Article extrait de LAUTJOURNAL, février 2006
Les services du gouvernement du Québec favorisent de plus en plus
langlicisation
Par Mario Beaulieu
Il y a quelques semaines, le mouvement Impératif français sommait lOffice
québécois de la langue française (OQLF) denquêter sur les pratiques en vigueur
au sein de certains bureaux du gouvernement du Québec. Selon Jean-Paul
Perreault, le président dImpératif français, « la liste pourrait être longue de
ces bureaux de ministères du Québec, de sociétés détat et dautres institutions
publiques qui ont adopté comme pratique daccueil une infériorisation des
Québécois en offrant prioritairement à tous laccès au message daccueil en
anglais! »
Situé en Outaouais, Impératif français est un organisme culturel de recherche
et de communication voué à la défense et à la promotion de la langue et de la
culture dexpression française.
Depuis plus de deux ans, Impératif français demande à lOQLF dintervenir
auprès des institutions publiques québécoises afin quelles révisent « leurs
pratiques incohérentes, ~colonisatrices~ et humiliantes quelles font subir aux
Québécois et Québécoises ».
Cette démarche faisait suite à une recherche qui démontrait que dans
plusieurs ministères ou autres administrations (Communication Québec, Université
du Québec, SAAQ, Environnement et Faune, CLSC, Revenu Québec, Régime des rentes,
etc.), le message au répondeur est bilingue. Le gouvernement donne ainsi limage
que le Québec est bilingue, quil y a deux langues publiques communes au Québec.
M. Perreault observe que, parfois, on va même jusquà demander aux Québécois
sils veulent le service en français. à certains endroits du Québec,
quelques-uns poussent laffront plus loin. Ils vous disent quils offrent
laccès au message en anglais en premier (« If you want the message in English,
press… ») afin de ne pas exposer les quelques anglophones unilingues au message
français. Cela est léquivalent daccorder carrément priorité à langlais;
dexposer tous les francophones à la langue anglaise afin de ne pas exposer
quelques anglophones unilingues au français; de rappeler aux anglophones à la
moindre occasion quils nont pas besoin dapprendre le français; dinviter les
nouveaux arrivants à sangliciser.
Le président dImpératif français constate que la situation na guère changé
depuis la recherche effectuée en 2003 et que le bilinguisme institutionnel ne
cesse de se répandre. Pourtant, à lorigine, la loi 101 faisait du français non
pas une langue officielle, mais plutôt la seule langue officielle du Québec. Le
glissement vers un bilinguisme institutionnel a largement résulté de
laffaiblissement continuel de la Charte de la langue française depuis son
établissement.
En 1996, le gouvernement du Parti québécois a formulé par voie de règlement
une nouvelle politique linguistique gouvernementale du Québec. Cette politique
affirme que « lAdministration doit jouer un rôle exemplaire et moteur dans
lapplication de la Charte de la langue française ». Afin de refléter le fait
que le français est à la fois la langue officielle et la langue normale et
habituelle de la vie publique, lAdministration doit favoriser lunilinguisme
français dans ses activités, dans la rédaction et la publication de ses textes,
documents et communications, y compris ceux qui sont diffusés sur support
électronique.
Cependant, cette politique comporte plusieurs mesures dexception qui, comme
le mentionne Jean-Paul Perreault, sont interprétées de façon abusive et «
humiliante » dans nombre de bureaux gouvernementaux et de sociétés détat. Ce
dernier conclut en faisant observer quil existe bien peu de gouvernements dans
le monde qui sentent le besoin doffrir en premier laccès à leurs messages
daccueil sur boîte vocale dans une autre langue (lire ici langlais) que leur
langue officielle et publique commune. Les gouvernements participant à lUNESCO
qui ont adopté la Convention internationale sur la protection et la promotion de
la diversité des expressions culturelles seraient surpris dapprendre que le
gouvernement du Québec choisit de consacrer et multiplier au sein de ses propres
établissements et à la grandeur de son territoire ces pratiques danglicisation.
Effectivement, le Québec est le seul état national des Amériques où le
français peut devenir la seule langue officielle et commune. Et cest avant tout
à Montréal et en Outaouais quil est essentiel de faire du français la véritable
langue officielle et commune. Les lois linguistiques existent partout dans le
monde, soit dans plus de 190 états et 110 pays. Dailleurs, même dans le cas des
états-Unis, quelque vingt-cinq états se sont dotés dune politique linguistique
pour faire de langlais la seule langue officielle.
En décembre dernier, M. Gérald Paquette, directeur des communications de
lOQLF, répondait à la requête dImpératif français en mentionnant avoir bien
demandé aux ministères et organismes gouvernementaux du Québec de porter une
attention particulière dans leurs pratiques linguistiques pour que le français
soit de manière évidente la langue commune des communications publiques. Il
ajoutait que « si vous croyez que certains dentre eux ne respectent pas cette
orientation, nous vous prions de nous signaler des cas précis et nous veillerons
à communiquer avec eux ».
Nous invitons donc les lectrices et les lecteurs de Lautjournal à
réagir à cet appel en signalant tout accroc à lusage du français comme seule
langue officielle et commune à lOQLF par téléphone au 514 864-2648, ou par
courriel. Et pourquoi ne pas faire une plainte directement sur les répondeurs
téléphoniques des services publics du gouvernement du Québec, des municipalités
ou des sociétés détat?
Comme Impératif français nous le fait remarquer et conformément à la
politique linguistique gouvernementale de 1996, les messages téléphoniques
daccueil devraient être uniquement en français. Dans les très rares cas où lon
veut aussi utiliser une autre langue, le message devrait dabord être offert
entièrement en français et offrir uniquement laccès au message (et non au
service) dans cette autre langue.
(Article publié dans LAUTJOURNAL, édition 2006)
(Le 7 février 2006)