Michaud Yves vs Angenot Marc…Grey Casgrain. 9-10 janvier 2002
Chambre civile du Québec. Chambre 13.08. AZ9992
Juge François Michel Gagnon
Da mihi facta, dabo tibi jus.
(Donne-moi le fait, je te donnerai le droit.)
Le fait est simple, clair, net, précis : le 8 février 2001, à
lémission Les mots pièges », animée par Pierre Maisonneuve sur les ondes
du réseau RDI de Radio-Canada, consacrée en grande partie à ce quil est convenu
dappeler lAffaire Michaud, lintimé déclare : « M. Michaud avait le
droit de tenir des propos antisémites, jai le droit de les trouver abjects».
Que M. Angenot reconnaisse à quiconque le droit de tenir des propos antisémites,
cest son affaire. Pour ma part, je ne maccorderai jamais ce droit, ni ne
laccorderais à personne, car il est la porte grande ouverte au racisme et à la
haine.
En entendant sa déclaration sur les ondes de
Radio-Canada, je me suis senti sali, souillé, couvert de crachats et de
vomissures. Quai-je donc dit pour mériter pareil châtiment et pour être jeté
dans les poubelles de la réprobation publique ? Me découvrirais-je soudainement,
à 71 ans révolus, une vocation à lantisémitisme et au racisme ? Je suis
parrain dun garçon enfant juif, David Anselem, ma femme est marraine dune
fille juive, Caroline Guedj, les deux de familles différentes. Jhabite depuis
bientôt quarante ans dans un quartier de Montréal à prédominance juive, en
parfaite harmonie, amitié et convivialité avec mes voisins.. En cherchant bien,
comme profil dauteur de propos antisémites, on pourrait facilement trouver
mieux !
Dans le contexte de lopinion publique au Québec et au
Canada, compte tenu de luniverselle réprobation de lHolocauste nazi, accuser
un citoyen à tort et à travers davoir tenu des propos antisémites (par surcroît
sans la moindre preuve à lappui) cest le stigmatiser pour le restant de ses
jours, le couvrir dune indélébile opprobre, le brûler dun tatouage dont il ne
pourra jamais se défaire. Cest jeter son honneur en pâture à des hyènes
enragées, violer sa réputation, le livrer à des amalgames malsains et des
interprétations friponnes. « PLUS JAMAIS çA ! « Cela est intolérable et
doit cesser car violer lhonneur dun seul est violer lhonneur de tous. Avec
ses onze millions dêtres humains exterminés dont des millions de Juifs, la
Shoah est une référence sacrée de la mémoire et de la repentance universelle.
Mais ceux qui se servent de cette immense tragédie comme fonds de commerce à des
fins dexploitation politique, militaire, mercantile ou revancharde sont des
escrocs de la mémoire au même titre que les vendeurs du temple de la tradition
chrétienne.
Lors de ma prestation devant les états généraux de la langue
française, le 13 décembre 2000, (Pièce R-1) les seuls propos que jai
tenus à lendroit du peuple juif, qui plus est en présence des représentants du
Bnai Brith qui devaient me succéder à la tribune immédiatement après ma
prestation, sont les suivants, en citant Lionel Groulx (page3 .par.7). Ce
dernier incitait les Canadiens-français « à posséder comme les Juifs leur
âpre volonté de survivance, leur invincible esprit de solidarité, leur
orgueilleuse et impérissable armature morale.» Lhistorien donnait alors
lexemple du peuple juif comme modèle à suivre pour que les Québécois affirment
pleinement leur propre identité nationale, lhéritage de leur histoire, ajoutant
que lantisémitisme était une attitude anti-chrétienne et que les Chrétiens
sont, en un sens, spirituellement des sémites. » Il faut être dune
malhonnêteté intellectuelle sans bornes pour trouver dans les propos qui
précèdent la moindre poussière dantisémitisme.
Définissons les termes selon le Grand Robert : Antisémite :
« raciste animé par lantisémitisme.» Antisémitisme : « doctrine
dinspiration raciste dirigée contre les juifs.» Racisme : « hostilité
violente contre un groupe social.» Abject : « Qui inspire l’aversion, le
dégoût, la répulsion; qui attire le mépris, l’opprobre. – Abominable, bas,
dégoûtant, ignoble, indigne, infâme, infect, méprisable, odieux, répugnant,
vil.» Conclusion logique : une personne qui tient des propos abjects est un
exemple peu reluisant de lespèce humaine. Diffamation : « Action de
diffamer. Accusation, attaque, calomnie, médisance ».
–BEAUMARCHAIS, le Barbier de
Séville, II, 8.
«La calomnie, monsieur! J’ai vu les plus honnêtes gens près
d’en être accablés. D’abord un bruit léger, rasant le sol comme l’hirondelle
avant l’orage, murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle
bouche le recueille, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait;
il germe, il rampe, il chemine, et, de bouche en bouche il va le diable; puis
tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler,
grandir à vue d’oeil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe,
arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient un cri général, un crescendo
public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y
résisterait ? » .
