En 1982, devenait enchâssée dans la nouvelle Constitution canadienne, l’égalité des chances socioéconomiques pour toutes les collectivités occupantes du territoire des régions des dix provinces composant le territoire canadien. Puisque le principe de l’égalité économique et sociale régionale acquérait le statut de droit économique fondamental, pour sa réalisation, les Parlements et les législatures tant fédérales que provinciales étaient constitutionnellement engagés à développer également chacune de leurs régions.
Au Québec, bastion de la langue française en Amérique, devenaient ainsi hors la loi l’étiquette région ressource (sic) attribuée depuis 1973 à six de ses dix régions, leur rôle économique stéréotypé et inférieur dans la société et leur traitement différentiel, cela à comparer aux quatre autres régions plus au sud et qui regroupées composaient la grande région de Montréal, la métropole.
Pour la première fois de leur histoire, les Canadiens Français de tout le Québec avaient enfin dans leurs mains, un énoncé majeur d’économie politique imprégné en plus, d’un profond humanisme politique universel fondé sur le respect de la personne humaine, de sa dignité, de ses droits et du bien commun. L’égalité impartiale des chances, un droit dorénavant constitutionnalisé, constituait le traitement préventif à ce mal qu’est cette tendance tenace qu’ont les métropoles à exercer, par gouvernements faiblards interposés, leur dictature et cela, quitte à ce que soit entraînée la destruction des collectivités moins fortes.
Malheureusement, les gouvernants du Québec firent en sorte de ne pas adhérer à la Constitution canadienne. Résultat : Le régime institutionnalisé de ségrégation des régions ressources québécoises fut maintenu. Continuèrent ainsi à sévir ces facteurs sociaux et économiques qui ont pour effet documenté de repousser les citoyens de leurs différents milieux naturels de vie historique et spatiaux.
Parmi les régionaux soumis sciemment à l’exode, ce sont ceux du groupe d’âge des 15 à 39 ans qui très majoritairement prirent le chemin de Montréal. Or leurs régions de provenance, ces régions illégalement étiquetées et mises au service du développement de la grande région métropolitaine, sont à 99.9% de langue française et de culture et de tradition canadienne-française. Ainsi, depuis plus de trois décennies, n’ont pu évoluer dans leurs milieux naturels et à l’abri des facteurs qui de tout temps mènent à la spoliation tel le sous-emploi et mécaniquement la perte de la capacité naturelle de reproduction, des dizaines de milliers de ces jeunes Canadiens français. Malgré l’obligation née de la Constitution de 1982, on continuait à contraindre à l’exode les Canadiens français qui ainsi allaient se fondre dans la minorité angloghone numériquement croissante et politiquement dominante.
Il leur fut sciemment rendu difficile si ce n’est impossible, l’accomplissement de leur fonction essentielle de transmission de la langue en plus de la culture, des traditions, des valeurs, des normes, des principes sous-jacents. En plus, dans leurs anciennes régions sans cesse appauvries, fut vite atteint le seuil au-delà duquel la reproduction naturelle des Canadiens français devenait impossible.
Malgré le fait que l’action parlementaire des députés est encadrée par trois obligations soit : – L’engagement constitutionnel à l’égalité des chances socioéconomiques des collectivités régionales, – le serment au peuple prêté dans le cadre de la Loi sur l’Assemblée nationale – et le devoir de contrôleur de l’action gouvernementale, rien ne fut fait pour tenter d’inverser le processus d’exode. Cela en dépit qu’il était, depuis 1986, parfaitement documenté, tant dans sa mécanique que dans ses résultats.
Qui peut feindre d’ignorer qu’au Québec, la fidélité partisane l’emporte sur la fidélité aux droits fondamentaux des citoyens ? Dans ce contexte, il doit être constaté qu’aucun combat efficace contre les inégalités et ses conséquences ne fut entrepris. En dépit du mutisme concerté des politiciens, des élites et des intellectuels, les inégalités sans cesse croissantes et les résultats négatifs engendrés depuis ces trois dernières décennies en sont les indicateurs les plus éloquents.
Qu’on se le dise, le déracinement des populations, la pauvreté et l’extinction de la langue française au Québec découlent d’une cause commune et ce sont ces décisions politiques québécoises maintenues depuis plus de trente ans qui expliquent un tel résultat. Quoiqu’en disent les politiciens, les idéologues et les fabricants de discours, le mode discriminatoire de redistribution des fonds publics fondé sur la région d’appartenance a cristallisé l’inégalité des chances entre les collectivités internes – régions – et il constitue le fondement de l’anéantissement du français au Québec et en Amérique. La vivacité de la langue évolue dans un contexte et au Québec, le contexte ne se prête pas à la vivacité du français. Voilà !
Mario Tremblay, mario.tremblay@cpasaguenay.com
Chicoutimi
Québec
Canada
Le 30 juin 2008