Espace de 56 pays membres et de près de 600 millions dhabitants dont
beaucoup parlent français, la Francophonie est vouée à connaître une influence
croissante dans les relations internationales. Aujourdhui encore trop réduite à
un réseau de relations et à des échanges culturels, il est grand temps quelle
assume son ambition naturelle, un vrai projet de civilisation fort éloigné du «
choc des civilisations » prédit, presque souhaité, par lAméricain Samuel
Huntington.
La Francophonie vient de loin, de lexpansion mondiale de la langue
française, de la littérature multiséculaire en français décrivains de nombreux
pays qui ont choisi notre langue, dune action culturelle mondiale de la France
qui remonte à François 1er, de loeuvre immense de soins et denseignement des
missionnaires français catholiques, puis protestants, israëlites, des maçons et
des laïques. Elle vient de la « fille aînée de lEglise » comme de la « mère des
révolutions ». Aussi de la colonisation, des décolonisations tout autant, des
mouvements démancipation de francophones du Nord, notamment au Québec, dune «
demande de France » un peu partout, et du besoin de contrepoids aux hégémonies
et aux empires.
Cette Francophonie est une chance pour lhumanité, un grand défi lancé à tous
ses membres, et dabord à la France. Il ne faut pas que la période actuelle
dhésitation et daboulie, voire de démission de nombre de nos élites, fasse
manquer ce train de lHistoire. Dans la tradition française comme dans la ligne
des résolutions du Forum Social Mondial en février 2002 à Porto Alegre sur la
diversité culturelle et linguistique du monde, le Sommet francophone doctobre
2002 à Beyrouth, a affirmé unanimement la nécessité du dialogue des cultures.
Cétait au moment où la guerre américaine à lIrak se préparait. Voix de la
France et voix de la Francophonie se sont conjuguées pour condamner
lunilatéralisme. Le retentissement en fut mondial.
Il importe que le prochain Sommet francophone, en 2004 à Ouagadougou,
transforme ce remarquable essai et donne cette fois enfin les moyens économiques
et financiers, dabord français, pour que lespace francophone de solidarité et
de coopération pour la développement entre pays membres soit une réalité bien
plus tangible quelle ne lest actuellement.
Il importe aussi que la France joue en première ligne pour mettre la
puissance économique au service du rayonnement culturel et créer un véritable
espace économique francophone, réunissant la sphère publique et la sphère
privée, des entreprises.. Un espace francophone où les échanges économiques
seraient intensifiés par limpulsion politique et en même temps par les
entrepreneurs gagnerait inévitablement en puissance. Il bénéficierait dune
relative indépendance et ferait le jeu dun monde multipolaire ainsi que le
souhaitent de nombreux dirigeants francophones. Il sagit dassocier plus
étroitement culture et économie, notamment dans les domaines des industries
culturelles qui sont en très forte croissance.
Dans le livre de MM. Gilder et Salon, ces raisons de donner sa pleine vie à
la Francophonie, dabord en France et dans tout lespace de ses 56 membres, ces
orientations simposent comme des évidences.
Mais les auteurs ne se contentent pas de déplorer laboulie, linconscience,
les occasions manquées. Ils proposent un véritable plan daction, complet et
cohérent.
Les ouvrages descr1ptifs et les propositions daction en matière de
Francophonie ne manquent pas. Les auteurs eux-mêmes, qui sont des spécialistes –
théoriciens et praticiens -de la langue française, de laction culturelle de la
France et dautres pays, et de la construction de la Communauté francophone se
sont livrés, séparément, à ces exercices. Loriginalité du présent ouvrage
réside dans cette cohérence des propositions qui découlent presque naturellement
de lanalyse du passé, et dans le fait quils situent laction dans le contexte
à la fois de la « globalization » à laméricaine et de laltermondialisme, de la
recherche vitale dun véritable dialogue – et non dun choc – des civilisations,
et des difficultés que rencontre, notamment en Orient, la conception
unilatéraliste de luniversalisme américain, fondamentalement distincte de
luniversalisme de dialogue, de synthèse des différences reconnues et acceptées,
plus caractéristique de la tradition francophone.
Les auteurs ne fuient pas linterrogation sur la compatibilité du maintien de
la voix propre de la France et de la construction de la Francophonie avec une
Union européenne qui pousserait sa logique fédérale. Ils nhésitent pas à
répondre que la Francophonie, loin dêtre incompatible avec une pleine
coopération entre Etats européens souverains, peut en être largement
complémentaire, mais quelle ne peut saccommoder de la réduction de la France
au rang dune province fédérée de lEurope, voire de lEmpire plus vaste qui
semble se constituer à lheure actuelle.
Alerte francophone
Plaidoyer et moyens d’actions Pour les générations futures.
Tantôt décriée, tantôt surestimée, la Francophonie mérite d’être jugée pour
ce qu’elle est, avec son passé tumultueux, son présent fragile et ses promesses
d’avenir. En ces temps d ‘hésitation, d’apathie, voire de démission collective,
cet espace de 56 membres où vivent 600 millions d’habitants s’avère une chance
en ce qu’elle permet d’échapper au choix entre le « tout Coca Cola » et le «
tout Ayatollah »
Dans cet ouvrage exhaustif et rigoureux, les deux auteurs ne se contentent
pas de décrire la genèse de la saga francophone, de dresser le bilan des forces
et faiblesses de la Francophonie, de soupeser les enjeux et les risques de cette
aventure collective. Ils tracent aussi des perspectives d’avenir en proposant un
grand dessein qui se décline en un plan d’action audacieux, complet et cohérent,
assorti de mesures concrètes.
Alfred Gilder, ENA 79, Contrôleur financier au Ministère de léconomie et des
Finances, et Albert Salon, docteur détat ès lettres, ENA 64, ancien
Ambassadeur, sont tous deux praticiens et promoteurs de la langue française et
de la Francophonie. Leur profondeur de vue découle de leur analyse du passé, des
incertitudes présentes et des forces mondiales en jeu. Cette mise en perspective
les amène à faire le procès cinglant de la mondialisation à l’américaine. Ils
lui préfèrent l’universalisme d’inspiration française, fait de dialogue, de
partage et d’acceptation des différences, conforme à la vocation millénaire de
la France.
Alfred GILDER et Albert SALON.