Merci M. Bouchard.
Un dernier service avant de partir SVP.
Par Denis Gaumond
Souverainiste confus entre pur et dur et mou modéré
gaumond.denis@uqam.ca
Monsieur le Premier ministre,
Maintenant que la poussière est retombée sur l’Affaire
Michaud et sur votre démission, laissez-moi d’abord vous remercier pour toutes
ces années d’espoir et de rêve que vous m’avez procurées. Votre campagne
référendaire de 1995 demeure mon plus beau souvenir politique à vie.
Pourtant, je ne suis pas de la dernière pluie tombée. J’ai 51 ans. Déjà ! Je
fus délégué de Gaspé dès la fondation du mouvement
Souveraineté-association, le MSA. Depuis lors, je suis de toutes les batailles
pour la souveraineté du Québec. C’est pour vous dire que j’en ai vécu des
événements politiques. Plaisants et moins plaisants pour parler comme chez
vous au Lac.
Je sais aussi que vous avez été très courageux et efficace
dans la gestion administrative de notre belle province même si cet aspect de la
chose politique m’intéresse un peu moins. Je crois, à cet égard, chaque parti
à peu près interchangeable. Bref, votre dossier politique me semble très
positif sur le plan administratif. Mais, -il y a toujours un mais-, sur l’aspect
fondamental de la quête de la souveraineté, j’ai encore besoin de vous. Comme
les purs et durs sont très mal vus, « out » comme disent mes deux
adolescents, j’ai besoin de savoir où je me situe afin de respecter la bonne
ligne de pensée. Je n’arrive pas à déterminer si je suis un pur et dur ou un
mou modéré. Je vous serais très reconnaissant de m’aider à clarifier ce
point avant votre départ. Votre éclairage serait également très apprécié
des autres membres du PQ. D’autant plus que tous sont d’accord pour dire que cet
enjeu doit être réglé une fois pour toute. Votre démission prématurée
crée à cet égard un certain momentum. Voilà une belle occasion pour vous
d’ajouter ce codicille à votre testament politique lequel me semble, sur ce
plan, incomplet. Pour vous aider dans votre réflexion, laissez-moi vous donner
davantage d’information sur mes valeurs et croyances politiques. Je vous prie de
ne pas trop porter attention à mon style plutôt naïf. Je n’arrive pas à me
débarrasser de ce vilain défaut.
D’abord, je voudrais vous confirmer que je crois fortement au
respect des individus, des lois et des institutions. Je me perçois comme un
ayant droits et un ayant devoirs. Pour moi, nous les Québécois, sommes tous
égaux devant la loi. Je crois aussi que la pluralité politique est
préférable à la pensée unique et au monolithisme. D’ailleurs, les
Québécois francophones, en divisant leur vote, pensent et agissent ainsi. Je
constate que les non francophones du Québec ne partage pas cette valeur et vote
massivement, à plus de 90% dans les faits, « molithiquement » contre la
souveraineté du Québec et contre le parti porteur du projet, élection après
élection, référendum après référendum ayant même contribué à donner à
M. Charest une pluralité des votes lors de la dernière élection. L’opposition
d’ailleurs ne se gêne pas à utiliser cette majorité pour diminuer la
légitimité de votre gouvernement. Je reconnais que c’est là leur droit ultime
et indéniable. Il n’y a pas faute à voter ainsi. Il semble cependant qu’il y a
crime d’en parler. D’autant plus que je constate que si les non francophones
avaient pratiqué la pluralité politique, comme l’ont fait les francophones
lors du dernier référendum, le OUI l’aurait sans doute remporté. Suis-je
alors un pur et dur à la Parizeau ? Imaginez si les francophones pratiquaient
le même monolithisme politique. Quels seraient les comportements des opposants
à la souveraineté ? Que feraient les « partitionnistes », les autochtones,
tous richement financés par Ottawa ? On m’accuse déjà de pratiquer un
nationalisme ethnique…
Pourtant, mon nationalisme privilégie une approche civique
et inclusive. Il est tout à fait semblable au nationalisme canadien,
américain, italien, brésilien, etc. Pour moi, tous les Québécois, sans
exception, sont bienvenus à participer au projet souverainiste. Mais plusieurs
refusent et refuseront toujours. C’est bien correct comme ça. Mon propre ami
Costas dit qu’il ne sera jamais souverainiste même si je devenais chef du PQ !
