LES USA ET LA LITTéRATURE éTRANGèRE
La puissance destructrice de l’hégémonie de l’anglais sur le plan culturel!
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"Les détours de Babel" par Natalie LEVISALLES, 9 oct. 2003
La moitié des traductions mondiales se fait à partir de l’anglais, alors que
les Américains ne consacrent que 3% de leur production aux livres étrangers.
Enquête à l’occasion de la Foire de Francfort.
extraits :
Aux Etats-Unis, sur 134 000 livres publiés chaque année, on n’y compte pas
plus de 300 traductions littéraires (romans et poésie). Et encore, une bonne
partie de ces traductions n’est pas publiée chez les éditeurs «commerciaux»,
mais dans les presses universitaires.
Au moment où s’ouvre à Francfort une Foire du livre qui est le
rendez-vous mondial des professionnels de l’édition, un endroit où se
rencontrent les cultures et où s’échangent les livres publiés dans le monde
entier, il est intéressant de savoir que 50 % des traductions (tous pays
compris) se font à partir de l’anglais, et 3 % seulement vers l’anglais.
Pourquoi les Américains traduisent-ils si peu ? La première raison, évidente,
c’est que l’anglais est la langue de la communication internationale, la langue
de la culture américaine qui, rappelle Georges Borchardt, agent littéraire
installé à New York depuis cinquante ans, «des boissons gazeuses à la
musique, a conquis le monde».
(…)
Il est intéressant de savoir quels livres, finalement, sont traduits, et par
quelles voies ils entrent dans le système éditorial américain. Premier élément,
c’est le français (suivi par l’allemand, puis l’espagnol) qui est aux Etats-Unis
la langue à partir de laquelle se font les plus nombreuses traductions. Ce qu’on
découvre ensuite, c’est que, dans ces groupes réunissant des dizaines de maisons
d’édition, il n’existe pas un seul département, ni même un seul éditeur, en
charge de la littérature étrangère, mais seulement quelques éditeurs qui, ayant
d’autres fonctions, publient de temps à autre un livre étranger. On apprend
aussi que très peu parlent une langue étrangère et que parler une langue
étrangère n’est jamais une raison pour être embauché.
(…)
En même temps, l’allergie locale à ce qui est étranger est telle que
même les auteurs britanniques sont traduits en américain, explique Robert
Baensch. «Pas Shakespeare, pas les Irlandais non plus parce qu’on aime leur
côté "typique", mais la plupart des romans venus de Grande-Bretagne sont
"édités" et les britannicismes enlevés.»
(…)
Georges Borchardt qui, en cinquante ans, a vendu plus de 2 000 traductions
françaises, remarque qu’ «il est difficile de ne pas faire le lien entre
l’incompréhension des Américains vis-à-vis de ce qui ce passe dans le monde et
ces 3 % de traductions». Un chiffre qui a peu de chances d’augmenter dans un
marché en récession : le nombre de livres publiés cette année aux Etats-Unis a
diminué de 1 %. Même les presses universitaires, qui ont longtemps été un refuge
pour les essais et romans étrangers, sont en train de faire machine arrière.
(Ce texte est extrait du groupe de discussion
linguarum-democratia@yahoogroupes.fr )
(Le 13 octobre 2003)