Le récent Publi-Sac nous a livré un cahier intitulé: « Les rendez-vous de la
francophonie….9 millions de francophones », commandité par Transcontinental,
Via Rail et d’autres. C’est ce que j’appelle une vision chloroformée de la
réalité sous le couvert traditionnel de la publicité fédérale axée sur le
bilinguisme canadien et sur la générosité du régime fédéral envers les
francophones. Ce que certains pourraient qualifier « d’une autre commandite »!.
Or, la réalité du français au Canada nous est révélée à tous les cinq ans, à
chaque recensement. Elle est toute autre que celle véhiculée dans cette
publication. On la trouve notamment dans les données du dernier recensement de
2001 fournies par Statistiques Canada et telles que présentées par IMPéRATIF
FRANçAIS(1).
L’Alberta et la Saskatchewan sont officiellement unilingues anglaises depuis
1988. Dans le premier cas, 62 240 personnes se sont dites de langue maternelle
française mais seulement 20 670 utilisaient encore principalement le français à
la maison. C’est ce qu’en démolinguistique ou en démographie, on appelle le
phénomène d’assimilation. Dans ce cas-ci, un taux d’assimilation de 66,7%. En
Saskatchewan ,il restait 18 633 personnes de langue maternelle française mais
seulement 8 805 parlaient encore principalement français à la maison pour un
taux de transfert linguistique de 74,2%.
L’Ontario dénombrait principalement 509 265 individus de langue maternelle
française mais dont seulement 307 297 parlaient encore français à la maison.
Pour un taux d’assimilation dramatique de 39,6%. Dans cette province où s’y
trouve la plus forte concentration de francophones hors Québec, on se bat encore
pour avoir UNE université francophone….pendant que les Anglo-Québécois en ont
trois ici au Québec. Qui ne se souvient pas de l’hôpital Monfort?
Dans le Canada hors Québec, on dénombrait 980 272 personnes de langue
maternelle française. Mais 376 282 d’entre elles ne parlaient plus français à la
maison pour un taux d’assimilation de 37.4%. Et cette tendance à l’assimilation
augmente de cinq ans en cinq ans de façon inquiétante. Même le
Nouveau-Brunswick, soi- isant bilingue, présente un taux d’assimilation de 9%.En
Colombie-Britannique, 71,3%!
« La vérité vraie », elle est celle-ci. La seule province où le
bilinguisme(français-anglais) est une réalité quotidienne est le Québec où la
langue officielle est le français. Hors Québec le français est une langue
marginale et locale. Le bilinguisme est une fiction étrangère au fonctionnement
du Canada. Les bilingues au Canada sont les Francophones et les Québécois, sauf
exceptions.
« Chez les francophones hors Québec, la situation est catastrophique. Ils ne
représentent plus que 3,3 % de la population. Si lon prend le critère de la
langue la plus parlée à la maison, la population francophone hors Québec diminue
comme une peau de chagrin. De 2,8 en 1991, elle ne représente plus que 2,1 % en
2001, soit une diminution de 25 % »(1).
J.François Lisée, dans son volume « Sortie de secours », consacre tout un
chapitre sur cette question.A partir des données des recensements de 1951 à
1996, il démontre TRèS CLAIREMENT que le Canada d’aujourd’hui est moins bilingue
qu’avant l’arrivée de Trudeau en 1968. Il écrit: « UN éTAT D’IMPLOSION
APPRéHENDéE. Le pays est moins bilingue qu’avant l’élection de Pierre
Trudeau.Après plus d’un quart de siècle de trudeauisme, le caractère francophone
du Canada est en régression…..Malgré l’instauration de droits formels pour les
francophones depuis 25 ans, LE PAYS EST MOINS BILINGUE QU’AVANT L’éLECTION DE
PIERRE TRUDEAU….. »
« De 1951 à 2001, la connaissance de langlais a augmenté de 79,3 % à 85,2%
tandis que celle du français a diminué de 31,9 % à 31 %… »(1) On s’est servi
de « la politique de bilinguisme » et de celle du multiculturalisme pour nier
tout simplement la spécificité québécoise.Résultats:le Québec en est réduit à
être une simple province comme l’Île-du-Prince-édouard puis les Francophones
hors Québec à s’assimiler à un rythme affolant. » Brève histoire des Canadiens
français » (Boréal,1998) écrit l’historien Yves Frenette. « Ce livre raconte
l’histoire d’un peuple qui n’existe plus », dit-il. Ce ne sont pas les Québécois
qui ont tué « le Canadien français ».On est loin d’une « Confédération » entre
deux peuples sur une base d’égalité. On est loin du biculturalisme souhaité par
les Laurendeau Dunton(1965).
Je trouve qu’on se sert de la francophonie, et particulièrement du Québec,
pour la galerie et la parade internationale. Je veux bien qu’on fasse un «
rendez-vous de la francophonie ». Mais ce que je sais, c’est que le lendemain
les Franco-Ontariens vont continuer à devoir lutter pour avoir des services et
des institutions dans leur langue….et cela dans l’indifférence quasi générale!
Et le Québec va continuer à être une simple province dans la nation des autres!
Faut-il rappeler les nombreuses lois anti français, et surtout anti écoles
françaises hors Québec? Lesquelles ont mené au drame actuel. C’est pourquoi j’ai
beaucoup d’admiration pour les Francophones hors Québec qui luttent pour leur
langue. Mais j’en ai contre cette propagande à l’eau de rose qui masque une
tragique réalité.
Neuf millions de Francophones, ouais? Il est vrai que l’élastique a comme
propriété de s’étirer!
Pierre Grandchamp
piergrd@videotron.ca
(1) LA DÉFRANCISATION DU CANADA
(Le 23 février 2005)