Je n’ai pas l’impression que c’est moi qui l’exclus. ça ne serait pas plutôt
lui qui s’exclut ? Comme moi je m’exclus des fédéralistes. Est-ce que je
pourrais aussi les traiter de pratiquer un fédéraliste exclusif ? Eux
s’excluent de nous la majorité francophone du Québec ayant voté « Oui » et
m’accusent de les exclurent voulant ainsi me culpabiliser de leur propre
comportement. Moi je m’exclus d’eux les fédéralistes et je pense que ce serait
malhonnête de les accuser de m’exclure… Vous avouerez que ce n’est pas
simple.
Sur l’aspect souffrance des peuples, je crois que
l’holocauste fut la pire monstruosité de l’Histoire moderne. Hors de tout doute
dans mes connaissances du dossier. Mais voyez-vous, je crois que les Juifs ne
sont pas les seuls à souffrir ou à avoir souffert sur Terre. Je vois bien les
souffrances palestiniennes d’aujourd’hui dont les Juifs ne sont pas étrangers
par ailleurs. Celles récemment pratiquées au Timor oriental par les troupes
fédéralistes de l’Indonésie. J’ai été témoin des souffrances au Rwanda. Je
me rappelle les massacres de Pol Pot au Cambodge. Le Goulag en URSS. J’ai lu sur
le carnage des arméniens par les Turcs au début du siècle. Je constate les
souffrances du Liban occupé. Mon épouse est libanaise. (Vous devez savoir que
quatre de mes frères et soeurs sont mariés à des immigrants. Nous sommes
inclusifs dans la famille). Ici, en terre canadienne, je souffre encore de la
déportation des mes parents acadiens, des massacres de certains groupes
amérindiens dont je partage quelques gènes, des villages patriotes brûlés en
1837-38 par les milices vengeresses du Montréal anglais de l’époque. Je n’ai
pas de «souffrançomètre» M. Bouchard. Mais je sais que la souffrance est
toujours une expérience personnelle et la souffrance des uns ne peut jamais
banaliser la souffrance des autres. Elle ne doit jamais non plus devenir le
dédouanement de tel ou tel groupe doit-il s’appeler B’nai Brith. Sont-ce là
les caractéristiques d’un pur et dur qu’il faut dénoncer en pleine Assemblée
nationale ? Ma vieille mère, qui a accouché comme une truie de 14 enfants
(pour citer notre ami Mordecai Richler, jamais dénoncé par le B’nai Brith ou
l’Assemblée nationale) me dit qu’il faut respecter et reconnaître la
souffrance de chacun et qu’il est bien déplacé d’utiliser notre propre
souffrance comme excuse. Bonne catholique, elle dit prier pour M. Richler. Ma
maman elle est comme ça. Elle pardonne tout. J’avoue avoir moins tendance à
présenter l’autre joue. Elle, c’est certain, n’est pas une pure et dure !
(Je pense aussi que M. Libman, partisan de la partition comme
William Shaw, créateur de l’Equality Party, profite de sa position au B’nai
Brith pour discréditer tout symbole souverainiste du Québec. De Lionel Groulx
à Yves Michaud en passant par Jacques Parizeau et combien d’autres. Il sait
habilement jouer sur notre culpabilité collective et il finit par abuser de
nous. Je pense que le boomerang risque de lui revenir au visage. Suis-je si pur
et dur de constater cela ?)
