L’ESPACE FRANCOPHONE
Un moyen de poursuivre une stratégie de puissance.
Je relisais ce matin un article de notre ami et
représentant à Dijon, Jean-Pierre Ravier, sur la place
de la France dans la francophonie et le monde. Comme
cette réflexion me semble toujours aussi pertinente,
j’ai cru qu’elle pourrait alimenter notre réflexion et
celle de tous les locuteurs de notre langue dans le
monde de la Francité, ceux-là et celles-là qui ne
vivent pas nécessairement dans un environnement
culturel de langue française, mais qui sont tout de
même soucieux de son avenir et désireux de la voir
prendre la place qu’elle s’est méritée tout au long de
l’histoire, par ses lettres, par la philosophie
qu’elle véhicule, par l’élégance et le savoir-vivre
qu’elle fait partager au monde , par sa technologie et
l’influence qu’elle joue et peut jouer sur le monde (
ex. refus de participer à la guerre contre l’Irak ).
Qu’il me soit pemis de souhaiter que les sites WEB de
nos amis puissent lui créer un petit espace afin
d’alimenter la réflexion du plus grand nombre de
personnes.
Jacques Bergeron, président
Jacberger@yahoo.fr
section Ludger-Duvernay et de sa «Délégation François 1er en France et en
Europe.
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De:"Jean Pierre RAVIER"
jravier@club-internet.fr
"L’espace francophone, un moyen de poursuivre une
stratégie de puissance
Espace voué à connaître une influence croissante sur les
rapports internationales, la francophonie est
aujourd’hui un simple réseau de relations
conventionnelles dont il est difficile de cerner la
vision politique. Réduite à quelques rares échanges
culturels, il convient de lui instiller une vraie
ambition, un vrai projet afin qu’elle devienne une
réalité vivante. Pour ce faire, il est nécessaire de
rompre avec l’angélisme ambiant et d’adopter une
stratégie de puissance qui implique trois conditions:
la France doit en être le moteur principal,
l’économie doit y trouver sa place et la Francophonie ne
doit pas être en contradiction avec la construction
européenne.
La France en première ligne
La principale faiblesse de la France ne réside pas dans
son économie, ni même dans sa diplomatie ou son outil de
défense mais dans ses complexes. Son peuple
s’entredéchire sur des questions passées et ne semble
connaître que les pages sombres de son histoire.
Pourtant les étrangers, censés avoir subis ses sévisses,
ne lui trouvent pas autant de reproches. Au contraire
dans la plupart des pays du monde la France est admirée
pour ses lettres, son art de vivre et sa culture
politique. Il n’empêche que cette peur conduit la France
à adopter une position de retrait quand les pays membres
de la communauté francophone voudraient la voir jouer en
première ligne. En osant enfin occuper cette place qui
lui revient elle renforcerait assurément la cohésion et
donnerait du sens à l’espace Francophone.
En effet, la France est le pays de l’espace francophone
ayant le plus d’influence sur le plan des relations
internationales. Ses dernières prises de position au
sujet de l’Irak en sont la preuve irréfutable. Elle est
également le seul membre du Conseil de sécurité de
l’ONU. En s’investissant dans une politique francophone
dont elle serait le principal inspirateur, elle pourrait
donner une voie au plus haut niveau à tous les pays
membres.
Par ailleurs, par sa simple présence, la France agit
comme un liant et donne une cohérence à cet espace. En
effet, pour bon nombre des pays membres le français est
un élément essentiel de l’identité nationale. Au Liban
et au Québec, par exemple, la langue française est
revendiquée comme la gardienne de la liberté, comme un
moyen de résister et d’exister. Mais sans soutien
français, les pays membres ne voient pas l’intérêt de
prolonger leur adhésion à une telle institution. Ils ont
chacun une relation, une histoire particulière avec le
pays qui leur a donné leur langue.
En occupant la place de chef de file, la France
répondrait très probablement à une aspiration des pays
membres dans la mesure où leurs intérêts seraient
respectés. La coalition gagnerait en puissance et la
France pourrait se reposer sur un réseau de relations
sûres à l’heure où les alliances passées semblent
fragiles (Union européenne, ONU, OTAN). Si les
dirigeants français désirent poursuivre ce projet, il
convient de montrer concrètement qu’ils y attachent de
l’importance en commençant par accroître les apports
financiers français.
La Puissance économique au service du rayonnement
culturel
La globalisation ouvre une nouvelle ère dans
l’organisation des sociétés. De manière générale, le
politique s’efface au profit des intérêts économiques.
Ce glissement vers une prééminence économique ne
convient visiblement pas à la culture politique
française. Pays du monarque absolu, des droits de
l’homme et de l’Etat omniprésent, c’est une nation dont
les stratégies politiques sont souvent guidées par des
principes et des idéaux. La Francophonie telle quelle se
présente aujourd’hui n’est par ce même manque de
pragmatisme. Elle semble marquée par l’idée selon
laquelle sphère publique et privée poursuivent des
logiques opposées. Pourtant, si la diplomatie est un
soutien indispensable à la promotion culturelle, la
puissance économique est un vecteur non moins
négligeable.
