SUR LE NATIONALISME CIVIQUE
Sommes-nous en train de collaborer à notre propre exclusion ?
Les textes de M. Gagnon et Létourneau parus le lundi 15 janvier dans Le
Devoir sont assez symptomatiques de ce que nous aurons à subir dans les
mois qui viennent. On va nous parler à satiété du concept de
nationalisme inclusif. Jai parfois limpression dassister en direct à
une affaire Sokal de la politique, au Québec, où on parle de grands
thèmes de façon si générale quil est alors permis de trouver tout et
son contraire dans ce qui est émis.
Chaque fois quon parle de nationalisme inclusif, on le fait en des
termes qui laissent à penser que, jusquà maintenant, le nationalisme au
Québec a été exclusif. Alors je pense que ces universitaires qui vont
vouloir sadresser à nous devraient commencer par remplir un devoir
dhonnêteté et de rigueur scientifique : nous démontrer en quoi le
nationalisme québécois, jusquà maintenant, a été exclusif. Et je ne
parle pas des états dâme de M. Bouchard ou de M. Libman, je parle de
faits avérés. Quand ils auront fait cette démonstration, peut-être
pourrons-nous commencer à parler de façon pondérée de modification du
nationalisme québécois, au lieu de sen aller dans une direction qui
consiste à se saborder.
Dans la liste des faits indéniables quon pourra reprocher au
nationalisme québécois, on nen trouvera finalement quun seul : la loi
101. Et là, pour être inclusif, on verra bien quil ny a quune
solution : renoncer à la loi 101. Même les anglos les plus ouverts sur
la question de la langue -je pense ici à Charles Taylor et à Greta
Chambers- ont sur la loi 101 une appréciation toujours en deux temps:
dabord oui bien sûr pour le principe; puis ensuite …mais à condition
quil ne soit jamais appliqué daucune manière et quon puisse le
contester en cours jusquà sa disparition.
Si on peut alors nous faire la démonstration que la loi 101 nest pas
nécessaire pour la préservation du français en Amérique du Nord, alors
on pourra prendre le train du nationalisme inclusif – nécessairement
bilingue. Cette démonstration sera sûrement difficile à faire si lon
pense que quelques dizaines détats américains nhésitent pas, eux, à
promulguer des lois pour préserver la langue la moins menacée du monde.
Avons-nous été exclusifs, ou sommes-nous en train de collaborer à notre
propre exclusion ?
Robert Bernier
instiosl@istar.ca
(Le 16 janvier 2001)