HÉGÉMONIE DE L’ANGLAIS

(Le texte suivant reçu du groupe de discussion « linguarum-democratia » est
extrait du site Internet de www.BIEF.org : un centre de ressources professionnel
pour la promotion de l’édition française à l’étranger. (

http://bief.org/?fuseaction=Lettre.Article&A=115
).

« Faut-il craindre une hégémonie de l’anglais en Europe ?» (Belgique) 20
juil. 2004

Une table ronde réunissait Jean-Pierre Digard, directeur de recherche au
CNRS, Philippe Van Parijs, professeur de sciences économiques et sociales à
l’Université catholique de Louvain et Henriette Walter, linguiste, professeur à
l’Université de Rennes, membre du Conseil supérieur de la langue française, et
était animée par Alexie Lorca, journaliste au magazine Lire.

Pour Jean-Pierre Digard, l’hégémonie de l’anglais est sans équivoque et
regrettable. Il s’insurge contre la publication du premier « Que sais-je ? » en
anglais au motif que « cette publication inscrit la collection dans la modernité
», selon son éditeur. Et aussi contre le fait que les demandes de subventions, à
Bruxelles, sont faites en anglais, que les dossiers de candidature au CNRS sont
bilingues depuis cette année, ou que dans La Recherche, les résultats français
ne sont même plus cités. Pour lui, cette hégémonie risque d’atrophier la pensée
d’un locuteur qui ne maîtrisera pas l ’anglais. Le français doit demeurer une
langue officielle de l’Europe et être ainsi le « bouclier » de la diversité
linguistique.

Pour Philippe Van Parijs, à l’inverse, cette hégémonie, irréversible, est
légitime parce qu’une langue véhiculaire unique est nécessaire. C’est celle
parlée par le plus grand nombre et pour laquelle nous avons le minimum de
connaissances communes mais qui exclut, de fait, celui qui ne la maîtrise pas. «
L’anglais est Lingua Franca ». C’est injuste, certes, parce que cela donne plus
de confort à ceux qui ont l’anglais pour langue maternelle et qui ont déjà,
aujourd’hui, le plus de chance d’être publiés, lus, traduits. C’est injuste
parce que l’apprentissage de l’anglais a un coût pour les non-anglophones. Mais
c’est un processus générationnel auquel il est vain de résister parce qu’une
langue véhiculaire unique ne nuira pas aux langues locales et nationales et à la
richesse culturelle dont elles sont porteuses.

Et l’anglais « Lingua Franca » ne risque-t-il pas, en se simplifiant, de
s’appauvrir ? L’anglais, futur latin ? La question est posée en conclusion de
cette table ronde par Henriette Walter qui rappelle tout de même que le français
est n° 2 dans 42 pays et que notre langue est encore parlée sur les cinq
continents. Le français est encore une langue mondiale mais sans doute le
plurilinguisme doit-il être le modèle européen.

– Emmanuelle Martinat-Dupré

(Le 18 novembre 2004)

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