M. Marcelin Gélinas
Monsieur,
Dans l’esprit des Jeux olympiques qui se déroulent ce mois-ci, nous espérions que «tous» les Canadiens – peu importe leur religion, leur âge, leur sexe, leur origine, leur province ou leur allégeance politique – seraient prêts à encourager nos athlètes qui travaillent très fort. Désolé que vous ne partagiez pas nos sentiments.
Veuillez agréer, monsieur, nos salutations distingués.
Le vice-président marketing,
Bob MacNelly
bob.macnelly@leons.ca
2 fév. 06
M. Bob MacNelly
bob.macnelly@leons.ca
et customercare@leons.ca
Vice-président au Marketing
Meubles Léon (Leon’s Furniture)
Weston, Ontario, CND
Les mésaventures d’une pièce de tissu rouge et blanc
Précisions à l’attention de Meubles Léon
Le client a toujours raison
Adage populaire
Réf. : « Les Balourdises d’un commerçant (Meubles Léon) », lettre ouverte publiée en http://www.cyberpresse.ca/article/20060201/CPOPINIONS/60201096/5290/CPOPINIONS ainsi qu’en http://www.quebechebdo.com/pages/article.php?noArticle=17147 (il est vraisemblable que le même commentaire se vît publié dans un/des journal/journaux dans les prochains jours). Coordonnées électroniques de Leon’s : http://www.leons.ca/main/default.asp?b=Netscape&v=5&d=4&dn=2&m=1&y=2006 et/ou http://www.leons.ca/contact_us/default.asp
Monsieur MacNelly,
à l’indignation d’un client de l’entreprise commerciale que vous représentez, vous rétorquez par une formule moralisante qui vous fait exprimer le souhait que «tous» (c’est vous ici qui soulignez, et non Mme Berberova…) les Canadiens puissent se montrer fiers de leurs athlètes sous le couvert de l’unifolié canadien.
M. MacNelly, votre attitude n’est pas celle d’un commerçant qui vise à satisfaire (et à fidéliser) le plus grand nombre de clients possible (ce qui définit assez bien, je crois, la tâche d’un responsable de la mise en marché [marketing] d’un établissement de cette nature), mais celle de celui qui cherche à embrigader idéologiquement l’ensemble des individus susceptibles d’entendre et de visualiser ses publicités.
Et bien honnêtement, monsieur, je cherche toujours l’erreur. Car, voyez-vous, je ne saisis pas du tout en quoi il peut être «rentable» pour une maison d’affaires de chercher à influencer l’opinion publique sur un sujet qui n’a rien à voir avec son commerce et ses produits.
Vous avez certes le droit et la liberté – vous personnellement, M. MacNelly, et/ou la boîte que vous représentez – de vous associer en quelque manière à un événement comme celui des Jeux olympiques. Mais si ce faisant vos services publicitaires sont incapables de subodorer ou d’appréhender les effets contre-productifs de ce type de réclame auprès d’une frange importante de votre clientèle, en l’occurrence la québécoise, c’est que sévit, il faut bien en prendre acte, une réelle incompétence (ou profonde ignorance à tout le moins) au sein de ces dits services.
Peu importe en l’occurrence – vous, moi ou quiconque – ce que l’on peut penser des Jeux olympiques et/ou… de la Red Maple Leaf of Canada. Et je ne cherche surtout pas dans la présente à jouer les prosélytes auprès de qui que ce soit. En revanche, je n’apprécie guère qu’un marchand de meubles – directement ou de manière plus ou moins contournée comme le laissent entendre derechef vos regrets «normatifs» tout à fait déplacés, voire insultants (de quel droit pouvez-vous en effet «espérer» que vos clients partagent vos opinions et votre sensibilité sur un sujet donné ?!?) – tentât de me convaincre de sortir mon portefeuille à son attention par le biais de symboles à certains égards douteux sinon horripilants (et en tous les cas, discutables).
Ainsi…
On peut aimer ou détester l’unifolié canadien, ou demeurer totalement indifférent à cette pièce de nylon bicolore. ça ne regarde nulle autre personne que soi, à titre privé.
Cela dit, si un commerçant canadien qui fait (ou cherche à faire) des affaires au Québec est incapable de saisir tout spontanément que cet unifolié n’a pas la même force d’«attraction» en Canada et en Québec, eh bien il faut en conclure sans autre forme, j’y insiste, que le département publicitaire (ou de Marketing) de ce commerçant éprouve un solide problème de compétence et de crédibilité quant à la connaissance et l’intelligence du marché auquel il s’adresse.
