M. Larocque,
J’aimerais rectifier certains faits que vous décrivez plus haut dans votre article intitulé « Les ornières sont bien profondes » et publié dans le site Internet Impératif français… vous me nommez en disant que « Luc Archambault, sermonnés par le complexe national, venir trembloter des atténuations, des excuses devant des caméras complaisantes et ravies. ». J’ai plutôt persisté et signé. M. Curzi n’a pas fait autre chose… Voir mon Communiqué intitulé « Je n’ai jamais été contre la venue de Sir Paul » et publié dans Le Soleil les 20 et 21 juillet… Ce sont les médias qui, en créant un faux « mouvement d’opposition » à la pourtant bienvenue venue de Sir Paul, ont présenté nos mises au point comme étant des « atténuations »… L’article publié par la suite le 20 et le 21 juillet en témoigne… Il n’a jamais été question dans le « Mot de bienvenue d’un artiste québécois à Sir Paul McCartney » de s’opposer à sa venue, bienvenue… le titre le dit et le texte ne le contredit pas… Il a été question de l’informer du contexte entourant sa bienvenue venue… dont, le mettre au courant de la « canadianisation » de la fête… l’informer des raisons folles données par le 400e pour justifier l’invitation qui lui a été faite, à savoir, « donner de la place aux deux peuples fondateurs, la France et le Royaume-Uni » Comme si Québec en 1608 avait été fondé par la France et le Royaume-Uni ! ?? Et enfin, j’ai questionné son assertion à l’effet que la musique était un « langage universel », ce qui est faux et l’est d’autant quand la musique n’est pas que musique et qu’elle est de langue anglaise…
Par contre, votre désespérance quant au fait que les médias se soient engagés sans vérifier leurs sources pour enfoncer à tort des souverainistes qui se seraient opposés à sa bienvenue venue, elle est exacte… Ce retour de vague nous a toutes et tous tétanisés… Or, cela parce que les canadianisateurs ont instrumentalisé la chose en accréditant dans leur réplique l’existence d’une totale invention… une invention qui a de toute pièce créé un faux « mouvement d’opposition », ce qui leur permettait d’enfoncer de manière tout à fait partisane des souverainistes qui n’étaient aucunement coupables d’avoir mis de l’avant un nationalisme de fermeture… Ce n’a jamais été le cas… Par contre, on a réussi par telle diffamation, à passer sous silence le message transmis à l’idole… à savoir qu’il se passe ici des choses qui nous font être sous domination canadianisatrice… Cet épisode le confirme… On est prêt même à inventer de toute pièce, ce à quoi l’on désire répliquer… si n’existe pas de quoi nous enfoncer… Ce qui est riche d’enseignement…
Souhaiter la bienvenue à Sir Paul, sans l’informer de ce qui se passe ici, serait oui, comme vous dites… nous absoudre dans une reconnaissance illusoire… Or, par notre voix, nous n’avons pas fait que nous absoudre… Nous avons parlé de ce que nous sommes, tels que nous sommes. Oui, cela a été instrumentalisé, déformé. Mais cela a aussi été et demeure… cette instrumentalisation, cette désinformation, n’est pas notre honte… elle est celle des canadianisateurs… Par ailleurs, toute cette histoire finit bien… Quand le grand Macca à brandi le drapeau du Québec, cela n’a échappé à personne… Il exprimait le fait que nous existons… Oui, cela nous a fait plaisir que cette reconnaissance se fasse dans la musique, dans la fête, et qu’elle n’engendre pas de conséquences autres que le plaisir de la fierté de se voir célébrés par le grand monde. Mais il n’y aucun mal à cela… Ce qui démontre la vigueur de notre désir d’exister dans le monde… sans blâme, sans menaces, dans la fierté pure et simple du sentiment d’être… reconnu par le monde… de par le monde…
Cela démontre a contrario, à quel point nous sommes enfermés dans les menaces de représailles, par le chantage, la malversation immigratoire, la débauche d’argent dépensé contre toutes règles, pour le chantage à « l’Amour infini »…s’étale… tel qu’il s’est manifesté en 1995 à deux jours de l’échéance référendaire… Toutes menaces et chantages… qui nous engagent à la prudence… Quel mal y a-t-il à être sensible à la menace de représailles économiques, politiques, culturelles et sociétales que n’hésitent pas à brandir les canadianisateurs… ? Aucun, selon moi… Le peuple souverain du Québec, sans ces menaces, aurait depuis longtemps fondé l’État qu’il désire… Sous la contrainte, le chantage et la menace, ce peuple qui sait ce que lui a coûté la guerre de Conquête et la Bataille des Plaines d’Abraham le 13 septembre 1759, la Rébellion de Patriotes, la Loi des mesures de guerre lors de la Crise d’octobre de 1970, comprends