En ce qui concerne les taquineries relatives à être ou non
un bon ou un vrai Québécois ou Canadien, ma position est bien simple. Moi qui
suis un souverainiste, que les fédéralistes appellent séparatissssss, on me
traite de mauvais canadien qui veut briser « le meilleur pays au monde ».
Alors pour moi, en contre partie, un Québécois qui désire confiner le Québec
dans un état de simple province canadienne comme les autres au lieu de vouloir
en faire un pays, membre des nations libres du monde, est un mauvais
Québécois. Est-ce là mon crime ? Je me demande comment il est possible alors,
que moi souverainiste, puisse être un mauvais canadien et eux, les
fédéralistes, ne pas être de mauvais Québécois ? Qui a déterminé cette
règle ? Et puis, est-ce si terrible que cela ce jeu infantile de se « crier
des noms » ? Chez nous on fait cela depuis notre tendre enfance et on ne s’en
porte que mieux. Même que ça libère?
Je crois également être très flexible en ce qui concerne
la démarche vers la souveraineté du Québec. Je souhaite que le peuple
québécois devienne souverain le plus rapidement possible. Je privilégie la
souveraineté dune seule bouchée suite à un seul référendum gagné. Mais,
si on ne peut faire autrement, la souveraineté par petite bouchée comme on la
fait pour les commissions scolaires et la main doeuvre, ferait aussi mon
affaire. Cependant, soyons prudent. Selon moi, et là vous pourrez me le
confirmer, toutes ces ententes administratives convenues avec Ottawa ne sont pas
enchassées dans la constitution canadienne. Ainsi, nimporte quel
gouvernement fédéral pourrait, le moment venu, leur mettre fin ou les modifier
unilatéralement. Est-ce là lexcès de pur et dur que de demander un
minimum dassurance?
J’aurais beaucoup d’autres « valeurs » à vous citer mais
l’espace m’est compté. Cependant, en terminant, je voudrais que vous sachiez M.
Bouchard, que je n’aie pas voulu votre tête moi que l’on traite de vieille
barbe et d’arrière garde pure et dure du nationalisme québécois. J’ai juste
voulu votre oreille? attentive. Je souhaitais que vous travailliez à convaincre
plus de Québécois francophones à voter pour la souveraineté. Même si tous
les non francophones votaient OUI au prochain référendum, si les francophones
ne suivent pas, le référendum sera perdu. Serais-je un pur et dur de vous
demander, pour les quelques semaines qui vous restent au gouvernement, de
travailler dans ce sens et de rallumer la flamme de l’espoir sur laquelle votre
glacial discours de départ a soufflé ?
En terminant, je vous avoue être un peu confus.
Imaginez-vous que je vous ai trouvé bien souvent pur et dur dans la gestion de
plusieurs dossiers importants tel celui de la lutte au déficit, celui du
salaire des infirmières, celui des fusions municipales et bien d’autres.
Remarquez que je vous ai quand même soutenu. Cela a été très efficace. De
même que la conduite pure et dure des Chrétien et Dion avec leur loi sur « la
clarté ». J’en conclue qu’il y aurait donc des dossiers importants où il faut
être pur et dur et d’autre, moins importants peut-être, où la mollasserie
serait plus de mise… Je n’y comprends plus rien. Faut-il que je devienne un
mou modéré pour faire avancer la cause souverainiste ? Alors je veux devenir
un mou modéré. à la guerre comme à la guerre. Je suis même disposé à ne
faire qu’un demi-X sur le prochain bulletin de vote référendaire. Comme cela,
au décompte, on saura combien de mous modérés nous sommes. Bien sûr nos
votes non conformes seront annulés mais nous aurons la fierté du nombre dans
la défaite finale !
Vous voyez bien M. Bouchard que j’ai encore besoin de vous.
Denis GAUMOND
Souverainiste confus entre pur et dur et mou modéré