Lors de linterrogatoire après contestation le 30 août 2001,
(R-4) je lui demande à M. Angenot sil a dit : « Monsieur Michaud avait
le droit de tenir des propos antisémites ; jai le droit de les trouver
abjects », lintimé répond ( p-5-.80) : « Cest exact, jai dit quelque
chose en tout cas comme ça à un mot près… » «Quelque chose en tout cas
comme ça à un mot près »…Une réponse pour le moins étonnante ! Ma requête en
réclamant de dommages et intérêts pour diffamation lui a été signifiée le 21
mars 2001. Six mois se sont écoulés avant que je linterroge. Il a certainement
visionné pendant cette longue période, lenregistrement de lémission et les
mots quil a prononcés. Sa réponse en guise de défense, est cousue de fil blanc,
comme sil voulait a posteriori, atténuer, gommer, amoindrir, rendre anodin,
léger ou inoffensif le libelle, grave, diffamatoire et calomniateur de dire de
quelquun quil « avait tenu des propos antisémites et quil avait le
droit de les trouver abjects ». Il est faux de prétendre quune telle
calomnie constitue un « commentaire loyal » au sens de la loi. Au Québec comme
ailleurs, la niaise et destructrice « rectitude politique » fait ravage et
corrompt le débat public. La rectitude politique est un virus malsain et putride
qui empeste la sphère politique. Au seul prononcé du mot « juif », les premiers
ministres ont peur, les ministres ont peur, les députés ont peur, les gens de
robe ont peur, le commun des mortels a peur. Par les temps qui courent, la
moindre allusion, la moindre remarque, fut-elle élogieuse, devient suspecte,
voire prétexte à des accusations dantisémitisme ou à des allusions vicieuses
« rattachées » à de lantisémitisme.
Les exemples foisonnent de ce type damalgame dans la
déposition de M, Angenot suite à lInterrogatoire après contestation du 30 août
2001 :
(Page 30-ligne 712) : Dans linterrogatoire de M.Angenot,
son procureur déclare et je cite : « Dire que les Juifs ont leur état en
Israël, ça peut être de lantisémitisme ? » Je lui demande sil partage
cette opinion ? Réponse : « Oui, je le pense. Je pense que ça peut lêtre.
ça peut lêtre» . Je reste pantois devant une telle énormité. à ce compte,
tout est antisémite !
(Page 35-ligne 857) Après que jeus dit :
(page-34-ligne 833) : « Le peuple juif nest pas le seul au monde à avoir
souffert dans lhistoire de lhumanité », lintimé répond : « Le propos
« vous nêtes pas le seul à voir souffert » permet des interférences
extrêmement fâcheuses parce quil entre dans une certaine connivence avec les
propos révisionnistes et négationnistes qui empuantissent latmosphère… »
(page-35-ligne 866) : « Jean Daniel, de confession juive,
directeur du Nouvel observateur, déclare et je cite : « Ce nest pas parce
que lon est obsédé par leffroyable Shoah que lon peut négliger les autres
génocides et permettre à un peuple den opprimer un autre.» Est-ce que
vous êtes choqué par cette affirmation ? Réponse : Je ne suis pas
nécessairement choqué par cette affirmation. Mais vous lavez été dans le
cas de la mienne ? Réponse : « Je lai été dans le cas de la vôtre. Il ny
a aucun doute. Cette affirmation, néanmoins, consiste à un potentiel, si vous
le voulez, de dérapage qui justifierait dêtre légèrement (sic)
suspicieux à son égard… »
(page 36- ligne 888) : Le Halifax Daily News du jeudi
quinze (15) octobre 1992 rapporte les propos suivants de Lucien Bouchard : « Like
Jews, Quebecers have been confined to a ghetto and excluded from international
life because they dont have their own country « , Bouchard said in an
adress in French and English to about 50 Jewish community leaders ».
Question: Est-ce que vous estimez ces propos antisémites, est-ce quils
seraient en légère suspicion de connivence avec les propos négationnistes et
révisionnistes ? Réponse : « Exactement M. Michaud, jai le droit à mes
certitudes et à mes convictions politiques, certains propos peuvent me
paraître déplaisants et les propos que vous me rapportez de M.Bouchard
entrent dans cette catégorie». On notera que pour avoir dit
substantiellement la même chose , M. Angenot trouve les propos de M. Bouchard
« déplaisants », et les miens antisémites !!!
(page 43-ligne 1085) : à la suite dune entrevue qui vous a
été faite par Jonathan Key du National Post le 14 avril 2001, vous avez
déclaré et je cite : « Parmi les remarques impliquées de Monsieur Michaud,
all of them had bizarre things to say about Jews and, as far as I am
concerned, all the obsessional remarks have « antisémitic overtones.
Traduction littérale : («sous-entendus » antisémites») . « Choses bizarres
à propos des Juifs, remarques obsessionnelles, sous-entendus antisémites ?,
où sont les preuves de pareilles iniquités ? Lintimé ne peut en apporter
aucune.
