Je vous adresse la dépêche de l’agence Reuters France qui nous informe que le
Président Chirac a quitté la salle du Conseil européen de Bruxelles pour
protester contre le discours en anglais que faisait Ernest-Antoine Seillière
président l’Union des industries de la Communauté européenne.
Marc Favre d’échallens
23 Mars 2006 REUTERS FRANCE
Seillière en anglais dans le texte fait bondir Chirac
par Laure Bretton
BRUXELLES (Reuters) – Jacques Chirac a quitté la salle du Conseil européen de
Bruxelles pour ne pas écouter l’intervention devant le Conseil européen
d’Ernest-Antoine Seillière, qui avait tenu à s’exprimer en anglais, "la langue
de l’entreprise", apprend-on auprès de la délégation française.
Au début du discours de l’ancien président du Medef français, le chef de
l’Etat s’est levé avec les ministres de l’Economie et des Affaires étrangères,
Thierry Breton et Philippe Douste-Blazy, a-t-on précisé de même source.
Aujourd’hui président de l’Union des industries de la Communauté européenne
(UNICE), Ernest-Antoine Seillière s’exprimait au début d’une réunion du Conseil
européen avec les partenaires sociaux, une nouveauté des sommets de printemps.
Jacques Chirac, qui est revenu après le discours de l’ancien président du
Medef, avait pourtant échappé à un autre discours par un autre citoyen français
dans la langue de Shakespeare.
Contrairement à son habitude, le président de la Banque centrale européenne,
Jean-Claude Trichet, a en effet prononcé son allocution en français, sans doute
pour éviter d’être boycotté comme il l’avait été l’an dernier par des députés
français qui avaient quitté l’hémicycle en signe de désapprobation.
Le geste de Jacques Chirac lui aura aussi permis de ne pas entendre un
discours qui n’avait rien pour lui plaire.
RAPIDE DéRIVE DU FRANçAIS
Seillière s’est livré devant les dirigeants européens à une attaque en règle
contre le "patriotisme économique" prôné par le gouvernement français pour
justifier le mariage entre Suez et Gaz de France, une tentative pour contrer une
éventuelle offre hostile de rachat du l’Italien Enel sur Suez.
Pour le "patron des patrons européens", ce type de réaction de "nationalisme"
pourrait avoir un "effet domino négatif".
L’anglais, le français et l’allemand sont les langues de travail de l’Union
pour les documents et les réunions techniques, mais 13 idiomes ont le statut de
langue officielle avec interprétation simultanée et traduction au Parlement, à
la Commission et au Conseil européen.
La France mène depuis des années une campagne pour éviter l’érosion de
l’utilisation de sa langue dans l’Union, qui cède chaque jour plus de terrain
devant l’anglais, le phénomène s’étant encore accéléré depuis l’adhésion des
pays de l’Est.
Les documents de travail sont presque tous rédigés et négociés en anglais,
tout comme les communiqués de presse, avant d’être traduits, parfois avec
plusieurs jours de retard.
La France tente d’enrayer le mouvement, notamment en offrant gratuitement des
cours de langue de l’Alliance française pour les milliers de diplomates, de
fonctionnaires et de journalistes européens qui débarquent à Bruxelles.
Cette situation contraste avec la position enviable du français il y a à
peine dix ans encore, avant l’adhésion de l’Autriche, de la Suède et de la
Finlande en 1995.
Jusque-là, la langue de Voltaire était par exemple la seule autorisée dans la
salle de presse de la Commission européenne, et les journalistes anglais étaient
obligés de poser en français leurs questions à un porte-parole irlandais, qui ne
pouvait en retour leur répondre qu’en français.