Le français est encore vivant au CIO
Lise Bissonnette
Mardi 21 février 2006 – TURIN (AFP) – Lise Bissonnette, "grand témoin
francophone" pour les JO de Turin-2006, estime que "le CIO reste une
organisation où le français est encore vivant" et que "l’uniformité enlèverait
quelque chose au mouvement olympique".
Le maintien du français est, selon elle, une question de moyens et de
volonté. "Si vous ne demandez rien, les gens ne font rien", dit-elle en
détaillant les résultats obtenus au Canada depuis les années 70 grâce aux moyens
techniques mis en place.
Lise Bissonnette, ancienne journaliste québécoise et PDG de la bibliothèque
et des archives nationales du Québec, désignée "grand témoin" pour les jeux
Olympiques de Turin-2006 par le président de l’Organisation internationale de la
francophonie (OIF) Abdou Diouf, aura passé la totalité de la durée des Jeux sur
place à Turin et sur les sites de montagne.
Le canevas de ses conclusions sera révélé le 20 mars à l’occasion de la
journée de la francophonie à Paris et elle doit rendre son rapport début mai.
Q: Quel accueil vous a fait le CIO?
R: "J’ai rencontré Jacques Rogge, des membres du CIO qui sont proches de la
francophonie. Je connais aussi Dick Pound (Canadien, membre du CIO et président
de l’Agence mondiale antidopage) personnellement, et professionnellement. Le CIO
fonctionne encore de façon très bilingue. Dick Pound m’a même dit: +parfois je
me plains des traductions anglaises de Lausanne+. Ca veut dire que le français
est encore en usage au CIO. Tout ce qui est institutionnel et ce qui se passe à
Lausanne se situe tout à fait dans un régime de bilinguisme."
Q: La contrainte doit-elle venir du CIO?
R: "A mon avis oui. Il me semble que quand on donne les JO a une ville, on
doit maintenant être sérieux sur la question des langues officielles. Au Canada
dans les années 70, c’était le début de l’information instantanée et des débats
parlementaires télévisés en direct, la presse recevait les traductions de ces
débats le lendemain. Ce décalage aujourd’hui au Canada serait inacceptable.
Aujourd’hui la technologie permet d’avoir des traductions simultanées. Tous les
moyens techniques peuvent être mis en place pour faire les traductions et tout
donner en simultané. Auparavant c’était le bon vouloir de quelques uns. Il y a
maintenant une volonté. Bien sûr, si vous ne demandez rien, les gens ne font
rien."
Q: Comment faire pression?
R: "C’est l’OIF qui doit faire le lien avec le CIO. M. Diouf est en relation
avec Jacques Rogge. Le CIO reste une des organisations où le français est encore
vivant. Le fait qu’on parle encore français dans les organisations
internationales est un véritable enjeu de diversité culturelle. J’observe les JO
pour la première fois de ma vie. Il y a un esprit qui vient du mélange. Et je me
dis que le jour où tout cela se ferait en anglais seulement, cette uniformité
enlèverait quelque chose au mouvement olympique."
Q: Qu’apporte votre mission par rapport à celle d’Hervé Bourges sur les JO
d’Athènes 2004?
R: "M. Bourges avait demandé dans son rapport que l’OIF procède plus en
amont. Lui, avait été nommé deux semaines avant le début des Jeux. Moi, je suis
venue en septembre, suis allée à Rome et à Turin rencontrer des responsables
politiques et du TOROC (comité italien d’organisation). Ma mission a pu être
mieux préparée. Je vais certainement faire un rapport très factuel: +voici
comment les choses se présentent+. Il faudra aussi faire l’histoire du français
langue olympique, ce que représente cette idée de langue fondatrice des jeux
Olympiques modernes, et quelle a été l’évolution de son statut en plus d’un
siècle. J’aimerais aussi faire le point sur ce qu’on demande réellement aux
organisateurs des Jeux, aux villes hôtes, parce que c’est bien joli de dire
+vous êtes responsables du respect de la charte+ mais que leur donne-t-on comme
directive? Il faut savoir si dans le contrat de villes hôtes il existe des
dispositions touchant le statut du français."
Q: Pékin respectera-t-elle la francophonie?
R: "J’ai rencontré ici à Turin des responsables de l’aménagement
linguistique. Sur Pékin, il y a deux hypothèses: l’une que les Chinois vont
vouloir tellement tout faire pour que ces Olympiques soient un succès et qu’on
ne puisse rien leur reprocher qu’ils seront rigoureusement trilingues, la
deuxième qu’ils n’ont ni la connaissance, ni le personnel nécessaire pour y
arriver. L’immense organisation des Jeux d’été va demander pour le français des
armées d’interprètes. Que le français soit présent au sein des bénévoles paraît
difficile."