FRANSQUILLON : UNE ESPèCE EN VOIE DE
DISPARITION
Ayant vu par hasard que vous aviez repris un article à propos
de l’ouvrage
de mon père sur les Francophones des Flandres, je me permets de vous envoyer
deux autres articles sur le même sujet.
Bien à vous,
Benoît BEYER de RYKE
Université Libre de Bruxelles (ULB)
CP 108
50 avenue F. D. Roosevelt
1050 BRUXELLES
Courriel : benoit.beyer@ulb.ac.be
Site : www.ulb.ac.be/philo/urhm
Pour lire
Fransquillon : une espèce en voie
d’extinction…
« Les lys de Flandre Vie
et mort des Francophones de Flandre » par Luc Beyer de Ryke
Luc Beyer, lancien présentateur du JT de la
RTB partage son temps entre Uccle et Montmartre mais « sa » Flandre natale
le rend toujours nostalgique. Et davantage encore son appartenance à une
espèce en voie dextinction : les francophones de Flandre. Au point davoir
voulu leur rendre hommage à un moment éminemment symbolique : le 700e
anniversaire de la bataille des Eperons dor.
Fransquillon, il est né, fransquillon, il
mourra mais, à ses yeux, ce terme politiquement incorrect aujourdhui, reste
une marque de fabrique, une référence… Cest que Beyer estime que les
reproches faits aux siens depuis le XIXe siècle ne sont pas fondés. Même
sil y a eu des abus au nom dune soi-disant supériorité de la langue de
Voltaire, les francophones ont aussi contribué à la réputation de la
Flandre. Certes, ils ont pu dominer le peuple et un retour de balancier
était inéluctable. Toutefois lauteur regrette loutrance de la réaction
flamande. Un dispositif législatif, scolaire, administratif a conduit à
léradication de la minorité francophone. Une minorité à laquelle le
vocable même de minorité et un statut approprié sont déniés. Et de
constater que depuis quarante ans, la suppression du volet linguistique du
recensement ne leur permet même plus de se compter. Certes, le Conseil de
lEurope a constaté récemment que la Flandre ne respectait pas ses
minorités, mais il ny a pas un fifrelin despoir que ça change. Car dans ce
combat, il ny a ni majorité ni minorité, mais uniquement des Flamands très,
très convaincus.
Au nom du devoir de mémoire,
lex-parlementaire a rendu hommage aux francophones de Flandre. Beyer
prévient quil ne sagit pas de ceux qui vivent en périphérie bruxelloise,
axés sur la capitale. Ils sont pourtant sur le même bateau : là aussi,
lexercice de la liberté culturelle devient difficile. Mais moins quen
Flandre où les cercles et les clubs francophones ont pratiquement tous
disparu. Le racisme y est même religieux : depuis belle lurette, les
catholiques nont plus le droit de professer leur foi in t frans.
Cest à lheure de Vatican II qui a ouvert lEglise aux langues modernes que
lon a banni le français des églises. La franc-maçonnerie est bien plus
tolérante : Gand compte encore des loges bilingues…
Beyer rappelle aussi que la presse
francophone a disparu. Les quotidiens ont succombé dans les années septante,
alors que la presse périodique survit au singulier avec « La Semaine
dAnvers ».
Par-delà le constat de décès, Beyer veut
laisser un témoignage plus positif. Dans le style inimitable qui fut le sien
sur les ondes, il égrène le Livre dheures de la Flandre depuis 1302. Une
évocation romantique qui nen reste pas moins réaliste lorsquil explique
comment les Wallons ont participé à léradication des des francophones de
Flandre.
Beyer ne croit pas au retour du passé.
Forcément, la Belgique léopoldienne a vécu mais le libéralisme desprit,
de langue, de culture lui, na pas dheure. Il exige un respect mutuel et
leffort daller vers lautre. Mais il faut une bonne volonté
réciproque. Et ça…·
CHRISTIAN LAPORTE
Editions François-Xavier de
Guibert, Paris, 165 pp,19 euros.
© Rossel et Cie
SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2002
Histoire
Les francophones de Flandre, à l’imparfait
Paul Vaute
Les Lys de
Flandre par Luc Beyer de Ryke.
Office dédition impression librairie (OEIL) – François-Xavier de Guibert, rue
Jean-François Gerbillon 3, 75006 Paris (France), 165 pp., 19 euros.