à quel point ces menaces peuvent être suivies de conséquences néfastes. Ce n’est pas pour rien qu’elles sont proférées. La supériorité du nombre a toujours ici eu des conséquences qui, ailleurs et en d’autres circonstances, n’ont pu s’exercer pareillement. Si l’Algérie, le Maroc et tous les pays colonisés d’Afrique ont pu, par les armes ou autrement gagner leurs guerres d’indépendances, et à quel prix… c’est qu’ils n’étaient pas voisins de leurs colonisateurs et qu’ils n’étaient pas inférieurs en nombre… Déjà à la Conquête, nous l’étions… la Nouvelle-Angleterre voisine… étaient ± 2M contre ± 90 000 en Nouvelle-France… Cela a joué quand les « canadiens » de l’époque n’ont pas voulu poursuivre la guerre contre les envahisseur. Rares sont les peuples qui, voisins de peuples oppresseurs si supérieurs en nombre, sont parvenus à se libérer de tel étau. Les pays Baltes en sont le meilleur exemple… eux qui ne doivent leur indépendance récente retrouvée que par un concours de circonstances historiques a pu profiter de l’effondrement de l’ex-URSS. Le Tibet en serait un autre… son sort est plus que précaire… et, là encore, il est pire qu’ici, puisque son territoire est maintenant submergé par une population chinoise qui de manière exponentielle voue le peuple tibétain à la marginalisation presque irréversible. Au Québec, nous avons jusqu’à maintenant réussi à empêcher que nous subissions le même sort. Mais le menace est toujours présente… et nos voisins tout aussi imposants… Nous voilà donc prudents, patients…
Voilà pourquoi le peuple démocratique et souverain du Québec prend son temps pour s’accorder le droit d’exister dans l’État, dans un État qui émane de lui et non pas qui soit comme le Canada actuel, un État émanant d’un Empire monarchique de droit divin, validé par les seuls juges de sa Cour suprême… Et s’enflamme quand on le fait par procuration exister le temps d’un soir…
Se réservant de la patience et du temps pour faire avancer sa cause… Jamais il n’a été consulté nommément et directement pour fonder, constituer l’État qui prétend à bon droit le gouverner en s’abtenant de se fonder démocratiquement sur le peuple souverain… Voilà ce que j’ai dit à Sir Paul… Nous avons donc parlé… Nous avons au moins fait cela… cependant que nous fêtions le fait de l’accueillir pour chanter, là même où nous sommes devenus peuple distinct du peuple de France, peuple souverain du Québec, peuple sans Souverain… puisque le nôtre, Louis XV, avait abdiqué son devoir premier qui consiste à protéger son peuple contre l’envahisseur… Il fêtait donc avec nous, tout britannique qu’il était, notre naissance il y aura 259 ans en 2009 en tant que peuple souverain du Québec. Il a brandi le drapeau du Québec pour ce faire… Les spectateurs ne s’y sont pas trompés… Sir Paul décrit lui-même dans son site Internet à quel point son geste a suscité l’hystérie de la foule… On a dit qu’il n’avait fait que ce qu’il avait fait à Kiev… Or c’est faux…
Il s’est rendu à Kiev pour fêter l’anniversaire de l’indépendance retrouvée de l’Ukraine… il a brandi le drapeau du pays où il se trouvait, non sans l’accompagner par l’Union-Jack… À Québec, il n’a pas brandi le drapeau du pays où il était, il a brandi le drapeau du Québec… comme s’il était déjà un pays… Voilà ce à quoi la dérive médiatique canadianisatrice qui a un temps tenté d’enfoncer les souverainistes… s’est heurté… à la liberté de paroles d’artistes qui ont affichées les couleurs du Québec…
Ce couleurs interdites, que n’ont pas voulu afficher l’organisation du 400e… un artiste britannique lui a eu le droit de le faire… Un retournement historique… Il n’y a rien là de décourageant… Au contraire… la parole d’artiste a fait la différence… la mienne, celle de M. Curzi, celle de Sir Paul McCartney…
Au plaisir,
Luc Archambault
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LE MYSTÈRE Mc CARTNEY
22-07-2008
Les ornières sont bien profondes
Pourquoi ce psychodrame déclenché par la venue du célèbre chanteur? Résumons les données. Il s’agissait de commémorer la naissance de Québec, et de ce qui en découle, l’Amérique française, maintenant éclatée sous divers noms : Louisiane, Acadie, Québec, et même quelques portions du Canada. Quelques-uns des nôtres ont rappelé le caractère incongru de cette invitation, parce qu’elle contredisait l’histoire et paraissait même célébrer l’événement qui avait placé, dans un péril toujours présent, le fait français en Amérique, soit la Conquête de 1760. On allait célébrer en anglais, aux pieds d’une vedette venue d’Angleterre, sur les Plaines d’Abraham, la fondation de la ville française de Québec.
