DERRIèRE LES MOTS
Les médias ont évidemment une grave responsabilité en ce qui concerne – et
non « au niveau », remarquez – l’usage du langage, car ils occupent une grande
partie de l’espace du discours public. Or, de plus en plus, ils concourent à la
contamination politicienne, bureaucratique et policière de la langue.
Contamination politicienne: Centre-Ville pour Vieux-Hull; région de la
capitale « nationale » – ce qui ne correspond à aucune réalité constitutionnelle
ou historique: il existe une capitale fédérale, canadienne ou du Canada – dans
laquelle on inclut l’Outaouais; l’« Amérique » pour les états-Unis; etc. La
rectitude politique: les « gais » pour les homosexuels; les non-voyants pour les
aveugles; la « rationalisation » pour le désordre de milliers de mises à pieds,
etc.
Contamination bureaucratique: le fameux « niveau »: « frappé au niveau des
testicules – pourquoi pas « aux testicules », il en subira des dommages « au
niveau » psychologique (« sur le plan » ou rien du tout), et prendra des
procédures « au niveau » légal (« des procédures judiciaires »). Contamination
policière: « deux individus » se sont introduits dans une banque »: pourquoi pas
deux
personnes », puisque, excepté en termes philosophiques, le mot « individu »
est péjoratif en français et, même trouvée coupable, une personne demeure une
personne ».
Ce sont là une pincée d’exemples de la façon dont les personnes qui
contrôlent le discours public – dont les médias – contribuent à contaminer et à
propager la distorsion des mots. Car derrière les mots, il y a beaucoup plus que
le « what’s in a word » de la culture dominante: il y a, justement, tout le
poids de cette dernière. Il faut en être conscient.
Claude Morisset
Hull, Québec
clamor_bibliofolie@hotmail.com
(Le 9 novembre 2003)