Les langues sont au pouvoir politique ou ne sont pas des langues.
Louis-Jean Calvet
Entre langues, l’état normal, c’est la guerre.
Jean A. Laponce, University of British Columbia
Le français au Québec: un plan de réussite
Mémoire présenté à la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec
IMPÉRATIF FRANÇAIS
3 mars 2001
Fondé il y a 25 ans, Impératif français est un organisme culturel de recherche et de communication voué à la défense et à la promotion de la langue et de la culture d’expression française. Bien connu au sein de la Francophonie, au Québec et au Canada, l’organisme a son siège social en Outaouais. Il regroupe les amis de la langue et de la culture d’expression française désireux d’en favoriser l’épanouissement. Impératif français organise plusieurs activités ou y participe activement: la Semaine de la langue française et de la francophonie, la Journée de la Francophonie, la Fête du drapeau national, LOutaouais en fête – la Fête nationale du Québec, les Déjeuners d’Impératif français, la Semaine interculturelle nationale, le Bal de l’année – la Fête du patrimoine, etc.
Au cours des ans, par ses interventions dans les dossiers touchant la langue et la culture, autant sur les plans local, régional, national et international, autant sur la scène québécoise que canadienne, Impératif français est devenu un intervenant majeur dans le dossier linguistique. Son site Internet est une référence et un lieu de rencontre reconnu de la francophonie.
Impératif français adhère entièrement au préambule de la Charte de la langue française, sanctionnée le 26 août 1977:
Langue distinctive d’un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d’exprimer son identité.
L’Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d’assurer la qualité et le rayonnement de la langue française. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l’État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires.
L’Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d’ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d’expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l’apport précieux au développement du Québec.
L’Assemblée nationale reconnaît aux Amérindiens et aux Inuits du Québec, descendant des premiers habitants du pays, le droit qu’ils ont de maintenir et de développer leur langue et culture d’origine.
Ces principes s’inscrivent dans le mouvement universel de revalorisation des cultures nationales qui confère à chaque peuple l’obligation d’apporter une contribution particulière à la communauté internationale.
Adhérant à ces principes, il est donc plus que normal qu’Impératif français intervienne auprès de la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec. Il est déjà intervenu lors des rencontres régionales pour présenter le volet Outaouais de son mémoire. Il intervient aujourd’hui pour en présenter le volet national.
Mémoire Outaouais
Son mémoire Outaouais, Impératif français l’a articulé en trois temps. Il y rappelle les conséquences qu’entraîne en Outaouais le fait qu’elle est une région frontalière, par rapport à l’Ontario, et excentrique, par rapport à Québec. D’une part, la proximité de l’Ontario y exerce une pression énorme aux plans politique, économique et social et par conséquent aux plans linguistique et culturel. L’éloignement de Québec entraîne un sous-équipement de l’Outaouais qui l’affaiblit d’autant dans son face à face avec l’Est ontarien et y rend encore plus vulnérable la langue et la culture françaises. Le mémoire compare ensuite le comportement linguistique de la RMR de Hull (1) à celui de la RMR d’Ottawa et en fait ressortir les différences. Même majoritaire en territoire québécois, le français se conduit en langue minoritaire. L’étude des statistiques linguistiques de l’Outaouais permet ensuite de relever les sous-régions particulièrement touchées par l’assimilation: le Pontiac et la Basse-Gatineau. Le mémoire souligne aussi qu’en Outaouais, l’offre de formation postsecondaire en français et l’investissement au titre de la culture sont moindres en comparaison de régions semblables. Pourtant, sa situation particulière commanderait l’inverse. Impératif français recommande donc, entre autres, une meilleure offre de formation postscolaire en français, plus d’investissements en matière de culture, l’implication du gouvernement québécois auprès du gouvernement fédéral afin que les fonctionnaires fédéraux francophones puissent réellement travailler en français.
