LA DéFRANCISATION DU CANADA
Le recensement de 2001 permet de mesurer la situation de la langue française
au Canada et par voie de conséquence la valeur des politiques et pratiques
canadiennes en la matière.
Le recul du poids démographique des francophones
Le poids démographique des francophones au Canada, incluant le Québec,
poursuit sa descente. En 1951, les francophones représentaient 29 % de la
population canadienne, ils nen représentent plus, en 2001, que 22,9 % soit une
baisse de 21 %. Pour les francophones hors Québec, la situation est
catastrophique, la baisse étant de 55 %. Ils sont passés de 7,3 % de la
population à 3,3 %. Si lon prend le critère de la langue la plus parlée à la
maison, la population francophone hors Québec diminue comme une peau de chagrin.
De 2,8 en 1991, elle ne représente plus que 2,1 % en 2001, soit une diminution
de 25 %.
Tableau 1
évolution du poids relatif de la francophonie
Francophones Canada et Québec |
Francophones hors Québec | |
1951 |
29,0 % |
7,3 % |
2001 |
22,9 % |
3,3 % |
Variation |
– 21,0 % |
– 55,0 % |
Lassimilation des francophones au Canada
Si le poids des francophones ne cesse de diminuer, cest quils sassimilent. En
progression constante dans lensemble du Canada hors Québec, le taux
danglicisation des francophones est passé de 34,8 % à 37,47 % sur à peine dix
ans, de 1991 à 2001. Le nombre absolu de francophones parlant encore
principalement français à la maison est même en baisse. Il est passé de 636 440
à 612 990 personnes.
Tableau 2
évolution de la francophonie hors Québec
Langue française
|
Langue maternelle |
Langue dusage |
écart |
Taux (%) dassimilation |
1991 |
976 415 |
636 440 |
– 339 975 |
34,80 |
2001 |
980 272 |
612 990 |
– 376 282 |
37,47 |
Ces tendances lourdes, observées depuis plusieurs décennies, touchent toutes
les provinces canadiennes, ce qui prouve hors de tout doute que les politiques
et pratiques linguistiques en vigueur au Canada anglais ne permettent pas
dassurer lépanouissement de la francophonie hors Québec. Les taux
dassimilation des francophones oscillent entre 9 % au Nouveau-Brunswick et 71,3
% en Colombie-Britannique. LOntario, là où se situe en nombre la plus
importante population francophone hors Québec au Canada, connaît un taux de
39,66 %.
Tableau 3
Assimilation francophone au Canada hors Québec par région
Langue |
Langue maternelle |
Langue dusage |
écart |
Taux (%) dassimilation |
Colombie-Britannique |
58 893 |
16 902 |
– 41 991 |
71,30 |
Alberta |
62 240 |
20 670 |
– 41 570 |
66,79 |
Saskatchewan |
18 633 |
4 805 |
– 13 828 |
74,21 |
Manitoba |
45 932 |
20 893 |
– 25 039 |
54,51 |
Ontario |
509 265 |
307 297 |
– 201 968 |
39,66 |
Nouveau-Brunswick |
239 357 |
217 773 |
– 21 584 |
9,02 |
Nouvelle-écosse |
35 377 |
19 790 |
– 15 587 |
44,06 |
Terre-Neuve-et-Labrador |
2 348 |
991 |
– 1 357 |
57,79 |
Île-du-Prince-édouard |
5 885 |
2 818 |
– 3 067 |
52,12 |
Yukon |
1 058 |
433 |
– 625 |
59,07 |
Nunavut |
405 |
225 |
– 180 |
44.44 |
Territoires du Nord-Ouest |
1 006 |
396 |
– 610 |
60.64 |
Canada hors Québec (RDC) |
980 272 |
612 990 |
– 376 282 |
37,47 |
à lextérieur du Québec, langlais saccapare la totalité du solde des
transferts linguistiques. La population canadienne de langue anglaise fait en
effet un gain de 2 489 642 locuteurs, grâce à lassimilation de francophones et
dallophones dont les taux danglicisation sont, pour lensemble du Canada
respectivement de 3,7 % et 42,0 %. La population de langue anglaise voit ainsi
son importance augmenter de 14,2 %.
