RECUL DU FRANçAIS DANS L’éTAT DU VERMONT, USA
Le nombre de locuteurs francophones à la maison a baissé de 15 % en dix ans
dans l’état.
(Le texte suivant est extrait du journal Le Devoir du samedi 10 et du
dimanche 11 août 2002)
http://www.ledevoir.com/2002/08/10/6938.html
Vermont – Molière ne serait pas fier
Newport, Vermont — Un des rares bastions du français aux états-Unis, l’état
du Vermont, situé à la frontière avec le Québec, se transforme en peau de
chagrin. Le nombre d’habitants parlant la langue de Molière à la maison y a
ainsi baissé de 15 % en dix ans.
Lucie deLaBruere, 43 ans, parlait uniquement français au sein de sa famille
et n’a appris l’anglais qu’après son entrée à l’école primaire. Aujourd’hui,
elle regrette que ses trois enfants n’aient pas appris le français à la maison.
«Je voulais essayer d’utiliser la langue au foyer, mais cela s’est avéré
difficile», explique-t-elle.
Dans tout le nord du Vermont, dit-elle, il est courant de voir des adultes
capables de s’exprimer en français, mais de moins en moins d’enfants et de
petits-enfants peuvent en faire autant. «La génération qui s’est installée dans
cette zone en provenance du Québec est en train de disparaître rapidement»,
constate cette enseignante du lycée North Country Union à Newport, dont les
élèves ont participé l’an dernier à la création d’un site Web sur le patrimoine
franco-américain dans la région.
Les chiffres récemment publiés par le Bureau du recensement américain
confirment la tendance. Bien que les francophones dans certaines enclaves
isolées comme la ville de Newport aient réussi à se maintenir, le nombre de
locuteurs francophones à la maison a baissé de 15 % en dix ans dans l’état.
Le recul est particulièrement prononcé dans les comtés limitrophes avec le
Québec. Dans celui d’Orleans, le nombre de francophones a chuté de 22 % au cours
de la dernière décennie. Des pertes similaires ont été observées dans les comtés
voisins d’Essex et de Franklin.
Le français a historiquement une forte présence au Vermont, les
Franco-Américains représentant le plus grand groupe ethnique du «Green Mountain
State». Près d’un quart des habitants de l’état en 2000 s’identifiaient comme
étant d’origine française ou franco-canadienne. Mais la langue est en perte de
vitesse depuis un certain temps.
«Nous avons affaire depuis 1950 à une population vieillissante qui ne
s’accroît pas», souligne André Sénécal, un professeur de français à l’université
du Vermont. «Avec la disparition de ces gens, le déclin [du français] est
brutal.»
Rare immigration depuis le Québec
Les immigrants franco-canadiens ont afflué vers les centres industriels de
l’état à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Une immigration plus récente
en provenance du Québec depuis les années 40 a eu tendance à se cantonner dans
le tiers septentrional du Vermont, souligne M. Sénécal. La population
francophone n’est pas renouvelée parce que le niveau de vie au Canada augmente
rapidement et que les Québécois n’ont plus besoin de migrer vers le sud pour
trouver une vie meilleure, ajoute-t-il.
Paul Landry, président de la Société généalogique franco-canadienne, explique
que les francophones désirent préserver leur héritage culturel mais que malgré
tout l’assimilation prend progressivement le pas. «Lorsque vous arrivez dans un
pays essentiellement anglophone, les enfants vont à l’école et bientôt ils
parlent anglais et non plus français à la maison.»
Malgré ce déclin, le français maintient une présence dans le nord de l’état
en raison de la proximité avec le Québec. Ainsi peut-on y capter des programmes
de télévision et de radio en français provenant de la Belle Province.
(Ce texte nous a été communiqué par notre correspondant M. Daniel Duclos)