Les propos de lintimé procèdent dun maccarthysme à létat
pur : il ny a pas de différence entre « Vous êtes un communiste !
des années cinquante, ou de nos jours, « Vous tenez des propos
antisémites ! » laissant perfidement entendre que vous êtes insensible à
lune des plus grandes barbaries de lhistoire de lhumanité. Dans les
deux cas, ce genre danathèmes a vu des vies brisées, des suicides, de vieilles
amitiés rompues, la personne visée tomber en disgrâce, ses proches, femme,
enfants, petits-enfants, en proie à linquiétude et au chagrin. « Ma femme ma
accompagné pendant plus de cinquante ans au cours dune vie consacrée la plupart
du temps, jose lespérer non sans une certaine dignité, au service public et à
la patrie, si jose encore employer un mot presque tombé en désuétude et suspect
de « racisme » dans les milieux de la « bien-pensance » et de la rectitude
politique. Ma femme se relève de dix longs mois dun mal de lâme, à la
périphérie dune dépression nerveuse dont on connaît encore mal les séquelles
qui sensuivront. Je me rends bien compte que sa douleur, le chagrin de mes
proches, objets de remarques désobligeantes, de même que mon honneur entaché
sont bien peu de choses si on les compare aux souffrances des hommes, des
femmes, des enfants, des peuples et des nations ou avec le souvenir lancinant
des actes de barbaries dont eux-mêmes ou leurs ascendants ont été victimes. Pour
tout dire, je me sens un peu égoïste, dans le malheur des temps qui accable
lhumanité et le vacarme du monde en ce début de siècle, de saisir la justice du
fait que mon honneur a été violé. Mais il est la chose la plus précieuse que je
possède, exception faite de lamour des miens et de rares amitiés qui nont
jamais été trahies. Après tant dannées durant lesquelles je crois avoir
consacré mes énergies au bénéfice des mes concitoyens, je veux mon honneur sans
tache, propre, immaculé, intouchable, dans létat quil était le 14 février 2000
alors quen présence de plusieurs centaines dinvités, dont le premier ministre
Lucien Bouchard, le vice-premier ministre Bernard Landry, plusieurs ministres du
cabinet et députés, lon me rendit un témoignage émouvant en reconnaissance de
ce que les organisateurs de la manifestation qualifiaient de « cinquante
années de ma contribution exceptionnelle à la vie publique québécoise.»
(Pièce R-7) . Dans la célèbre trilogie de Marcel Pagnol, César dit à son
fils Marius : « Petit, lhonneur cest comme les allumettes, ça ne sert
quune fois.» Jaurais, à la limite, passé la calomnie de lintimé à profits
et pertes sil avait accepté de retirer ou corriger ses propos outrageants ainsi
que demande lui fut faite, mais il nen eut cure (Pièce R-2). M. Robert
Libman, directeur régional (sic) au Québec du BNai Brith, (organisme qui na
pas la prétention de représenter la totalité de la communauté juive), avec
lequel je suis en délicatesse depuis que son organisme a demandé à la mairie de
Montréal de débaptiser la station de métro Lionel Groulx et sommé M. Bouchard de
barrer la route à ma candidature appréhendée dans Mercier en me qualifiant de
«dinosaure», a eu au moins lélémentaire décence de remettre les pendules à
lheure dans lhebdomadaire VOIR du 7 mars 2001 (Pièce R-8). Que lon ne
sy trompe pas. Il y a un abîme de différence entre sionisme et antisémitisme.
Le sionisme est un « mouvement politique et religieux visant à
létablissement dun état juif (la Nouvelle Sion) en Palestine». (Grand
Robert) . Le débat se poursuit autour de cette question depuis plus dun siècle
au sein même de la diaspora juive. Lantisémitisme, pour sa part, est « une
doctrine dinspiration raciste dirigée contre les Juifs » (Grand
Robert). En toute logique, lorsquune personne tient des propos antisémites,
elle est de facto raciste ou présumée lêtre. Les propos de M. Angenot
minscrivent dans cette catégorie de personnes qui se nourrissent de haine et de
préjugés. Ce type de propos dune extrême gravité est dénoncé éloquemment par
nul autre que le président du BNai Brith au Canada, M. Stephen Scheinberg, qui
déclarait à The Gazette, (19 septembre 1997, page A-12) : « Calling your
opponents undemocratic is bad enough but the charge or racism not only escalates
the rhetoric but creates a potentially dangerous social and political
atmosphère. Scheinberg said that they have reserved the use of the word (
racism) for real extremists like Zundel and Raymond Villeneuve because it is
the nuclear weapon in the vocabulary of the 1990s".
Doù la gênante nécessité dans laquelle je me retrouve
aujourdhui de vous prier, monsieur le juge, que justice me soit rendue et que
mon honneur soit, de manière irréfragable, lavé de tout soupçon. Si cela ne
devait pas être, je serais condamné à écouler le restant de mes jours avec mes
vieilles peines et le souvenir écorché dune injustice qui aura assombri les
derniers moments de mon existence. Tout cuirassé et blindé que je sois face à la
cruauté et à la méchanceté des acteurs et commentateurs de la vie politique,
dont lintimé est une figure de proue, il nest pas une journée sans que ses
propos du 8 février 2001 affadissent mes jours : « Il avait le droit de tenir
des propos antisémites et jai le droit de les trouver abjects »,
cest-à-dire, je le répète, qui inspirent l’aversion, le dégoût, la répulsion,
qui attirent le mépris, l’opprobre, abominables, bas, dégoûtants, ignobles,
indignes, infâmes, infects, méprisables, odieux, répugnants, vils.» Moins sans
doute que M. Angenot, trois décennies de pratique du métier de journaliste, de
sujétion à une grande monarque, Sa Majesté la langue française qui ne rend pas
la justice mais la justesse, mont quelque peu familiarisé avec la valeur et la
signification des mots.
Qui plus est, ma femme et moi avons vu, de nos yeux vus en
1959,dans son état originel, le camp de concentration de Dachau dans la banlieue
de Munich, transformé depuis en mémorial aseptique, difficilement évocateur de
la réalité de ce lieu infernal. Les dizaines de personnes à qui nous avons
demandé la direction du camp ne savaient pas, comme par hasard, où il était
situé ! Cest grâce à un soldat américain au volant dune jeep, interpellé sur
la route, qui nous fûmes conduits sur les lieux par une journée de ciel chagrin,
plus réaliste encore que le film dAlain Resnais, Nuit et brouillard.
