UNE LOURDE PERTE POUR L’OUTAOUAIS

Une lourde perte pour l’Outaouais

Le 21 juin dernier, les journalistes de Voir Outaouais apprenaient que
leur hebdomadaire quittait l’Outaouais deux jours plus tard pour s’installer
en Ontario. Nous écrivons cette lettre pour déplorer la décision des nouveaux
propriétaires du journal qui, avant d’être acheté par les Communications
Voir inc
. en janvier 2001, s’appelait Zone Outaouais. Nous croyons
que ce déménagement nuira autant au journal lui-même qu’à la région.

La création de Zone Outaouais, il y a huit ans déjà, avait
bouleversé le visage culturel de l’Outaouais. Sa présence avait forcé tous
les autres hebdos à s’intéresser de plus près à la culture. Même le
quotidien Le Droit a investi beaucoup pour se donner un cahier culturel
de très grande qualité et de nombreux artistes de chez nous ont pu, pour la
première fois, avoir accès à la première page d’un journal.

Le contenu éditorial de Zone enrichissait, lui aussi, la communauté.
Tout d’abord parce qu’il existait – rares sont les médias de la
région qui osent publier des éditoriaux – puis, parce que plus à gauche et
plus centré sur le Québec, son discours détonnait dans l’univers outaouais.
Le déménagement de son successeur, Voir Outaouais, mettra fin à cette
belle aventure. Pourquoi?

Parce qu’un journal vibre au rythme des gens qui y travaillent et à celui
de la communauté qui l’entoure. Journalistes et employés sont influencés
par les préoccupations de leurs voisins, celles des passants, par la rumeur,
par ce qui se dit dans les restaurants où ils mangent, par la politique
municipale, par les gens qui s’arrêtent au bureau, etc. Changer de milieu de
vie, c’est se construire une nouvelle identité. Vous nous direz que ce n’est
pas parce que le journal aura ses bureaux à Ottawa qu’il deviendra ontarien.
Vous auriez tort. Comme le disait Pierre Bourgault dans sa jeunesse : «on
n’est pas d’où l’on vient, on est d’où l’on est rendu ». La
pression sur Voir Ottawa sera considérable pour qu’il reflète le
dynamisme de la communauté culturelle franco-ontarienne, pour qu’il s’inscrive
dans cette communauté… comme Zone l’avait fait en Outaouais. Il
serait anormal qu’il agisse autrement. L’immense vide culturel jadis comblé
par Zone réapparaîtra suite au déménagement de Voir.

Mais il y a plus. Les dirigeants de la région, notamment les élites
économiques, affirment depuis longtemps que l’absence de sentiment d’appartenance
à la région et d’identité régionale claire nuit à notre développement
économique et, surtout, à notre capacité de nous mobiliser pour défendre nos
droits face à nos voisins d’Ottawa et face aux gouvernements québécois et
fédéral. La résolution des problèmes de l’Outaouais passe en grande partie
par l’affirmation de son identité propre. Zone, par son allégeance
aux gens d’ici, à la réalité d’ici, à la culture d’ici, contribuait à
développer ce sentiment d’appartenance qui nous manque tellement. Le
déménagement à Ottawa de Voir mettra fin à tout cela.

L’Outaouais et Ottawa sont deux réalités complètement distinctes. La
rivière des Outaouais sépare deux communautés, deux provinces, deux cultures
différentes aux intérêts distincts. Les artistes, les politiciens, les gens d’affaires
des deux rives ne mènent pas les mêmes combats car ils ne jouent pas selon les
mêmes règles, n’évoluent pas dans le même environnement et ne font pas
face à des populations semblables. Voir déménage à Ottawa tout en
prétendant continuer à être de l’Outaouais : tout le monde y perdra.
Prétendre pouvoir jouer sur les deux tableaux tout en construisant l’Outaouais,
c’est refaire les erreurs du passé et perpétuer un système qui nous a
toujours nui profondément.

Nous croyions qu’en créant tour à tour Voir Québec et Voir
Outaouais,
Communications Voir inc. voulait jouer un rôle de moteur
culturel à la fois local et national. Nous nous attendions à ce que l’entreprise
montréalaise ait une grande sensibilité aux besoins de notre région ; elle
semblait porteuse d’un idéalisme qui s’opposait à une simple vision
mercantile des affaires. Peut-être avions-nous tort, ou, plus simplement,
peut-être que, en toute bonne foi, les dirigeants de Communications Voir
ignoraient les besoins réels de l’Outaouais. Peu importe, les locaux de Voir
Outaouais
sont vides.

Nous tenions à déplorer publiquement la disparition de Voir Outaouais.
C’est une lourde perte pour la région.

Christine Beaulieu, journaliste, Voir Outaouais
Charles Gagnon, journaliste, Voir Outaouais
Julie Carrière, directrice intérimaire, Service des arts et de la culture,
Ville de Hull
Lise et Charles Castonguay, citoyens
Patricia Couture, journaliste, Voir Outaouais
Mario D’Eer, ancien collaborateur à Zone Outaouais
Alain d’Entremont, président, d’Entremont événements
Jacques Gauthier, écrivain
Pauline Joly, réviseure
Patrick Milot, coordonnateur, Baccalauréat international, Petit Séminaire de
Québec (campus de l’Outaouais)
Maxime Pedneaud-Jobin, ex-journaliste, Voir Outaouais
Jean-Paul Perreault, Impératif français
Geneviève Picard, ex-journaliste, Voir Outaouais
Claude Rochon, journaliste, Voir Outaouais
Vincent Théberge, artiste
Christine Théoret, ancienne collaboratrice à Zone Outaouais
Françoise Trudeau-Reeves, cofondatrice et première rédactrice en chef de Zone
Outaouais

Info : Maxime Pedneaud-Jobin (613) 562-5800, poste 1589 ou encore (819)
743-2492.



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