Un p’tit coup de hache,
Et puis j’achète…
M. Jean-Marc Régnier
JMRegnier@Hachette-livre.Fr
Coordinateur éditorial
éditions Hachette (éducation)
Paris, France
Objet : « Dictionnaire Hachette encyclopédique, édition 2002, version papier »
(http://www.hachette.com/HomePageFO/francais/site/page/Frameset_Editeurs.jsp?page=manuscrit)
à la mémoire de Jeanne Hachette, résistante beauvaise –
une Madeleine de Verchères française…
Bonjour M. Régnier,Je désire d’abord porter à votre attention une paille qui s’est glissée aux pages1846-1847 de l’ouvrage. En complément aux cartes géographiques, on y présente en principe les villes principales des trois pays concernés, soit le Mexique, le Canada et les états-Unis. Or, plutôt que d’annoncer celles du Canada (dont celles du Québec), Hachette commet un doublon avec celles des états-Unis.
Je profite de cette occasion pour exprimer ma déception à l’égard de la section : «Les mots nouveaux du français vivant» (p. 1750 sv.). Décidément, c’est invraisemblable cette tendance constante en milieu francophone européen, et ce depuis plusieurs années, qui est celle d’avaliser passivement mais allègrement et massivement un grand nombre de termes angloétatsuniens, plutôt que (de) se donner la peine de trouver et/ou d’inventer et de concevoir les vocables correspondants dans la langue de Littré, Voltaire, Hugo. Et Louis-Christophe Hachette…
Il est déprimant, démobilisant, avant que d’être bientôt carrément destructeur depuis les entrailles mêmes du lexique telle une guerre intestine de la France contre son propre idiome de constater une telle paresse intellectuelle jusque dans les outils de base (on dirait ‘basiques’ [basic] chez vous) que constituent les dictionnaires usuels de la langue.
De la sorte, Hachette cautionne « officiellement » et sans détour le relâchement généralisé quant à la maîtrise véritable, efficace et authentiquement moderne d’une langue, dès lors, de moins en moins française. Attitude que du reste votre maison partage avec les autres gens du milieu (Larousse, Robert, etc.), et que je qualifie sans ambages d’irresponsable. Car ainsi que je l’écrivais il y a déjà quelques années (on me permettra j’espère l’indélicatesse de m’autociter): «Il s’agit de savoir quelle dose d’«emprunts» une langue peut encaisser sans succomber. En d’autres termes: à quel moment un gruyère devient-il une somme de trous reliés par de délicats filaments de pâte fromagée?» (http://www.vigile.net/pol/101jlg/delanguissement2.html). Or je crois qu’on en est là, très précisément. Right now.
*
Aussi, j’estime en l’occurrence qu’il s’agit moins ici d’un « français vivant », comme vous l’écrivez un peu rapidement, voire avec insouciance, qu’un français de plus en plus apathique, indolent, sinon fainéant. Incidemment, un français plus près de la tombe que des Mémoires d’outre-tombe.
Cela dit, hors cette dimension, fondamentale il est vrai, le Dictionnaire Hachette encyclopédique constitue un produit de qualité, et de surcroît, ce qui ne gâche rien assurément, distribué à un coût abordable pour le grand public.Je terminerai sur une ‘coquetterie’. Compte tenu que les Québécois restent de grands consommateurs de vos ouvrages, et singulièrement de ce dictionnaire-là (vos recettes le confirment), ne serait-il pas opportun d’y présenter le Québec de manière, disons, moins discrète ou comme "dissimulée" en quelque sorte dessous la canadian reality – et notamment dans votre cartographie…? (ce que d’ailleurs votre concurrent Larousse a fort bien saisi depuis fort longtemps). Le cas échéant, il est à parier que nos cousins de la francité – de Yaoundé à Namur et Lausanne, par le joli détour de Domrémy ou Colombey-les-deux-églises – y trouveraient également un intérêt non négligeable.
Avec le vif espoir, M. Régnier, que vous serez disposé à discuter sérieusement de ces questions avec vos collègues, membres du comité éditorial de la grande maison d’édition française, et tout particulièrement avec M. Jean-Pierre Mével, ‘grand horloger’ du DHE dont l’adrélec semble devoir demeurer un secret bien gardé.
Mes plus cordiales salutations accompagnent la présente,
Jean-Luc Gouin
Petite-Rivière-St-François
En Charlevoix, Québec
Peregrin@Q-bec.com * Et s’il faut hélas ! vraiment s’en convaincre…: « De l’aliénation comme vertu »(Le 1er juin 2002)