À cette « anomalie » allait s’en ajouter une autre, dont la véhémence aurait dû nous frapper. Ceux qui rappelaient l’histoire et les devoirs de fidélité et de cohérence qu’elle impose ont été unanimement rabroués, ridiculisés et accusés de priver le Québec d’un grand moment , de la véritable fête de la fondation de Québec! On a vu Pierre Curzi, Luc Archambault, sermonnés par le complexe national, venir trembloter des atténuations, des excuses devant des caméras complaisantes et ravies. En même temps, une troublante unanimité éditoriale, d’Ottawa à Québec, en passant par Montréal, célébrait la grande victoire de l’ouverture, le dépassement international de notre petitesse, l’inversion miraculeuse de la Conquête anglaise par sa répétition symbolique.
En quarante ans de réflexion sur le Québec, je ne m’étais jamais senti démuni à ce point. Pendant que je cherchais depuis longtemps le sommeil, soudain une illumination m’est venue. Une chose est certaine : Mc Cartney a remué chez les Québécois une disposition profonde, de sorte que les indicateurs normaux s’en sont trouvés dérangés. Nous sommes un petit peuple, frileux, menacé de disparition. Tous ceux qui se penchent sur notre cas le reconnaissent. Mais en même temps, cette condition nourrit chez nous un désir éperdu, une soif irrationnelle d’affirmation, de reconnaissance de la part des autres. Surtout de la France et de l’univers anglais, et ce n’est pas par hasard! Humiliés chez nous par une politique navrante, des faits linguistiques, démographiques et sociaux qui confirment tous les jours notre angoisse, nous avons fini par n’attendre le salut que du dehors. Paul Mc Cartney, c’est le monde, en ce qu’il a de plus grand, qui daigne venir à nous, qui nous fera transcender nos misères et nous emportera dans sa gloire sur un sommet où le monde entier nous verra, nous applaudira. L’espace d’un soir magique, il sera l’opium par lequel sera abolie notre fragilité, notre permanente appréhension de phase terminale. Qu’il soit anglais, qu’il se produise sur le lieu même de notre malheur national, tout ceci s’envole dans l’oubli. Le « paysan avec une carte de crédit » accède au grand monde, i I « joue dans la cour des grands ». On le voit, on l’admire, il disparaît dans l’aura du chanteur anglais qui le configure à son succès planétaire. Il a atteint, à très bon marché, les fruits, la plénitude de l’indépendance.
Quand l’événement sera passé, on se réveillera un peu honteux d’avoir été encore une fois dupes de nous-mêmes. On sera de nouveau plongés dans une réalité que la lumière de Mc Cartney aura rendu un peu plus confuse. Les ornières sont bien profondes, et les guides politiques et médiatiques plus aveugles que ceux à qui ils dictent d’aller fêter tous azimuts.
Avant de m’endormir, je songe qu’il est quand même amer d’avoir raison contre les deux cent mille des Plaines d’Abraham! Mais l’esprit contient en lui-même sa force et sa consolation.
Hubert Larocque