Tableau 4
ASSIMILATION AU CANADA
|
langue maternelle |
langue dusage |
écart |
écart (%) |
|
17 521 896 |
20 011 538 |
+ 2 489 642 |
14,2 |
|
6 782 294 |
6 531 375 |
– 250 919 |
– 3,7 |
|
5 334 850 |
3 096 117 |
– 2 238 733 |
– 42,0 |
total |
29 639 040 |
|
|
|
Même au Québec, le Canada anglicise
Tandis que le français recule au Canada hors Québec, langlais fait des gains au
Québec de 155 512 locuteurs, soit de 26,3 %, grâce à langlicisation des
non-anglophones. Les politiques linguistiques québécoises se révèlent toujours
insuffisantes pour endiguer les effets des interventions financières ou autres
du gouvernement du Canada pour veiller à la dominance de la langue anglaise dans
les transferts linguistiques au Québec.
Tableau 5
Transferts linguistiques vers langlais au Québec
Langue |
Langue maternelle |
Langue dusage |
écart |
Gains (%) |
Québec |
591 377 |
746 889 |
+ 155 512 |
26,3 |
La connaissance des langues
La connaissance des langues officielles canadiennes permet de mesurer toute la
force de la langue anglaise au Québec et au Canada. Sur ce plan, le progrès de
langlais au Canada est indéniable et saccompagne par le fait même dun
affaiblissement du français. De 1951 à 2001, la connaissance de langlais a
augmenté de 79,3 % à 85,2% tandis que celle du français a diminué de 31,9 % à 31
%, et cela malgré lentrée en vigueur de la Loi canadienne sur les langues
officielles, il y a déjà plus de trente ans.
Tableau 6
Connaissance des langues officielles
|
Anglais |
Français |
1951 |
79,3 % |
31,9 % |
2001 |
85,2 % |
31,0 % |
écart |
5,9 % |
– 0,9 % |
En somme, la langue française subit un recul dramatique au Canada, y compris
au Québec. Lassimilation agit comme un véritable rouleau compresseur culturel.
Comme le démontre cette analyse démo-linguistique fondée sur les données des
recensements de Statistique Canada, la langue majoritaire, l’anglais, enregistre
au Canada des gains constants au détriment de la langue française.
Cette défrancisation progressive du Canada est le résultat de mesures et de
politiques gouvernementales qui ne protègent pas suffisamment et ne favorisent
pas l’épanouissement du fait français. Sous les apparences d’un pays bilingue,
le gouvernement canadien cache aux yeux de l’opinion canadienne et étrangère une
toute autre réalité : le Canada a une langue plus officielle que l’autre,
l’anglais. Au Canada, la majorité domine de plus en plus outrageusement tandis
que la minorité est de plus en plus insidieusement marginalisée.
Alors que le Canada se fait sur la scène internationale le grand défenseur de la
diversité culturelle mondiale, ses politiques actuelles uniformisent et
banalisent de plus en plus le Canada et fragilisent sa plus grande minorité.
Rien ne doit faire oublier le sort peu enviable que le Canada inflige à la
langue française et la nécessité urgente d’agir pour corriger cette situation
qui conduit inexorablement à ce que certains démographes appellent « la
disparition tendancielle » ou « l’extinction intergénérationnelle » et,
parallèlement, à l’affaiblissement de la place et de l’importance de la
diversité culturelle et linguistique dans le monde.
Des gestes courageux simposent !
Jean-Paul Perreault
Président
Impératif français
Recherche et communications
https://www.imperatif-francais.org
Le 8 janvier 2003