Nous avons vu de nos yeux vus, les chambres à gaz dont les murs et les plafonds
à hauteur dhomme étaient striés par les ongles des condamnés, les fours
crématoires dans lesquels reposaient les restes des cendres des suppliciés, les
civières de fortune servant à sortir les cadavres, les fils barbelés et les
miradors installés par les SS. Encore aujourdhui, comme si cétait hier, plus
de quarante ans après cette visite macabre, il me revient lodeur étrange, âcre,
indéfinissable, qui enveloppait cet indescriptible lieu de massacre conçu par
des êtres humains pour programmer lextermination de millions dautres êtres
humains. Après avoir vu cela et en garder le souvenir impérissable, personne, et
celui qui vous parle plus que quiconque, ne peut être antisémite ou prononcer
des propos antisémites
Lintimé nest pas un ignorantin, sûrement pas un plaisantin
qui laisserait échapper des mots ou des expressions qui dépasseraient sa pensée
ou formulés à la légère dans le feu dune discussion échevelée. M. Angenot
connaît mieux que quiconque au Québec, voire au Canada, le poids des mots et
leur signification. Cest un éminent chirurgien de la langue et du discours
ainsi quen témoigne à lenvi les 10 pages de son curriculum vitae : il occupe
la Chaire James McGill de lettres françaises à lUniversité McGill de Montréal ;
il dirige avec Régine Robin le Réseau danalyse des idéologies et cultures
contemporaines ; détenteur dun doctorat de sémiotique (Théorie générale des
signes et des processus signifiants du langage) de lUQAM ; ancien président de
lAssociation canadienne de sémiotique, auteur de nombreux ouvrages ou articles
sur le discours politique ou social, expert invité à ce titre à témoigner devant
les tribunaux, bref, tout ce qui est discours, parole, mot et assemblage de mots
ne lui sont étrangers. Dans sa bouche, chaque phrase est pesée sur une balance
dapothicaire au milligramme près.
A la question que je lui pose ( page.7-ligne 115), «
Vous dites ignorer que jai tenu des propos antisémites ? », il répond (page
7- lignes 118 à 127) : « Je pense que quand je me suis exprimé, le 8 février,
il était de notoriété publique que les propos que vous avez tenus au
cours du mois de décembre avaient été associés à de lantisémitisme par
une demi-douzaine de vos amis politiques, membres du Cabinet, notamment et une
autre demi-douzaine, de journalistes et de chroniqueurs. Il ne mappartenait
pas, personnellement, le 8 février, de révéler soudainement quelque chose qui
naurait pas été dit, cétait absolument notoire. » Les
grands mots sont lâchés, habillés délégance académique. Il était «absolument
notoire» en 1894 quAlfred Dreyfus était coupable. Tous lavaient condamné : la
hiérarchie militaire du temps : les généraux Mercier, Billot, Boisdeffre,
Gonse, le commandant Ravary, le colonel Du Paty de Clam, ces noms sont familiers
à lintimé; par leur silence coupable les quelque 500 députés de lAssemblée
nationale française étaient, eux-aussi unanimes à condamner Dreyfus, jusqu`à ce
que tardivement, la grande et magnifique voix de Jaurès claironne le grand mot
de justice dans lhémicycle de la liberté. Chorus aussi de la presse française,
folliculaires et lanceurs de boue de la presse de droite et mutisme gêné de la
presse de gauche, pour condamner le mort-vivant qui croupissait depuis quatre
ans à lIle du Diable, jusquà ce que la coquine unanimité et lingrate
« notoriété publique » fussent brisées par ce qui est devenu lun des plus
grands moments de lhistoire de la conscience humaine, le 12 janvier 1898 :
JACCUSE !, de émile Zola., publié dans lAURORE de Georges Clémenceau.
« Cétait absolument notoire ! » Cette
référence tient lieu de défense de lintimé qui y revient à plusieurs reprises
dans sa déposition. Comme si laddition de cent neuf (109) erreurs pouvait faire
une vérité, comme si légarement de législateurs qui ont confondu tribune et
tribunal, Justice et justice dexception, droits de létat et état de droit,
étaient parole dévangile ; comme si un chapelet de calomnies pouvait autoriser
quiconque à les répéter devant cent mille auditeurs et auditrices sur les ondes
hertziennes de la télévision détat. Quun grand universitaire appelle la rumeur
de la rue à sa rescousse, quil invoque la «notoriété publique», cette gueuse
toujours prête à se faire la complice des dénis de justice, des colportages
mensongers et de la raison détat, voilà qui passe lentendement.
Ce nest pas le lieu ici de traiter dune affaire dont tous
les tenants et aboutissants sont expliqués avec force détails dans ma lettre du
31 décembre 2000 au premier ministre dalors, M. Lucien Bouchard (Pièce R-9).
