêmes fréquemment teintées au coin d’une vision so very canadian des choses. Ainsi, la chaîne française « officielle » d’information, France 24 pour ne pas la nommer, nous annonça alors la réélection du Parti Conservateur (PC), devant le Parti Libéral (PLC) ainsi que les trente et quelque députés du NPD. Pas un mot – pas un seul ! – sur le Parti du Bloc Québécois qui, comme on sait, avait à cette occasion récolté une députation supérieure de 33% (!) à celle de ce NPD, et d’ailleurs pas très loin non plus (pour le Québec à lui seul !) de la députation du PLC pour le Canada tout entier… Décidément, depuis François Mitterrand (un Machiavel de toutes les déceptions par les espoirs mêmes qu’il avait su minutieusement entretenir chez ses concitoyens ; moi compris, tout Québécois que je fusse), on n’avait pas inventé plus anti-gaullien que Nicolas Sarkozy…
Euronews
Mais ce n’est pas tout, loin s’en faut, sur cet aspect, disons, transnational. Ainsi, sur Euronews (chaîne qui se targue d’être pan-européenne tout en accordant une suprématie absolue, et combien arrogante et prétentieuse, à une langue qui est tout à fait minoritaire sur le Continent), on est parvenu – faut quand même le faire ! – à ignorer totalement le dernier Sommet international de la Francophonie, tenu à Québec en octobre 2008. Or pendant ce temps toutes les chaînes (suisses, belges, françaises et maghrébines tout particulièrement, mais non exclusivement) consacraient tout le Sommet durant une large part de leurs bulletins de nouvelles (sans compter les émissions spéciales de toute nature) à cet Événement de caractère on ne peut plus international (le français reste la seule langue, avec l’anglais, faut-il le rappeler, à être parlée sur les cinq continents de la Planète). Hélas ! Euronews révéla une fois de plus combien chez elle le professionnalisme journalistique reste souvent – l’arme de la non-information aidant : « Ce dont on ne parle pas n’existe pas » – à la remorque des intérêts… anglo-saxons.
Basta ! Radio-Canada
Cela dit, je dois avouer que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, et qui m’amène à ne plus éprouver quelque intérêt que ce soit (ou si peu) pour cette TV5, que j’ai pourtant naguère encensée de tout mon coeur de « Français des Amériques », c’est cet affligeant Téléjournal de Radio-Canada qui nous enfonce des ‘nouvelles’ insignifiantes à la pelletée, style : trois sous-sols infiltrés par l’eau à Kamloops/B.C. par effet de crues subites, incendie d’une maisonnette en Ontario ou quatre centi¬mètres de neige à Vancouver…). Histoire de faire d’une pierre deux coups, quoi : bien faire Canada a mari usque ad mare, d’une part, banaliser au possible la réalité québécoise, d’autre part. Et ce, même si l’auditoire de ce Téléjournal est constitué à 95% sinon 99% de Québécois. Une petite contraven¬tion pour excès de vitesse filmée (CBC Car on Place pour le coup) en banlieue de Whitehorse, avec ça… ? Bref, voilà dans toute son obscénité la « symétrie informationnelle » jusqu’au burlesque chez Euronews et Canadian Broadcasting Corporation : chez l’une on prend un soin méticuleux à éviter du regard l’éléphant qui déambule dans la salle de bain d’une maison de poupée, chez l’autre on fait grand cas d’une pluie tombée à quatre mille kilomètres de Montréal si tant est que celle-ci, merci Céline, permet d’accorder moins de temps et de visibilité à ce qui se passe, vraiment, chez nous.
Or je croyais que l’arrivée de mesdames Céline Galipeau et Pascale Nadeau au pupitre de cheffes d’antenne changerait quelque peu la donne ; d’autant plus qu’il s’agit là de journalistes que j’ai (également) saluées dans le passé pour leurs qualités professionnelles. Mal m’en prit. C’est maintenant pire que jamais : on sombre carrément dans le ridicule. Aussi, puisque nous y sommes, à quand ‘notre’ Téléjournal animé par Nagui ou Thierry Ardisson (les Réal Giguère français) ou autres godiches branchées, bien costumées, érotisées et joliment coiffées de même acabit… ???
From Canada vers le Pays québécois
Finale en forme d’interrogation –. Demandons-nous, gens de ma génération (40 ans et plus), si nous emporterons dans la mort, avec nous et dans la honte surtout, cet échec entretenu comme une plaie chérie, qui est celui de n’avoir pas su libérer nos propres enfants, voire nos petits-enfants, de ce pays-là, factice sinon grotesque, en leur offrant en lieu et place un vrai pays à leur mesure. Celui des Félix Leclerc, des Pierre Bourgault, des René Lévesque et des Gilles Vigneault.
Frédéric Sébastien
Frederic_Sebastien@yahoo.ca
Sur les rives de la Méditerranée, ce 21 janvier 2009
Note – En guise de complément opportun, je renverrai à « Azincourt court toujours… » : commentaire critique fort pertinent (d’une compatriote) sur la télévision franco-française de manière générale.