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ENCOURAGEMENT À L’ACTE D’ASSUJETTISEMENT

M. Raymond Baillargeon
RBaillargeon@Justine.UMontreal.ca
(ou) Baillarr@ere.UMontreal.ca
Chercheur adjoint
(également présenté [?!?] comme médecin « psychiatre » par l’auteure de l’article du Devoir)
http://www.psychia.umontreal.ca/chercheur/baillargeon.htm
Département de psychiatrie
Université de Montréal
Montréal, Québec

Réf. : «Les bébés peuvent eux aussi éprouver des troubles du comportement» (http://ledevoir.com/2004/05/13/54457.html?248)

M. Baillargeon,

Dans votre prestation orale à L’ACFAS, vous en référiez à des vocables du «genre» suivant: «low», «medium», «high», «gender paradox»…

Comme si à votre entendement… « high » recelait en soi un contenu plus fort ou instructif que: «élevé», «supérieur», «dominant», «relevé», «prééminent», «culminant», «remarquable», «notable», «proéminent» «prépondérant» ou que sais-je encore (liste non exhaustive, bien entendu).

Je le regrette, monsieur le chercheur adjoint, mais il m’est difficile d’accorder crédibilité intellectuelle à un psychiatre (?) qui manifeste dans sa personnalité même une aliénation à sa propre langue. Aussi, et bien que le sujet traité m’intéressât au plus haut point, je vous informe que le soussigné n’est pas parvenu à compléter la lecture de cet article qui rendait compte de vos recherches auprès d’un échantillonnage de tout jeunes enfants québécois.

C’est que hélas ! je n’avais déjà plus confiance dans la sagacité ou à la plausibilité du discours avant même d’avoir terminé le premier tiers du texte. à tort ou à raison, assurément. Mais il en fut bel et bien ainsi. Or puisque tout «symptôme» constitue par définition une parole à décoder, c’est dans cette perspective que je poursuis sans plus tarder mon boniment.

Pour le dire d’entrée de jeu et sans détour, M. Raymond Baillargeon, cette attitude de «vassal linguistique» (pardonnez-moi ce terme un peu rude, mais honnêtement je n’en trouve pas d’autres qui lui soient équivalents, hormis peut-être le stigmatisant «colonisé») révèle à mon avis moi une personnalité plutôt molle, dont le jugement doit être illico sinon mis en doute, à tout le moins suspect d’indigence au plan psychologique.

De fait, pareille attitude démontre selon toute vraisemblance qu’il s’agirait, sauf erreur, de «séduire» l’interlocuteur (le collègue, le lecteur) en sacrifiant à la mode de l’anglophilie du temps.

Or que penser de la «puissance» d’une hypothèse, voire d’une théorie, quand l’auteur de celle-ci estime que des termes anglais donneront plus d’impact à ses thèses? De quoi nous informe «ce trouble de comportement», en effet, sinon qu’il faudrait pallier impérativement le contenu par la forme…?

Je fais peut-être erreur, il est vrai. Et en dernière «analyse», je ne m’autorise pas à évaluer le bien-fondé de vos conclusions (ce que du reste je ne saurais établir sans consulter minutieusement l’ensemble du protocole). Reste que vos manières langagières (et un psychiatre, n’est-ce pas, connaît plus que quiconque le poids des mots) inoculent d’emblée un certain scepticisme dans l’esprit quant à la force et à la pertinence des idées mêmes exprimées dans le propos.

Depuis plusieurs années, les Français (et «satellites» européens: Belgique, Suisse…) aiment à croire qu’ils se rendent plus crédibles en méprisant leur être-propre. Or à ce jour, au Québec, on échappait relativement bien à ces façons que l’on peut sans excès qualifier de puériles. Aussi est-ce singulièrement déprimant de constater que des individus dont on attend avec raison et légitimité une conscience d’eux-mêmes supérieure (higher?) – à ne pas confondre pour le coup avec une prétendue conscience de supériorité – en arrivent à estimer… qu’ils seront plus solidement «eux-mêmes» en étant «un-autre».

Question : sommes-nous intellectuellement plus fiables en nous inféodant au prêt-à-penser et aux diktats de la mode?

Bien sûr, on comprend sans difficulté ce type d’agissement chez l’enfant et l’adolescent – adaptation au réel par mimétisme, appropriation des codes d’autorité (réelle, présumée ou privilégiée en vertu de quelque inclination) afin de se faire accepter par les représentants d’icelle, faute le plus souvent de s’en voir aimé. Comportement auto-constructif à maints égards qui plus est, certes. Mais chez un adulte, un «psychiatre» en particulier???

Quel est alors le message qui de la sorte est acheminé à l’ensemble de la communauté – tantôt à la jeunesse de manière générale, tantôt à nos propres clients (ou «analysants») dès l’abord fragiles ou hésitants sur la chaise (ou le divan) dans l’espace clinique – sinon celui de «l’encouragement à l’acte d’assujettissement»???

Monsieur, permettez-moi humblement de vous rappeler que les mots ne sont pas anodins. Dans les fonctions qui sont les vôtres plus que dans toute autre ailleurs au sein de notre société.

Franches et françaises salutations à vous, monsieur Baillargeon.

Marcelin Gélinas
M.Gelinas@moncanoe.com
13 mai 2004

Note : Dans son texte, Mme Louise-Maude Rioux Soucy nous entretient d’«épistémiologie», qui vraisemblablement constitue la fabrication par inadvertance d’un mot-valise à la rencontre de: «épistémologie» et «épidémiologie». Je crois en l’occurrence qu’il eût fallu bel et bien lire: épidémiologie.

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