Anglomanie galopante !
Toutes ces histoires sur linfiltration de langlais par le biais du réseau
des réseaux ; lInternet. La vogue, du moins dans des plus grandes métropoles du
monde que la nôtre, Paris ou Bruxelles par exemple, est larrivée de grandes
surfaces telles « easyEverything » (site du même nom, en anglais
seulement) où tous cliquent et échangent en latin moderne, langlais. Mais
pourquoi, cherchez-vous à comprendre, cette anglomanie effrénée, francophiles
frileux sur nos « quelques arpents de neige » ?
En tant que Montréalais, langlais ou laméricain nont certes pas le cachet
exotique que nos cousins doutre mare lui prêtent. Bien conscient de la
précarité du français sur nos rivages de lAtlantique, on développe des réflexes
dassiégés et de défenseurs à tout crin. Un ancien collègue français, étudiant à
McGill, ne me causait quen anglais. Quelle fut ma réaction ? « Speak white
; parle-moi en français ; tu le parles mieux que moi for Christs sake ».
Européen, jeus sûrement réagi différemment.
Douce France
Des vignes aux villes, tout aspire là-bas aux grandeurs passées et toujours
bien réelles. Elles sappuient sur une langue aux millions dintonations qui
expriment tout, souvent mieux. Le fait d’user dune autre langue à loccasion,
et si cest langlais en majorité mais aussi litalien, etc., cantonne à
laparté qui distrait et amuse.
Les Français évoquent un style de vie, maîtrisent une langue, qui, là-bas,
par la force du nombre, influence, invente plus. Les Britanniques sont
minoritaires en Europe, isolés sur une île au climat pluvieux. Pour mieux
comprendre, dressons le parallèle entre les régions du sud de la France et de la
Floride. Les deux attirent les gens du nord, fuyant leurs climats rudes pour les
vacances. à la nuance près quune mer baigne la côte de lune et sur laquelle
règne une principauté aux rituels innés tandis que seules les lois du marché
régissent et ceignent sur les côtes de lautre.
ô Québec !
Transportez cela en sol québécois et on prend pour acquis que vous devez
toujours parler anglais à tous ceux qui vous le réclament ; bien entendu, à des
anglophones dorigine mais aussi à des allophones (incluant des francophones
d’ascendance) qui vous limposent de bon droit croient-ils ; inadmissible. Doù
notre attitude darrière-garde de la défense de la langue et notre incapacité à
comprendre nos cousins à être si crédules devant lhégémonie. à preuve,
lessayiste Denise Bombardier y est allée du pamphlet : « Lettre ouverte aux
Français qui se croient le nombril du monde ; Albin Michel ».
Remarquez que ce ne sont pas tous nos compatriotes qui sont dardents
défenseurs ; loin de là. Habiter un quartier ou un arrondissement à majorité
anglophone en donne un bel exemple. Des locaux peuvent se parler en québécois
entre eux mais dès que vous leurs demandez une indication, on ne vous comprend
pas ; on vous suppose du Canada ; on vous parle canadian, par crainte dêtre
amoindris. étonnant endoctrinement que cela.
Une proportion notable de commis de magasins du centre-ville, rue
Ste-Catherine, vous approchera en anglais, et même sils sont québécois en
grande majorité, sous prétexte quils servent aussi une clientèle touristique
(américaine). Et lorsque ces mêmes touristes viennent à Montréal, ils nous le
reprochent ; « Les gens sont très accueillants, dit-il,… Nous sommes tombés sous
le charme… Nous aurions cependant aimé entendre davantage les gens parler
français. Tout le monde nous aborde en anglais. », Tim Kipp, Maine, é.-U., Petit
week-end pascal, La Presse, 22 avril 03.
Contre conquête
Cest Jacques Chirac lui-même qui, aux cérémonies dinvestiture de son
septennat, conviait ses compatriotes à être conquérants. Et si louverture à
langlais en Europe nétait que ça ; une conquête. Les Britanniques, hormis Tony
Blair, sont réticents à lunification. Mais que penser des Français, de leur
ouverture à langlais, tel Jean-Marie Messier, ex-PDG de Vivendi Universal et
qui a annexé notre Seagram ; et sils nétaient que ça ; des conquérants, voire
mieux, des anti-conquérants ? Ils séduisent à lemploi dun outil langagier pour
mieux subjuguer dans un effort tacite mais non moins collectif.
Du coté de notre lorgnette éloignée, on tend à croire quils laissent le loup
dans la bergerie. Mais, il ne faut pas confondre le mouton de notre Saint-Patron
au coq emblématique de lHexagone ; un oiseau dominant qui irradie dès la levée
du jour.
De sa basse-cour, le coq éclaire, courtise et séduit. Et lorsquon y pénètre,
on ressent la velouté en son sein et on y agrée. Une autre conduite serait
insensible même si, hélas, que trop courante et majoritaire ici. Parler anglais
sur ce continent est tout autre quen Europe. Ici, nous ne pouvons parler la
langue de la masse sans subir la crainte dêtre anéantis. Une immuable assurance
de notre part par laffirmation, condition préalable à une meilleure sensibilité
et à une ouverture à lautre, éliminerait lambiguïté, limposture.
Combattre de lintérieur ; voilà le mot dordre. Des langues ou des
technologies peuvent bien être supérieures, si elles ne sont pas exposées ou
commercialisées à leurs pleins potentiels, elles sétiolent. La technologie
MacIntosh, considérée supérieure à celle dIBM PC, nen a pas moins que 5% du
marché. Rappelez vous du format BETA que tous disaient supérieur au VHS ou
dOS/2, meilleur que Windows. Ils reposent au cimetière des milles technologies
perdues avec celles que les Bill Gates de ce monde flouent pour imposer leurs
produits, peu importe leurs qualités. Alors, que faire ?
Ce texte a été écrit sur PC, sous Windows et en français. Si les deux
premiers simposent, jamais le français sinclinera ; JAMAIS. Même sil faut
sévir sous langlais, une langue aux multiples emprunts (Détente, déjà vu,
communiqué, etc.) et quelle boit à toutes les eaux. Langlais donc, mais
seulement lorsque cest utile ou amusant.
M Gilbert, Montréal
(Le 24 avril 2003)