Illustration par l’absurde. Essayez donc, M. MacNelly, de vendre par « tout » le Canada vos réfrigérateurs, vos mobiliers de salle à manger et vos moquettes en utilisant le Fleur de Lys – pourtant symbole foncier et incontournable de notre Histoire depuis la fondation du Canada, et bien au-delà…
Vous aurez compris, M. Robert MacNelly, vice-président Marketing chez Meubles Léon, que je n’en fais pas un dossier politique, ni même idéologique. Je m’en tiens tout bonnement à l’univers de ce que l’on nomme: les «faits sociaux».
Vous pouvez «regretter», vous et vos patrons, même sincèrement, que l’unifolié canadien ne revête pas exactement la même signification et ne provoque pas les mêmes émotions d’un bout à l’autre de ce pays nommé Canada. Mais hélas! vos regrets ne changent rien à l’histoire, M. MacNelly. Ni d’ailleurs à la sociologie des comportements.
Le «fait social» – cru, objectif et pour ainsi dire «neutre» -, c’est que ce symbole-là (a fortiori en référence aux événements des dernières années, comme je le mentionnais dans ma lettre initiale) constitue le plus souvent une figure moins stimulante que surtout rébarbative auprès d’un très grand nombre de Québécois. Or est-ce ainsi que l’on séduit les éléments d’un segment-cible d’une population en vue d’en faire les clients assidus de son entreprise? Poser la question, vous en conviendrez très certainement, monsieur, c’est y répondre.
Je me résume. Libre à Leon’s Furniture de chercher à attirer les clients québécois potentiels avec du vinaigre. Rien ne l’interdit, en effet. Même au plan éthique. Mais au plan strictement affaire, c’est ce que l’on appelle un four (à ne pas confondre avec les cuisinières de vos salles de montre).
Nos opinions sociétales et politiques respectives, monsieur le vice-président au Marketing, n’ont aucun intérêt dans le cadre d’un rapport entreprise-client. Et pour ma part, j’affirme simplement que Leon’s Furniture / Meubles Léon met le pied dans le plat en diffusant des réclames de ce type en territoire québécois. Rien de plus. En outre, est-ce nécessaire de le préciser, le soussigné est tout personnellement, et tout banalement, l’illustration vivante des conséquences de cette étonnante maladresse de vos services. Car si par le passé j’ai effectivement acquis des biens chez Meubles Léon (biens totalisant d’ailleurs des sommes considérables), il me sera toutefois impossible de récidiver désormais.
Et, encore une fois, vous pourrez vous en attrister aussi longtemps que vous le jugerez opportun; reste que ça ne changera rigoureusement rien à mes nouvelles dispositions de «consommateur» à l’égard de notre ami Léon.
Bref, et en dernière analyse, monsieur, je reçois votre lettre en quelque sorte comme l’insulte s’ajoutant à l’injure. Car loin de vous sentir appelé à réfléchir sur la pertinence de vos méthodes publicitaires, vous me faites "comprendre" sans détour que c’est le «client» qui est dans l’erreur de… ne point partager vos préférences et vos dispositions et/ou celles de votre employeur.
Or dans le bilan annuel d’une firme, je ne vois pas très bien où loger la colonne des «errances de la clientèle». Le profil moral (le bien, le mal, le mieux…) ou épistémologique (le vrai, le faux, l’exact, le nébuleux…) d’un client n’a aucun intérêt. Et vous le savez mieux que quiconque, monsieur le vice-président. Un consommateur est ou bien votre client, ou bien il ne l’est pas. Voilà les faits. Le reste est feuille au vent. Fût-elle d’érable et bien écarlate… avant de se dessécher puis retourner en poussière dans le sol avant les premières, et toujours précoces, neiges québécoises.
Incidemment, votre publicité a transformé un client en ex-client. Après avoir tenté brièvement de vous en expliquer les raisons, je constate à mon grand étonnement que vous maintenez le cap initial sans interroger cette procédure commerciale, qui à la fois éloigne des clients potentiels et élimine des clients actuels.
En conséquence, M. MacNelly, je vous signale bien respectueusement que je serais fort inquiet si le responsable de la mise en marché de mon entreprise se conduisait comme vous. Parce que si perdre une clientèle se révèle comme étant l’erreur suprême à ne pas commettre pour un individu occupant vos fonctions, perdurer dans les manières qui ont provoqué ce résultat relève, je suis au regret de vous le signifier, de l’entêtement sinon de l’aveuglement.
Manifestement, vous avez oublié le principe élémentaire de tout gestionnaire digne de ce nom: «Le client a toujours raison». A fortiori si ceux-ci se comptent par millions.
Bien cordialement à vous, M. Robert Bob MacNelly, en Weston / Ontario,
Marcelin Gélinas,
Capitale nationale, Québec
3 février 2006