Robert Laplante
Directeur de L’Action nationale
La nouvelle a dû faire jaser dans les chaumières dOutremont. Le CHUM,
plusieurs dizaines de millions plus tard, sera donc là où un compromis boiteux
et un mandat tronqué lavait situé. Nous ne saurons sans doute jamais ce quil y
avait derrière lagitation de Paul Desmarais qui avait mobilisé tous ses
attelages pour la gare de triage du Canadien Pacifique. Les chamailleries de
lestablishment fédéraste sont dun intérêt limité. Ils seront néanmoins
nombreux les loustics à sourire devant le spectacle des puissants qui jaspinent
et à voir un magnat se faire donner pareil camouflet sur la place publique. La
misère des riches a toujours été un objet de curiosité dans centre-sud comme
ailleurs.
Lindigence intellectuelle, pour sa part, reste toujours affligeante. En
particulier quand elle sévit dans les médias qui ont excellé à tout réduire à
linsignifiance dune vulgaire partie de souque à la corde. Le babillage sur la
victoire de Philippe Couillard, les épanchements sur le crêpage de chignon au
conseil des ministres et sur notre Premier sous-ministre qui perd la face, rien
na été épargné pour ne pas poser la seule question qui importe : pourquoi deux
centres ?
Le silence qui pèse sur cet inutile dédoublement tient tout autant de la
censure que du recul coupable devant lobscénité. La pensée démissionnaire
trafique, sous lévidence des acquis inquestionnés, des injustices et des
privilèges qui ne sexpliquent que par le caractère inachevé du redressement
national. Questionner la pertinence et le bien-fondé du dédoublement de cette
institution, cest lever le voile sur les choix à faire quant à la place des
institutions nationales dans lorganisation de la société québécoise. Et lever
ce voile, cest accepter de regarder lucidement la place que tiennent la
communauté anglophone et ses institutions dans les institutions nationales. Le
choix du dédoublement, cest celui du développement séparé.
Quel que soit langle sous lequel on lexamine, cette décision ne se défend
pas au regard des critères économiques et administratifs usuels. LUniversité
McGill bénéficie déjà dun traitement de faveur en se voyant attribuer 25% des
places en médecine : cest trois fois le poids de la minorité anglophone au
Québec. Son centre (MUHC) recevra la moitié du budget total pour un projet
comportant 200 lits de moins que le CHUM. Ses diplômés représentent seulement
10% des médecins pratiquant au Québec. En comparaison, lUniversité de Montréal
en forme 40%. Reprenant ces chiffres, le président de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal a lancé un appel le 23 mars dernier pour
réclamer des audiences publiques. Il a particulièrement insisté sur la dimension
linguistique de ce choix. Il est absurde de prétendre intégrer en français et en
faire la langue commune des institutions et de la vie publique quand on place
ainsi les deux projets sur un même pied dégalité. Il y a là un refus dordonner
la vie publique selon les exigences de cohésion nationale.
Au moment où la grève étudiante senlise sous la médiocrité gestionnaire dun
Jean-marc Fournier plus sectaire que jamais, alors quon nous annonce dautres
coupes sombres à laide sociale, faire silence sur le dédoublement des centres
hospitaliers universitaires tient de la plus puante démission. Un scandale. Les
sommes manquantes et bien davantage seront englouties dans la seule duplication
des bureaucraties et structures de gestion de ces deux hôpitaux.
On ne peut pas sen tirer avec une pirouette en disant que, de toutes façons,
les francophones seront servis en français au MUHC. On ne parle pas ici de
prestation de services mais bien de configuration des institutions nationales.
On ne sen tirera pas non plus en plaidant quil y a des étudiants et des
chercheurs francophones qui vont oeuvrer et bénéficier du MUHC. Ils y seront
comme des minoritaires dans une institution financée par lensemble des
contribuables. Personne ne dit que McGill nest pas un centre dexcellence et
rien ne dit quil ne pourrait le demeurer en sinscrivant dans une structure
unique. à moins que lon tienne pour une menace davoir à fonctionner selon la
règle commune. Never under french rules disaient les orangistes.
La vérité, cest que ce dédoublement constitue un refus de réaménager les
rapports de lUniversité McGill avec les institutions nationales. Sil est vrai,
comme le répètent sans cesse ses dirigeants, que McGill se définit comme une
université québécoise, sil est vrai quils tiennent à témoigner de ce sentiment
dappartenance, on ne comprend pas pourquoi cela ne se traduirait pas par une
intégration à un système national de soins et denseignement qui réponde aux
besoins de lensemble de la population et qui fonctionne avec la cohésion
requise. Il ne peut y avoir quun seul navire-amiral.
La vérité, cest que le gouvernement du Québec et une trop grande partie de
lélite francophone ( en particulier dans le monde universitaire et médical)
refusent de faire face aux exigences nationales et aux réaménagements des
rapports inter-communautaires que cela implique. Le choix des deux centres,
cest celui de lapartheid hospitalier.
L’Action nationale
administration@action-nationale.qc.ca
(Le 28 mars 2005)