Comment expliquer que l’apprentissage de l’allemand soit
souvent préféré au français dans le monde arabe alors
que la zone est censée prioritaire pour la diplomatie
française ? Certes le français demeure en première
position mais les instituts Goethe concurrencent très
honorablement les instituts culturels français, même
dans un pays comme le Maroc.
Dans ces pays où la vie est rude et les études chères,
les étudiants cherchent d’abord à apprendre des langues
qui vont leur permettre de travailler. Or il semble que
l’Allemagne offre plus de garantie à ce sujet. Les mêmes
raisons expliquent l’attrait pour l’anglais. Les
étudiants n’apprennent généralement pas une langue par
amour mais par intérêt.
Il convient d’être autant que possible pragmatique et de
se rendre à l’évidence : pour continuer à rayonner le
français doit devenir une langue utile.
Il en a tous les atouts ; il suffit de réactiver le
réseau francophone afin de constituer un espace
d’échanges économiques dans lequel des coopérations
étroites seraient créées : échanges d’étudiants,
migrations organisées, transferts technologiques,
exonérations de charges, etc. Mais pour durer la
Francophonie a d’abord besoin de ressources qui doivent
être recherchées dans les lieux de production de
richesse, à savoir les entreprises.
Attirer de tels investisseurs permettrait non seulement
d’accroître les moyens de l’organisation mais surtout de
la dynamiser, de lui donner un réel pouvoir et plus de
légitimité. En effet pour que des entrepreneurs
s’investissent dans la francophonie ils doivent y
trouver un intérêt. Il se traduirait par des avantages
fiscaux, des exonérations, des relations privilégiées
avec les Etats.
A l’heure où les entreprises européennes sont à la
recherche de nouveaux marchés, on peut supposer qu’il y
va aussi de l’intérêt des entrepreneurs de participer à
l’élaboration de cette espace économique francophone. En
Afrique, où l’économie semble condamnée à la léthargie,
l’émergence de marchés viable peut être suscitée par
l’action combinée d’une structure publique puissante et
des entreprises. En Amérique du Nord, le Québec pourrait
devenir une plate-forme de pénétration des marchés pour
les entreprises des pays membres.
Un espace francophone où les échanges économiques
seraient intensifiés par l’impulsion politique et en
même temps par les entrepreneurs gagneraient
inévitablement en puissance. Il bénéficierait d’une
relative indépendance et ferait le jeu d’un monde
multipolaire ainsi que le souhaite de nombreux
dirigeants francophones.
Il ne s’agit pas pour autant de sacrifier la culture à
l’économie. Les débats engagés sur les brevets et sur le
cinéma de production française doivent être poursuivis,
mais au lieu d’opposer culture et économie il convient
de les associer pour mener une même politique de
Défense.
La Francophonie complément de l’Europe
Du point de vue de la politique extérieure et de la
stratégie un tel projet ne serait viable que dans la
mesure où il ne s’opposerait pas à la construction
européenne mais viendrait en complément.
Dans un recueil écrit publié par l’Institut Montaigne
intitulé « La sécurité extérieure de la France face aux
nouveaux risques stratégiques » (sous la direction de
Nicolas Baverez) est évoqué le concept d’ « autonomie
stratégique » qui consiste à laisser aux pays membres de
l’U.E la possibilité d’intervenir lorsque leurs propres
intérêts les y conduisent.
Dans cette optique de Défense européenne la France
léguerait son arsenal nucléaire à l’Union mais se
réserverait le droit d’intervenir à tout moment en cas
de menace. On peut imaginer alors que la Francophonie
serait un cadre d’action privilégiés où la France
interviendrait en dépit de l’Europe.
Cette liberté d’action ne rentrerait pas pour autant en
contradiction avec les intérêts européens. La position
diplomatique privilégiée qu’offrirait le réseau
francophone pourrait servir également la politique
européenne. La France y développerait les relations avec
le continent et assurerait sa représentation notamment
auprès des pays du tiers monde conservant ainsi un lien
précieux entre Nord et Sud.
La création d’un réseau international vise soit à unir
les peuples soit à unir les Etats. La forme actuelle de
la francophonie sert plutôt les peuples que les
relations internationales. Lors des dernières grandes
crises, en Côte d’Ivoire et en Irak, il n’a jamais été
question de solidarité francophone. Pourtant dans
l’organisation d’une force de paix en Afrique de l’Ouest
ou lors des tractations au Conseil de Sécurité de l’ONU,
les pays francophones étaient au coeur des enjeux. Il est
certain que s’il existait un sentiment de solidarité
francophone ces conflits auraient connu une issue
différente. La francophonie doit donc développer les
liens entre états et économie afin d’établir une
diplomatie et des marchés communs qui lui permettront de
devenir un véritable pôle d’influence. " (12 Sep 2003 )
(Le 24 octobre 2003)