Assurer l’épanouissement d’une culture française
Mémoire d’Impératif français présenté à la Commission des arts, de la culture, des lettres et du patrimoine de la Ville de Gatineau
6 DéCEMBRE 2002
Introduction
Fondé il y a 27 ans, Impératif français est un organisme de production culturelle, de recherche et de communication, voué à la défense et à la promotion de la langue et des cultures d’expression française. Bien connu au sein de la Francophonie, au Québec et au Canada, l’organisme a son siège social à Gatineau. Il regroupe les amis de la langue et de la culture d’expression française désireux d’en favoriser l’épanouissement. Impératif français organise plusieurs activités ou y participe activement : la Semaine de la langue française et de la francophonie, la Francofête, la Semaine québécoise de la citoyenneté, la Semaine pour l’élimination du racisme, les grandes festivités nationales du Québec, L’Outaouais en fête, les déjeuners-causeries d’Impératif français, le Bal de l’année – la traditionnelle Fête des Rois et plusieurs autres.
Au cours des ans, par ses nombreuses interventions dans les dossiers touchant la langue et la culture, autant sur les plans local et régional, que national et international, autant sur la scène québécoise que canadienne, Impératif français est devenu un intervenant majeur dans le dossier linguistique, grâce entre autres à son site internet (www.imperatif-francais.org ) sur le thème de la francophonie.
étant donné qu’il a pris racine en Outaouais, plus particulièrement à Aylmer, d’une part, et qu’il organise des activités à caractère culturel, d’autre part, il est donc plus que normal qu’Impératif français intervienne auprès de la Commission des arts, de la culture, des lettres et du patrimoine de la Ville de Gatineau.
Située au sud-ouest du Québec, la ville de Gatineau est formée des cinq municipalités de l’ancienne Communauté urbaine de l’Outaouais : Aylmer, Hull, Gatineau, Masson-Angers et Buckingham. Sa situation géographique la particularise. Gatineau est en effet une ville frontalière à l’Ontario et excentrique au Québec ( voir La ville de Gatineau en 2026 à l’adresse https://www.imperatif-francais.org/bienvenu/articles/2002/la-ville-de-gatineau-en-2026.html ). Cette double caractéristique est en grande partie responsable de sa spécificité en matière culturelle.
être une région frontalière de l’Ontario a comme conséquence la bilinguisation et une acculturation qu’illustrent entre autres les taux décevants de diplomation et de décrochage scolaire.
être une région excentrique par rapport au Québec a des conséquences pour la ville de Gatineau et tout l’Outaouais. Même si Gatineau est la cinquième ville du Québec et sa région, la troisième région urbaine, elle est sous-équipée: institutions d’enseignement, services de santé, réseau routier, équipement culturel, etc. Ce sous-équipement explique la dépendance de l’Outaouais envers les infrastructures ontariennes, laquelle recoupe celle en matière d’emploi et oblige souvent la région à fonctionner dans une autre langue et une autre culture, au travail ou ailleurs.
Dans le secteur si névralgique de la culture, l’Outaouais ne reçoit pas la part qui devrait être la sienne. Pourtant, sa situation particulière, – elle est soumise à un bilinguisme systématique -, l’exigerait. Elle est en effet une des régions qui potentiellement en a le plus besoin.
Parmi quatre régions comparables, l’Outaouais est celle qui reçoit le moins per capita :
37 $ pour l’Outaouais (307 441 habitants), 52 $ pour la Mauricie (261 208), 57 $ pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean (278 470) et 64 $ pour l’Estrie (286 649). Le fait que l’Outaouais reçoit plus que les trois autres régions au poste «Langue française» a de quoi réjouir. Québec reconnaît que la région a besoin d’un effort supplémentaire en matière de défense et de promotion de la langue française. Mais, dans les autres postes budgétaires – bibliothèques, patrimoine, arts d’interprétation, par exemple -, l’Outaouais est en deçà de ce qu’obtiennent les autres régions. Pourtant, une langue, c’est aussi une culture. à ce titre, la ville de Gatineau doit s’impliquer en allant chercher le maximum en matière de culture et en aidant ses artistes à atteindre des niveaux de performance qui leur permettent d’obtenir leur part auprès des organismes subventionnaires des gouvernements supérieurs.
Tableau 1.6
Dépenses internes et externes du gouvernement québécois au titre
de la culture, 1998-1999.
|
Saguenay–Lac-Saint-Jean |
Mauricie |
Estrie |
Outaouais |
Bibliothèques |
6 039 600 |
6 174 400 |
7 697 800 |
3 771 200 |
Patrimoine |
5 654 600 |
2 685 500 |
3 552 000 |
1 364 200 |
Arts d’interprétation |
1 020 900 |
477 000 |
1 099 100 |
335 000 |
Arts visuels et métiers d’art |
566 900 |
529 000 |
254 800 |
622 000 |
édition |
171 100 |
431 200 |
106 700 |
108 400 |
Film |
297 200 |
553 000 |
794 900 |
259 100 |
Diffusion des télécommunications (Radio et télévision) |
434 000 |
388 900 |
505 500 |
505 900 |
Phonogramme |
2 900 |
– |
46 000 |
– |
Enseignement des arts |
1 070 200 |
951 900 |
578 900 |
890 200 |
Relations interculturelles |
– |
– |
130 700 |
110 500 |
Langue française |
224 700 |
204 300 |
1 886 000 |
2 245 800 |
Activités multidisciplinaires |
370 300 |
816 200 |
715 800 |
832 300 |
Autres |
343 900 |
255 300 |
524 000 |
413 300 |
TOTAL |
16 196 200 |
13 466 700 |
17 892 200 |
11 457 900 |
Source : Institut de la statistique du Québec, 1996.