Affaire qui connaîtra son dénouement, ou à lAssemblée nationale saisie en tant
que telle le 13 décembre 2001, de ma pétition (Pièce R-10) pour
redressement de grief en vertu de larticle 21 de la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, ou à défaut de redressement de sa part, une
autre Cour de justice sera appelée à se prononcer sur la légalité et la
constitutionnalité de la motion de blâme quelle a votée le 14 décembre 2000 à
légard dun citoyen. Il sagit, soit dit en passant, dun cas unique et sans
précédent dans lhistoire du parlementarisme des démocraties modernes, tel que
confirmé par le leader du gouvernement à une réunion de la Commission de
lAssemblée nationale le 30 août 2001.*
Lintimé admet donc ouvertement que sa déclaration du 8
février ne repose sur aucun texte précis, aucune formulation exacte du
plaignant, mais sur des oui-dire, des « oui-entendus », des commentaires de
journaux, des déclarations malfaisantes de politiciens ou autres imprécations de
même farine. La Cour appréciera le bien-fondé dune défense aussi poreuse que
fragile. Je suis à la recherche, pour ma part, de la nature exacte et précise
des propos qui ont été à lorigine de la motion de blâme du 14 décembre 2000.
Jai écrit le mercredi 14 mars 2001** à chacun des cent neuf (109)
députés qui ont voté la motion en leur demandant la teneur exacte des
propos incriminés, soi-disant condamnables. Je nai reçu à ce jour, omerta
parlementaire sévissant, pas une seule réponse de la part des destinataires de
mon message.
A lintimé lui-même, jai posé la même question : ( page-10-
ligne191) : « Lorsque vous avez affirmé à lémission que, et je cite, « Javais
le droit de tenir des propos antisémites. Pouvez-vous me citer la
teneur exacte de ces propos ? Réponse : ( Page 10-lignes 198 à 217) : « Jai
dit que vous aviez le droit de le faire et jai dit que javais le droit de les
qualifier. Jai lu comme tout le monde dans les journaux au mois de décembre et
de janvier un très grand nombre de « transcriptions » de propos que vous auriez
tenus dans leur émission de radio».
Q- Et leur teneur exacte ? demandai-je une fois
plus .
Me Julius Grey :
Q « Vous ne pouvez demander à quelquun de connaître vos
remarques par coeur ».
Réponse de M. Angenot : « Mais si le Tribunal me
demande de faire une analyse, avec, si possible les textes sous les yeux des
propos de monsieur Michaud tels quils ont été rassemblés et en quelque sorte
résumés, notamment par les journaux, dans le cours du mois de décembre et de
janvier, cest une chose que je ferai volontiers mais je ne peux le faire ici,
je ne les ai pas les textes ».
La réalité dépasse la fiction. Lintimé attend un ordre de la
Cour pour dire en quoi mes propos étaient antisémites. Plus de huit mois après
le déclenchement de la ténébreuse Affaire qui porte mon nom , malgré tout ce qui
a été publié et rapporté, malgré la requête qui lui a été signifiée des mois
avant sa déposition du 30 août 2001, lintimé affirme quil na pas les
textes. Il prendra connaissance des textes si le Tribunal lui demande
den faire une analyse ! M. Angenot confond les genres : tout spécialiste du
discours quil prétend être, il nest pas devant cette Cour en qualité dexpert
mais mis en cause et intimé dans une requête en réclamation de dommages
et intérêts pour diffamation. Il ajoute avec superbe ( page-11, ligne 233)
en minterpellant comme si mon intelligence était diminuée : « Je crois que
vous ne comprenez pas ce que jai dit et je ne tiens pas à vous favoriser le
détournement de procédure( sic), la procédure extravagante que vous faites
contre moi. » M. Angenot qualifie de « détournement de procédure et
extravagante », le droit inaliénable dun citoyen dont lhonneur et la
réputation ont été souillés par des propos jugés par lui diffamants, dobtenir
réparation. La Cour appréciera ce genre de faux-fuyant et desquive dont
lintimé nest pas avare en réponse aux questions précises que je lui ai posées
et aux réponses floues quil apporte : à titre dexemple ( page 12- ligne 253)
lintimé déclare que jai tenus des propos « rattachés » à de
lantisémitisme. Tiens, tiens ! ce ne sont plus des propos antisémites que jai
prononcés mais des propos « rattachés ». Où, quand, comment, par qui, par
quelle preuve, mystère et boule de gomme ! On ne le saura jamais à moins que la
Cour linstruise de préciser sa pensée. Le reste est à lavenant. La déposition
de M.Angenot fourmille daffirmations vagues à souhait, floues, imprécises, de
cabrioles linguistiques; il se réfugie dans un monde imaginaire, virtuel, dans
lequel les mots ne sont que des hypothèses, des ersatz de la réalité, du droit
et des faits. Je ne lui ai pas demandé de rédiger une thèse de doctorat. Je lui
ai simplement demandé la nature précise et exacte des propos que jaurais tenus
pour justifier quils étaient « antisémites » et à partir desquels il sarroge
le droit de les trouver «abjects.» Un point, cest tout. «Ce qui se conçoit
bien sénonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément»,
écrivait le célèbre fabuliste dans son Art poétique.
(Page13-ligne 286) : « Je me donne le droit quand vous
tenez des propos qui choquent lunanimité ou presque (sic) des
citoyens de cette province, je me donne le droit de les qualifier. »
(Page-14- ligne 316) Question du plaignant : « Vous avez
parlé dunanimité des citoyens de cette province… »
Me Julius Grey : « Je pense, monsieur Michaud, il faut
faire attention il avait dit quasi-unanimité.
(Page15-ligne 321) R- Oui, jai dit quasi- unanimité.
