Madame Gagnon,
lgagnon@lapresse.ca
La Presse
Je comprends à la lecture de votre texte d’ajourd’hui (Lire ci-dessous certains extraits de l’article de Lysiane Gagnon de La Presse du dimanche 28 octobre 2007) que vous êtiez vraiment perturbée lorsque vous avez commis ce triste papier titré « La langue de "cheu nous" ». Vos mauvaises perceptions ont enterré votre raison semble-t-il.
Franchement, je cherche à comprendre cette colère et cette hargne où vous rejetez vos concitoyens en les rabaissant et les nivelant tous par le bas.Vous auriez pu prendre un peu de recul, examiner la situation ailleurs dans le monde par exemple.
Que le projet de loi de madame Marois puisse comporter des éléments questionnables on peut en convenir et il est normal dans une société démocratique de diverger d’opinions mais il est important de garder son calme, surtout dans une fonction comme la vôtre.
Je me souviens qu’un certain public, il y a plusieurs années, trouvait bien terrible le langage des personnages de Tremblay; ils avaient honte les pôvres. Dans votre cas, vous mettez tous vos concitoyens dans le même sac et les décrivez comme une bande d’épais et de grossiers personnages. Vous mêlez bien gauchement Pauline Marois et le conseiller municipal Drouin mis en évidence par vos collègues des médias qui aiment le spectacle. Le comble de l’exagération ne vous arrête pas, vous osez même faire allusion au signe distinctif que les nazis imposaient aux Juifs.
Madame, je vous invite à vous relire calmement et j’espère que vous nous direz bientôt que vos propos ont dépassé votre pensée car ce pauvre ragoût a bien mauvais goût. Méfiez-vous du cynisme il vous fait rater votre cible complètement et nous fait douter de votre capacité d’éclairer vos lecteurs.
Denis Carrier
Gatineau
carde@sympatico.ca
Quelques extraits de l’article La langue de "cheu nous" de Mme Lysiane Gagnon:
Madame Marois veut que son projet de loi soit débattu. Voici donc, dans un esprit de service public, les amendements que je suggère.
Sur l’examen national de français à faire subir aux immigrants: il faudrait préciser que le niveau de langue "approprié", c’est la langue de cheu nous. On n’est pas à Paris ou à Casablanca icitte!
L’immigré devra donc utiliser les expressions qui fleurent bon notre terroir; dire pantoute plutôt que pas du tout, tu-veux-tu plutôt que veux-tu et faire précéder toutes ses phrases de Écoute-moé ben. Surtout, il devra tutoyer tout le monde et appeler tout le monde par son prénom.
Il n’y a pas que la langue, il y a les moeurs – ce qui fait que nous sommes nous, comme dirait Mme Marois. L’immigré devra aimer ce que le conseiller hérouxvillois André Drouin appelle "nos mets traditionnels". Il devra troquer le thé contre la bière, le tajine contre la poutine, et réaliser que la consommation de porc fait partie de notre identité nationale et qu’on ne trafique pas impunément les fèves au lard.
L’immigré devra cesser de s’habiller en noir pour aller à des funérailles, ici on y va en jean. Il sera fortement incité à ne pas se marier – ici, on s’accote – et à se conformer au modèle québécois en ne faisant pas d’enfants. D’ailleurs, à quoi bon? Comme le signalait une Trifluvienne à la commission Bouchard-Taylor: "Voulez-vous que vos filles portent la burqa?" Si l’immigré a des enfants, il devra leur faire quitter l’école le plus tôt possible pour qu’ils s’intègrent au grand flot des drop-out made in Quebec.
L’immigré devra suivre le courant. Ici, les filles ne portent pas de foulard, en fait, elles ne portent presque rien du tout: chandail-bedaine, mini-jupe, la moitié des seins et la moitié des fesses à l’air. Ce qu’elles perdent en textile, elles le gagnent en tatouage et en piercing – encore une marque bien visible d’identité nationale que la jeune immigrée se fera un devoir d’adopter.