Le contexte géoculturel de Gatineau est à prendre en compte dans l’élaboration de la politique culturelle de la nouvelle ville. En 1996, la nouvelle ville de Gatineau était à 82,9 % francophone, à 11,9 % anglophone et à 5,2 % allophone. Individuellement, chacune des anciennes villes était majoritairement francophone: 61 % pour Aylmer (33,1 % pour les anglophones et 5,9 % pour les allophones), 81 % pour Hull (9,1 % et 9,1 %), 89,3 % pour Gatineau (7 % et 3,7 %), 88,6 % pour Buckingham (10,9 % et 0,5 %), 95,6 % pour Masson-Angers (3,9 % et 0,5 %). Parce qu’elle est frontalière à l’Ontario et excentrique au Québec, Gatineau est aux prises avec un problème de concurrence culturelle qu’il serait irresponsable de ne pas considérer et dont la conséquence première est l’acculturation. Parce que l’offre de produits culturels anglais est nettement supérieure à celle des produits culturels en langue française, les francophones sont désavantagés. Comparer l’offre en ce qui a trait à la télévision et la radio, pour ne prendre qu’un produit culturel, illustre de façon patente cette disproportion.
à la lumière de ces constats qu’étaie le mémoire d’Impératif français présenté à la Commission des choix stratégiques pour l’avenir de Gatineau accessible à l’adresse Internet https://www.imperatif-francais.org/bienvenu/articles/2002/la-ville-de-gatineau-en-2026.html , Impératif français recommande que le principe porteur de la politique culturelle de la Ville de Gatineau soit la primauté de la culture francophone. Il ne s’agit pas ici, faut-il le préciser, d’une primauté de valeur. Toutes les cultures, comme toutes les langues, se valent, elles assurent toutes la communication, elles sont toutes porteuses de l’identité des groupes qu’elles représentent. Dans le contexte régional, la culture anglophone est nettement favorisée, tellement que le déficit culturel, ce n’est pas l’anglophone qui l’assume mais le francophone. Moins nombreux, ce dernier est le plus souvent bilingue, travaille fréquemment en anglais, consomme régulièrement des produits culturels de langue anglaise et, par voie de conséquence s’assimile. Mettre sur un pied d’égalité culture française et culture anglaise aurait donc comme conséquence ultime d’alourdir le bilan négatif de la culture française. La surabondance de biens culturels anglais à la portée des Gatinois et le fait qu’ils en consomment en font foi. Il n’y a pas ici refus de cette culture, mais bien plutôt un désir de rétablir un équilibre dans une situation de concurrence culturelle trop favorable à l’anglaise. Quant aux cultures des communautés migrantes, avec lesquels il n’y a pas concurrence linguistique, le principe de la primauté de la culture francophone ne vise aucunement à les ignorer. Bien au contraire, la diversité culturelle est essentielle à la vitalité de sa propre culture. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à Gatineau la culture d’accueil de ces autres cultures doit être la culture française. Si ce n’est pas le cas, si culture allophone et culture anglophone s’associent dans le jeu de la concurrence culturelle, cela vient renforcer la culture anglaise dominante au détriment de la française.
En ce qui concerne les recommandations, Impératif français préfère se limiter à celles qui touchent directement ce principe de base.
Recommandation 1
Pour assurer la primauté de la culture française sur son territoire, la Ville de Gatineau doit augmenter l’offre de produits et d’activités culturels en langue française sur son territoire.
Pour y arriver, la Ville doit diminuer au maximum le coût de l’utilisation des produits culturels dont elle est responsable, les bibliothèques publiques par exemple. Elle doit aussi parrainer des activités culturelles, incluant les fêtes et festivals, sur l’ensemble de son territoire.
Recommandation 2
Afin d’augmenter l’offre de produits et d’activités culturels en langue française, la Ville de Gatineau doit établir une politique de subventions aux organismes sans but lucratif, producteurs de manifestations et d’activités culturelles.
La Ville de Gatineau doit subventionner les organismes de production sans but lucratif. Il y a plusieurs avantages à procéder de la sorte. D’une part, une telle politique stimule la participation du milieu, non seulement du milieu de création mais également des citoyens. D’autre part, elle assure une plus grande souplesse et des coûts souvent moindres.
Recommandation 3
La Ville de Gatineau doit établir une politique de subventions aux artistes ciblant tout particulièrement les artistes émergents afin de leur permettre d’atteindre un niveau de performance susceptible de leur assurer la reconnaissance des organismes subventionnaires des gouvernements québécois et canadien.
L’obligation de cibler, entre autres, les artistes en émergence vise à donner une première chance aux artistes de la relève qui trop souvent ne réussissent pas à percer à cause du contexte géoculturel régional. Leur donner un premier coup de pouce, c’est souvent leur permettre d’atteindre une reconnaissance leur ouvrant par la suite les portes des subventions québécoises et canadiennes.
Recommandation 4
La Ville de Gatineau doit prendre des mesures pour que le maximum de l’enveloppe budgétaire octroyée à la culture aille aux artistes et aux organismes du milieu.
Cette recommandation vise à faire en sorte que l’administration municipale ne gruge pas une part trop grande du budget consenti à la culture.
La reproduction et la diffusion de ce mémoire seraient grandement appréciées. Merci !
Source :
Impératif français
Recherche et communications
C.P. 434
Secteur Aylmer, Gatineau J9H 5E7
Tél. : (819) 684-8460 ; téléc. : (819) 684-5902
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