(Page 16-ligne 350) : « Néanmoins, je maintiendrais lidée
quasi- unanimité mais cest une idée un peu vague qui a lieu à la manière dont
je déchiffre lopinion publique au Québec. » Drôle dunanimité faite dune
brochette de chroniqueurs, de politiciens rendus aphones par la discipline de
parti, en comparaison des quelque cinq mille citoyens et citoyennes qui ont
signé une pétition*** me pressant dexiger réparation de lAssemblée
nationale, dun manifeste de plus de trente intellectuels publié dans Le Devoir
et appuyé par des centaines de signataires, des représentants dassociations et
dune centrale syndicale parlant au nom de plus dun quart de million de
Québécois et de Québécoises. (Pièce R-11) .
Me Julius Grey
(Page16-lignes 360 à 366): « Je mobjecte, monsieur
Michaud. Monsieur Angenot vous a dit, il na pas nécessairement trouvé vos
propos abjects. Il sest donné le droit de les trouver abjects, il y a
une différence. Ce sur quoi il a insisté, cest votre droit de tenir des
propos très forts et son droit de les trouver abjects. Il na pas
nécessairement voulu dire : « Je lai fait ». à la lumière des
remarques du procureur de lintimé, toute personne qui a une connaissance
minimale de la langue française aura compris que M.Angenot ne la pas fait,
cest-à-dire quil na pas trouvé mes propos abjects. Si cest le cas, quil le
dise clairement. Décidément, une chatte ne retrouve pas ses petits dans cet
embrouillamini de déclarations confuses et incompréhensibles. Comprenne qui
pourra dans ce tissu de contradictions. à la page (12 ligne 256), lintimé
contredit son procureur en me disant : « Vous semblez choqué par ladjectif
abject. Je lavais pris dans une intention tout à fait pédagogique (sic).»
Donc, aveu on ne peut plus clair quil a qualité mes propos dabjects, « dans
une intention pédagogique (sic)». Au reste, que diable ! vient faire
la pédagogie dans cette affaire ? à quelle définition du mot pédagogue veut-il
se référer : « Personne qui se mêle de critiquer ou de régenter la vie privée
dautrui » (Littré) ; « Personne qui fait étalage de son érudition »
(Littré) ; «Qui a pour fonction déduquer, dinstruire un enfant » (Grand
Robert).
Laveu est encore plus explicite à la réponse quil donne à
une question que je lui pose ( page18- lignes 412 à 421) : « Est-ce que vous
avez déjà par la parole ou par lécrit accusé quelquun, exception faite du
requérant que je suis, de tenir des propos antisémites ou davoir le droit de
ternir des propos antisémites et de les avoir trouvé abjects ? Réponse : « Pas
des vivants, à ma connaissance.» Question : Donc, je suis unique, je
suis le seul…Réponse : « En tant quêtre vivant, oui, cet certain… »
Alors que le Congrès juif du Canada recense chaque année la
moindre publication, parole, acte ou déclaration antisémite ou quil juge
soupçonnée de lêtre, quil condamne avec raison toute forme réelle de
révisionnisme ou de négation de lHolocauste, lintimé ne dit mot à lendroit
des personnes vivantes mises en cause.. Alors que dans le monde, des leaders
politiques dextrême droite ou des philosophes et écrivains de même exécrable
engeance considèrent, comme le leader du Front national en France, (toujours de
ce monde, candidat à la prochaine élection présidentielle française) que les
chambre à gaz sont un «détail » de la seconde guerre mondiale ; alors que
dautres vont jusquà nier lexistence des fours crématoires, lintimé nélève
toujours pas la voix à légard de ces personnes vivantes, bien que sa
connaissance du dossier de lantisémitisme en France est profonde, comme il le
déclare ( page 52- lignes 1333 à 1337) : « Jai travaillé sur lhistoire de
lantisémitisme en France et je connais assez bien les ouvrages qui portent sur
lhistoire de lantisémitisme au Québec et au Canada français en général et au
Canada anglais aussi bien… » Fort de cette connaissance encyclopédique,
lintimé affirme que je suis le seul être vivant à voir été lobjet de
ses foudres et de sa réprobation pour des propos dont il ne peut par ailleurs
citer la teneur exacte. Jai longtemps cherché une explication logique à ce
traitement aussi singulier quexceptionnel et je crois lavoir trouvée dans une
entrevue quil accordait au journal Le Devoir des samedis 20 et dimanche 30
septembre 2001 et dans laquelle il déclarait : « Je ressens une hostilité
de nature, et espérons de raison, aux pensées communautaires et identitaires
dans tout son éventail, de Charles Taylor à Yves Michaud inclusivement ».
ROBERT définit lhostilité par « haine, malveillance, disposition
sourde entre deux personnes. Le synonyme est « viscérale », du latin
visceralis (profond) dont le même dictionnaire donne la définition
suivante : profond, intime, inconscient, (opposé à réfléchi, raisonné.
