LA LANGUE ANGLAISE
Une domination incontestée mais paradoxale.
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LONDRES, 23 mars (AFP) – La langue anglaise est la "lingua franca"
moderne,
et le sera de plus en plus à l’avenir, mais sa domination est plus fragile
et paradoxale qu’il n’y parait, soulignent plusieurs linguistes.
Venus d’Oxford, du Pays de Galles, mais également d’Australie, de Hong-Kong
ou du Danemark, plusieurs des plus éminents spécialistes de la langue
anglaise se retrouvent vendredi à Londres pour dresser le tableau d’une
hégémonie a priori sans nuance.
Entre un quart et un tiers de la population mondiale (de 1,5 à 2 milliards
de personnes) parle ou utilise aujourd’hui l’anglais, selon la fourchette
retenue par la plupart des linguistes.
Un terrien sur deux devrait être converti d’ici 2050. "Nous sommes
semble-t-il les témoins impuissants, et peut-être chanceux, de la
réalisation d’un des plus vieux et des plus profonds rêves de l’humanité: la
fin de Babel", s’enthousiasme le journaliste Robert McCrum dans
l’hebdomadaire The Observer.
Et pourtant… La conférence organisée par la Royal Society of Arts est
intitulée "langage global: les dangers et les chances pour la langue
anglaise".
Quels dangers ? Celui, avant tout, d’être cannibalisé. Le linguiste
britannique David Crystal, responsable de l’Encyclopédie de Cambridge de la
langue anglaise, raconte à l’AFP qu’il est entré récemment dans une
librairie de Singapour, pour surprendre une conversation dans une langue
qu’il n’arrive pas à identifier.
"Je leur demande quelle langue ils parlent. Ils me répondent: anglais.
Je
leur dit: mais non, enfin, ce n’est pas de l’anglais. C’était du +singlish+,
un mélange d’anglais et de chinois parlé localement".
Pour M. Crystal, ce phénomène se développe partout dans le monde: singlish,
chinglish (autre mélange de chinois et d’anglais), spanglish (espagnol et
anglais), japlish (japonais et anglais), creole (antillais-anglais), voire
le franglais, sans parler de la langue que se bâtissent les Noirs
américains.
Avec la possibilité que différents locuteurs d’anglais ne puissent plus se
comprendre à l’oral tout en partageant la même langue-souche écrite. A
l’instar de l’arabe parlé, qui diffère fortement de Rabat au Caire en dépit
d’un même Coran.
Britanniques et Américains pourraient vivre avec un certain traumatisme
cette sensation d’être ainsi dépossédés de leur langue.
"Au XXIème siècle, la prise de conscience croissante d’un grand nombre
de
langues anglaises va susciter un mélange de fierté, d’autosatisfaction et de
peur parmi les gens qui parlent cette langue", pronostique Jean Aitchison,
de l’Université d’Oxford.
D’autant que les Anglais de langue maternelle, vont — tout est relatif —
se sentir un peu plus isolés. Ils étaient plus de 8% de la population
mondiale en 1950, ils devraient être moins de 5% en 2050, estime un autre
expert, David Graddol, dans un article publié il y a deux ans.
L’anglais reste aujourd’hui la seconde langue maternelle au monde, derrière
le chinois, mais elle sera devancée par l’hindi et l’ourdou en 2050, et
talonnée par l’espagnol — de loin la langue à la croissance la plus
rapide — et l’arabe, selon la société-conseil de M. Graddol, The English
Company UK.
Il faut donc s’attendre à une cohabitation croissante entre un type très
particulier d’anglais, international et simplifié, et la langue maternelle
de chacun, selon Eugene Eoyang, professeur d’anglais à l’université de
Lingnan (Hong Kong).
M. Eoyang s’attend par ailleurs à une forte poussée du chinois, à la fois
pour des raisons démographiques et politiques, à savoir les ambitions
régionales des dirigeants de Pékin.
"Pour chaque locuteur de langue maternelle anglaise, il y a désormais
trois
locuteurs qui ont appris la langue d’eux-mêmes, et dès qu’une partie du
monde adopte l’anglais, il l’adapte. Personne n’est propriétaire de
l’anglais", conclut M. Crystal.
(Ce texte nous a été communiqué par notre correspondant M. Adrien Borel,
adrienb01@yahoo.fr)