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A
l’athénée en terre flamande où Luc Beyer de Ryke fit ses études, il fallut un
jour que le recteur intervienne pour empêcher la transformation de la cour de
récréation en champ de bataille de Groeninghe. Les élèves flamingants et
fransquillons – enfin, un tantinet – rejouaient le Lion et le Lys, les
communiers et les chevaliers de la bataille des Eperons d’or. Rien d’étonnant
si ce `mythe fondateur´, dont le septième centenaire vient d’être
célébré, sert de point de départ à l’étude que le journaliste et député
européen honoraire consacre aux francophones du plat pays.
Pour ceux qui se souviennent du présentateur du Journal télévisé et d’autres
émissions, précisons qu’il a la plume aussi élégante que la parole: un régal,
donc. Sur le fond, sa démarche combine recherche historique, regard
sociologique et témoignage personnel, non sans laisser filtrer tristesse et
nostalgie du paradis perdu. Il y a dans ces pages comme une révolte refoulée,
assez proche sans doute des sentiments qu’ont dû éprouver maints Flamands de
Bruxelles, au XIXe siècle, en voyant leur ville se franciser inéluctablement.
Ou encore et en plus grand nombre, les Français qui assistèrent à l’extinction
de leur dialecte breton, poitevin ou occitan sous les coups de latte des
instituteurs de l’Etat jacobin administrés aux doigts des petits patoisants.
LA BOURDE DU CARDINAL
La différence est qu’ici, ce n’est pas le peuple qui a souffert mais une
classe dominante. Quand l’auteur, né en 1933 à Gand, est entré au conseil
communal de la cité des Van Artevelde, sept des dix sièges libéraux étaient
occupés par des francophones affirmés ou prudents. A présent, il en reste un
pour l’ensemble des élus.
Notre confrère n’idéalise pas. Dans un passé plus lointain, la domination de
cette bourgeoisie et de cette aristocratie `ne fut pas exempte
d’injustices´, trop favorisées qu’elles étaient par `le jeu des
intérêts, des équilibres sociologiques, le rayonnement intellectuel de la
langue française´. Est épinglée à juste titre, la condescendance d’un
cardinal Mercier quand il affirmait, après la Première Guerre mondiale, que
`les Flamands qui voudraient flandriciser une université n’ont pas assez
réfléchi au rôle supérieur auquel doit prétendre cette université´. Propos
d’époque? Il nous remet au contraire en mémoire que les Tchèques disposaient
alors d’une université dans leur langue, à Prague, depuis 1880…
Sur l’autre plateau de la balance s’accumulent les dérives du mouvement
flamand, en particulier au cours des deux guerres mondiales, et la manière
dont il a débouché sur `un dispositif législatif, scolaire, administratif´
visant à l’éradication d’une minorité `à laquelle le vocable même de
minorité et un statut approprié est dénié´ (le cas très spécifique des
francophones de la périphérie bruxelloise n’est pas envisagé ici).
L’unilinguisme régional, ce `rouleau compresseur´ enclenché
méthodiquement par la législation de 1932, est aujourd’hui à ce point accompli
qu’on se prend à rêver devant le catalogue des droits reconnus sans problème
aux 5 pc de suédophones de Finlande.
Ceux qui, comme de Coster ou Verhaeren, aiment la Flandre dans la langue de
Molière, perçoivent avec plus d’acuité l’homogénéisation culturelle comme une
négation de l’héritage national. Le Nord s’est enrichi, au fil des siècles,
d’influences romanes comme le Sud d’influences germaniques. N’est-il pas
surprenant `de voir le souvenir de la Bourgogne plus présent et illustré à
Bruges, Gand ou Bruxelles qu’à… Dijon´ ?
Peut-être ces réalités et bien d’autres qui nous sont rappelées par Luc Beyer
seront-elles assez solides et défendues, demain, pour imposer un tournant
radical à une nouvelle génération de politiques. Sinon, il aura offert un beau
chant désespéré à sa communauté d’`âmes mortes´ qu’on ne peut même plus
recenser.
© La Libre Belgique 2002
Cet article provient de
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http://www.ulb.ac.be/philo/urhm/lys1.html
Mis en
ligne le 18/07/2002
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(Le 27
novembre 2003)