éprouver une répulsion, une haine viscérale pour qq. » Cela ressemble fort,
où jy perds mon français, à la définition de la « malveillance » définie par la
Cour suprême du Canada dans la cause Hill c. église de scientologie de Toronto
1995 2. R.C.S. ( page 37-145) : « Ordinairement, la malveillance sentend dans
le sens populaire de la rancune ou de lanimosité. Toutefois, elle comprend
également, comme le juge Dickson ( plus tard Juge en chef) la souligné en
dissidence dans Cherneskey, précité, à la p. 1099, « tout motif indirect
ou caché » qui entre en conflit avec le sens du devoir ou de lintérêt mutuel
que loccasion a créé. Voir également Taylor c. Despard, (1956) O.R .963
(C.A.). « On établira également la malveillance en démontrant que le défendeur a
parlé avec malhonnêteté, ou au mépris délibéré ou indifférent de la vérité. Voir
McLoughlin, précité, aux pp.323 et 324, et Netupsky c. Craig,
(1973. R.C.S. 55, aux pp.61 et 62 ». « Sil est vrai, lit-on dans larrêt
( p.42- 170), que lintention véritable de diffamer nest pas nécessaire pour
déclarer le défendeur responsable, la publication de la déclaration diffamatoire
permet néanmoins de déduire lexistence de cette intention. Cela donne naissance
à la présomption de malveillance… « La liberté de parole,
affirme la Cour suprême, (p.36- 138), comme toute autre liberté, est
assujettie à la loi et doit être mesurée ne regard de la nécessité essentielle
pour les individus de protéger leur réputation. Les termes du juge Diplock dans
Silkin c. Beaverbrook Newspapaers Ltd., (1958) 1 W.L.R. 743, aux pp. 745 et 746
méritent dêtre répétés : (Traduction) Comme toute autre liberté
fondamentale, la liberté de parole sexerce en vertu du droit; au fil des ans,
le droit a maintenu un équilibre entre, dune part, le droit de la personne (…),
quelle mène une vie publique ou non, à une réputation intacte… » Lon
revient à la « Déclaration des droits de lhomme et du citoyen, décrétée par
lAssemblée nationale (française) dans les séances des 20,21,23,24 et 26 aoûst
(sic) 1789, acceptés par le Roi » : X1 : «La libre communication des pensées
et des opinions est lun des plus précieux de lhomme; tout citoyen peut donc
parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de labus de cette
liberté dans les cas prévus par la loi» . Il y a eu, à lévidence, abus
grave de cette liberté de la part de lintimé, comme je lespère lavoir
amplement et abondamment démontré devant cette Cour.
Pour toutes les raisons que je viens de citer, lheure
nest-elle pas venue de la réparation ? Et jespère quelle ne viendra pas à
titre posthume ! Je ne suis pas excessif, loin de là, dans ma réclamation de
dommages moraux et exemplaires à lencontre de laccusation fausse et diffamante
de lintimé portant atteinte à ma réputation.
Dans la cause Parizeau c. Lafferty, Harwood & Parners
Ltd ( C.S. Montréal, 500-05-002501-938), C.A.M. 500-09-009510-009 le
juge Luc Lefebvre condamne les défendeurs à payer à MM. Jacques Parizeau et
Lucien Bouchard 10,000 $ chacun à titre de dommages non pécuniaires pour
atteinte à leur réputation et 10,000$ chacun à titre de dommages exemplaires.
En janvier 1993, dans une circulaire envoyée à leurs 275 clients les
défendeurs avaient fait un rapprochement entre laction politique de MM.
Parizeau et Bouchard et celle de Hitler. Le premier était alors chef de
lOpposition à lAssemblée nationale du Québec et le deuxième, chef du Bloc
québécois à la Chambre des communes du Canada. « Les propos tenus par le
défendeur sont mensongers et diffamatoires, écrit le juge Lefebvre. Il
na pu fournir dexemple concret permettant de justifier ses comparaisons et
ne citer aucun fait établissant que les demandeurs défendaient des principes
antidémocratiques ou racistes, Le défendeur a tort de prétendre quil na pas
comparé les hommes, seulement leurs politiques. Les défendeurs ne peuvent se
soustraire à leurs responsabilités en invoquant la défense de commentaire
loyal. » Dans la cause en référence MM. Parizeau et Bouchard remplissaient
des mandats publics que leur avait confiés le suffrage universel. Au moment où
je fus lobjet des propos diffamants du défendeur, je suis et est encore
simple citoyen, retraité, investi daucune charge publique, ce que paraît
contester le défendeur, comme si la notoriété conférait la qualité dhomme
public. Et quand cela serait, ce qui nest pas, il faut prendre connaissance
de ce quécrit le juge René Hurtubise dans son jugement de laffaire
Centre de psychologie préventive et de développement humain
G.S.M, inc c. Imprimerie populaire ( Cour supérieure de Montréal
500-05-014125-940 ) : « Si les personnages publics peuvent sattendre à
être plus souvent attaqués que dautres et si la mesure de tolérance à
linjure doit, dans leur cas, être plus large, cette mesure nest toutefois
pas sans limite. En ce qui concerne les dommages, la réputation du demandeur
était bien établie et cétait un homme connu et respecté tant au Québec quà
létranger. Larticle a été publié dans un journal tiré à 26,000 exemplaires.
Le demandeur a été ébranlé, il sest senti trahi et humilié, tant
personnellement que professionnellement, recevant un message raciste. Le
demandeur a droit à 25,000 $ de dommages moraux.»
Léditorialiste du journal Le Soleil, J.Jacques Samson,
abondait dans le même sens, lundi de cette semaine, le 7 janvier 2002 : « Avant
dêtre des personnalités publiques, les hommes politiques sont des citoyens,
avec les mêmes droits que tous à lhonneur et à la réputation. Lopinion
publique ne tolère plus que les parlementaires utilisent linstitution où ils
siègent pour régler leurs comptes. Le blâme adressé à M. Yves Michaud par un
vote aveugle des députés la bien montré ». à fortiori, lorsque
lhonneur et la réputation dun simple citoyen qui noccupe aucune charge
publique sont mis en cause, que ce soit par des parlementaires ou dautres
citoyens.
