« IL N’Y A PAS D’ALTERNATIVE à L’ONU »
«Dans un monde ouvert, nul ne peut s’isoler, nul ne peut agir au nom de tous
et nul ne peut accepter l’anarchie d’une société»
New York — «Il n’y a pas d’alternative aux Nations unies», a
déclaré Jacques Chirac hier devant la 58e Assemblée générale de
l’ONU dans un discours empreint de gravité face à la «crise»
traversée ces derniers mois par l’organisation, pour laquelle le
président français a proposé une série de réformes.D’autres orateurs, dont le secrétaire
général de l’ONU Kofi Annan lui ont fait
écho à ce sujet.«Les Nations unies viennent de
traverser l’une des épreuves les plus
graves de leur histoire», a déclaré le
chef de l’état français, qui a, d’emblée,
rendu un hommage au représentant
spécial de l’ONU Sergio Vieira de Mello,
«grand serviteur de la paix», tué le 19
août avec 21 autres personnes dans
un attentat suicide perpétré contre le
siège de l’ONU à Bagdad.«Engagée sans l’autorisation du Conseil
de sécurité, la guerre a ébranlé le
système multilatéral», a-t-il affirmé en
faisant référence à l’intervention
militaire américano-britannique du
printemps dernier en Irak. «Dans un
monde ouvert, nul ne peut s’isoler, nul
ne peut agir au nom de tous et nul ne
peut accepter l’anarchie d’une
société», a insisté Jacques Chirac.Le président français a d’ailleurs
souhaité un renforcement de l’autorité
du Conseil de sécurité. «C’est à lui qu’il
appartient d’encadrer le recours à la
force, nul ne saurait s’arroger le droit
d’utiliser la force unilatéralement et
préventivement», a-t-il dit.Tout en réaffirmant le caractère
irremplaçable des Nations unies, le
président français a reconnu la
nécessité d’engager une «profonde
réforme» du système, qui emploie
aujourd’hui 7660 fonctionnaires, dont
636 Français, pour un budget annuel
de 1,3 milliard de dollars. Il a dit
appuyer la proposition du secrétaire
général de l’ONU, Kofi Annan, de
rassembler autour de lui un «comité
de sages indépendants» chargé de
présenter des propositions.Ce comité devra étudier, dans ce rapport qui devra être achevé
d’ici la prochaine Assemblée générale, le fonctionnement des
organes principaux de l’ONU et recommander les manières de les
renforcer.Dans son discours d’ouverture, le secrétaire général
a déclaré que «nous en sommes peut-être arrivés à
un moment qui n’est pas moins décisif qu’en 1945
quand les Nations unies ont été fondées».M. Annan a particulièrement cité la nécessité de faire progresser la
réforme du Conseil de sécurité «à l’ordre du jour depuis plus de dix
ans» et d’augmenter le nombre de ses membres actuellement fixé à
15.«Virtuellement, tous les pays sont d’accord, a-t-il dit, mais il n’y
a pas d’accord sur les détails.».Jacques Chirac a lui-même lancé une série d’idées de réformes, à
commencer par celle du Conseil de sécurité, organe majeur de
l’ONU, dont la France est l’un des cinq membres permanents. Il a
souhaité «un élargissement à de nouveaux membres permanents».Le Brésil veut apporter sa contribution
Outre le Japon et l’Allemagne, vaincus d’hier écartés d’office lors de
la naissance de l’ONU en 1945, Jacques Chirac suggère une
représentation de «quelques grands pays d’Asie, d’Afrique ou
d’Amérique».Le président français souhaite aussi un renforcement de
l’Assemblée générale, estimant qu’«à une culture de l’affrontement
doit se substituer une culture de l’action», afin d’atteindre les
objectifs fixés.Le président brésilien Luis Ignacio Lula da Silva a prononcé, lui
aussi, un vibrant appel en faveur du multilatéralisme. Le président
brésilien a également laissé entendre que son pays, dans le cadre
d’une réforme de l’ONU, y ferait une «contribution utile» au nom de
l’Amérique du Sud s’il entrait au Conseil de sécurité.«La réforme des Nations unies devient une tâche importante en
raison des risques actuels que subit l’ordre politique international, a
dit le président Lula. Le Brésil pense qu’il a une contribution utile à
fournir. Il ne souhaite pas avancer une conception restrictive de la
sécurité internationale, mais plutôt fournir un cadre aux perceptions
et aspirations d’une région qui est un exemple de coexistence
pacifique parmi ses membres et un atout pour la stabilité
internationale.»Le secrétaire général Kofi Annan a critiqué hier le concept de
guerre «préventive» mis en avant par les états-Unis pour attaquer
l’Irak.L’argument de certains états, qui estiment avoir «le droit et
l’obligation de faire usage de la force à titre préventif représente un
défi fondamental aux principes sur lesquels la paix et la stabilité
mondiales ont, sans doute imparfaitement, reposé depuis les 25
dernières années», a déclaré M. Annan. «Mais dénoncer
l’unilatéralisme ne suffit pas si on ne répond pas clairement aux
préoccupations qui font que certains se sentent vulnérables, ce qui
les amène à prendre des action unilatérales», a ajouté M. Annan.Dans son discours, qui a été longuement applaudi, le secrétaire
général a également souligné que, jusqu’à présent, en dehors des
cas de légitime défense, les «Nations unies étaient nécessaires
pour donner leur légitimité» au recours à la force.Pour Jacques Chirac, «le multilatéralisme est essentiel, car il assure
la participation de tous à la gestion des affaires du monde». «Il
garantit la légitimité et la démocratie, tout particulièrement lorsqu’il
s’agit de décider du recours à la force ou d’édicter des normes
universelles».Le président français a également fait référence à l’ONU dans la
crise actuelle au Proche-Orient, où la paix ne pourra, à ses yeux,
que survenir d’une «volonté politique résolue à appliquer, de part et
d’autre, le droit tel que l’ont énoncé les Nations unies».Face au danger représenté par les armes de destruction massive, il
a réitéré sa proposition de création d’un corps d’inspection
permanent, sous l’autorité du Conseil de sécurité qu’il a invité à se
réunir au sommet à ce sujet.Rappelant les engagements pris lors de l’Assemblée du Millénaire, le
chef de l’état français a proposé la tenue d’une nouvelle réunion
des chefs d’état et de gouvernement à New York en 2005, afin de
«dresser un premier bilan» des progrès accomplis depuis lors.Reuters , AFP. édition du mercredi 24 septembre 2003
http://www.ledevoir.com/2003/09/24/36781.html