Dans Le Devoir inc. C. Centre de psychologie préventive
et de développement humain G.S.M. Inc. ( 1999) R.R.A 17, à la p.25,
La Cour « sappuie entre autres sur lextrait suivant de louvrage des auteurs
Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers (La responsabilité civile) 5e
ed., Cowansville, Yvon Blais 1998, traitant de la nature du recours en
diffamation( pp.3010302) : 476(-Nécessité dune faute). Pour que la
diffamation donne ouverture à une action en dommages-intérêts, son auteur doit
avoir commis une faute. Cette faute peut résulter de deux genres de situation.
La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec
intention de nuire, sattaque à la réputation de la victime et cherche à le
ridiculiser, à lhumilier, à lexposer à la haine ou au mépris du public ou
dun groupe. La seconde résulte dun comportement dont la volonté de nuire est
absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation
de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie,
Les deux constituent une faute civile, donnant droit à réparation, sans quil
existe de différence entre elles sur le plan du droit. En dautres termes, il
convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et
dabandonner résolument lidée fausse que la diffamation est, seulement le
fruit dun acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.
Dans la cause Hill c. église de scientologie de Toronto,
pourvoi à lencontre dun jugement de la Cour dappel de lOntario ayant
confirmé un jugement ayant condamné les appelants à verser des
dommages-intérêts pour libelle diffamatoire. Rejeté, La Cour suprême du
Canada ( Ont) 24216, Juges La Forest, LHeureux-Dubé, Gonthier, Cory,
McLachlin, Iaccobuci et Major, (1995) 2 RéC.S.1130, J.E. 95-145, a défini
les grands principes en matière de droits et libertés, de diffamation, de
common law, de conformité avec la Charte canadienne des droits et liberté, de
dommages exemplaires et punitifs :
« La réputation est un aspect intégral et fondamentalement important de tout
individu ; la protection de la réputation est dimportance vitale . Bien
quelle ne soit pas expressément mentionnée dans la charte, la bonne
réputation de lindividu représente et reflète sa dignité inhérente, concept
que sous-tend tous les droits garantis par la charte. En outre, la réputation
est étroitement liée au droit à la vie privée, qui jouit dune protection
constitutionnelle. Le droit de la diffamation nest pas indûment restrictif ou
inhibitif. La liberté de parole, comme toute autre liberté, est assujettie à
la loi et doit être mesurée en regard de la nécessité essentielle pour les
individus de protéger leur réputation. Dans les affaires de diffamation, la
publication même dune fausse déclaration crée la présomption quil y a lieu
normalement à des dommages-intérêts généraux. On ne devrait pas imposer de
maximum aux dommages-intérêts généraux accordés en matière de diffamation».
En conclusion, je suis las, fatigué excédé, que M.Angenot
mait accusé davoir tenu des propos antisémites, à la suite des perroquets qui
répètent cette insanité dont la source principale pourrait se retrouver
dans une douteuse manoeuvre politicienne. Je réclame justice et réparation des
atteintes portées à mon honneur et à ma réputation par les propos de lintimé,
prononcés devant une centaine de milliers dauditeurs. Nayant pas de fortune,
je ne la cherche pas, comme vous pouvez le constater au vu du très modeste
quantum des dommages réclamés. Aussi, vous ne mentendrez pas chipoter sur la
somme quil vous plaira ou non dévaluer en guise de dommages pécuniaires,
moraux ou exemplaires.
Au versant de la colline où je suis, je verrai moins
daurores se lever. Il y a moins de lendemains qui mattendent. Je souhaiterais
que ceux qui me restent à vivre soient lavés de tout opprobre, que je retrouve
mon honneur intact et ma réputation blanchie. Oserais-je le dire, monsieur le
juge, je souhaite que votre verdict fasse école, certes pour moi et les miens,
mais aussi pour éviter à lavenir que des concitoyens et des concitoyennes se
retrouvent dans la situation pénible que je vis. Le monde, à tout le moins
occidental, se sent coupable de la Shoah et lon comprend ceux et celles, dont
je suis, qui réclament que plus jamais pareille tragédie se reproduise. Aussi,
le fait dêtre associé sans preuve, de près ou de loin à ce terrible carnage,
sous le couvert davoir tenu des propos antisémites est la pire des infamies, le
plus abject des déshonneurs. Quel que soit le sort que vous ferez à ma requête,
que vous la receviez en tout ou en partie, que vous ordonniez la publication
dans les principaux journaux du Québec de votre jugement ou un texte dexcuses
de lintimé dont vous aurez approuvé la teneur, lun ou lautre à ses frais, la
réparation ne sera jamais totale : il y en aura toujours pour dire, suite à la
diffamation de lintimé, quil ny a pas de fumée sans feu, quil doit bien
avoir un fond de vérité, quen tout homme il y a un antisémite qui sommeille ou
toute autre suspicion et fadaise de même nature. Le mal est fait. La blessure se
guérira peut-être mais il restera toujours une cicatrice. à tout le moins,
jespère que vous ferez en sorte quelle sera la moins visible possible.
Yves Michaud
9-10 janvier 2002