Mémoire national
Dans le volet national de son mémoire, Impératif français rappelle, dans un premier temps, certaines grandes lois en matière de concurrence linguistique. Ne pas en tenir compte entraînerait à coup sûr un échec des politiques linguistiques québécoises. Ensuite, Impératif français propose de définir des objectifs clairs et précis en matière de francisation et prône même un assouplissement de la loi 101 une fois ces derniers atteints. Troisièmement, comme le mandat de la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française le demandait, Impératif français s’attarde sur les transferts linguistiques. En quatrième lieu, le mémoire évalue la pertinence de renforcer la loi 101 en ce qui a trait à l’accès à l’école anglaise. Par la suite, il se penche sur la langue de travail. Finalement, Impératif français aborde la question de la qualité de la langue française au Québec.
En ce qui a trait aux recommandations à proprement parler, Impératif français les présente au fur et à mesure du déroulement du mémoire.
1. De quelques principes en matière de concurrence linguistique
1.1 «L’état normal, c’est la guerre»
Intrinsèquement toutes les langues se valent, puisqu’elles permettent, aussi bien les unes que les autres, aux individus de communiquer entre eux. Pourtant, dans les faits, elles ne sont pas égales. Des facteurs d’ordre démographique, politique, militaire, économique, culturel et idéologique les rendent en effet inégales. Les Québécoises et les Québécois le constatent chaque jour. À cause de cette inégalité, quand les langues se rencontrent, elles se font la guerre. Comme le dit Jean-A. Laponce de l’University of British Columbia: «Entre langues, l’état normal, c’est la guerre (2)». Dans cette guerre, la langue majoritaire part bien évidemment gagnante. Dans le contexte québécois, canadien et américain, l’anglais possède cette importante longueur d’avance.
Si le gouvernement du Québec veut assurer l’avenir du français au Québec, il doit agir sur l’ensemble de ces facteurs externes qui assurent la vitalité des langues. Pour ce faire, il ne peut pas uniquement se fier sur l’impact d’une loi. Il doit faire de la défense et de la promotion du français une préoccupation quotidienne et y associer la population. À ce titre, le gouvernement du Québec a le devoir de mettre en branle un plan d’action gouvernemental qui obligerait tout ministère, toute direction, tout organisme, toute société d’État d’avoir un plan de promotion du français. Il doit renouer avec l’idéal de la Charte de la langue française et faire de ce programme d’action un programme global qui recentre la population québécoise sur cet objectif fort louable: assurer l’existence d’un Québec français en Amérique du Nord.
Recommandation 1 Le gouvernement du Québec doit mettre en branle un plan global de défense et de promotion de la langue et de la culture françaises. Chaque ministère, direction, organisme, conseil, société d’État doit inclure dans son plan stratégique des objectifs liés à la défense et à la promotion de la langue et de la culture françaises. |
Trop souvent le gouvernement, pour éviter d’être pris à partie, hésite à entreprendre certaines actions de promotion de la langue et de la culture françaises. Il s’intéresse plus à s’assurer que les anglophones ont un service dans leur langue dans les hôpitaux francophones que l’inverse. Par peur de l’impact négatif sur d’éventuels investisseurs, il hésite à mettre en place un vigoureux plan de francisation des entreprises. Cette valse-hésitation affaiblit doublement la langue et la culture françaises. D’une part, elle conforte la communauté anglophone dans sa bataille pour amoindrir les effets de la loi 101 et bilinguiser le Québec. D’autre part, elle laisse croire aux francophones que l’avenir du français est assuré — quand ce n’est pas tout simplement qu’ils ont tort de se battre pour assurer la pérennité du français.
1.2 L’État «glottophage»
Dans cette guerre que se livrent les langues, l’État défend la langue de sa majorité. En fait, selon le mot de Louis-Jean Calvet, les États sont «glottophages», ils mangent les autres langues. Historiquement, la France, l’Angleterre, l’Espagne ont avalé de nombreuses langues régionales. Plus près de nous, dans le temps et dans l’espace, plusieurs États américains, par exemple, ont fait de l’anglais la langue officielle ou la langue de l’enseignement ou de la justice (Arizona, Arkansas, Californie, Caroline du Nord, Colorado, Connecticut, Floride, Idaho, Illinois, Iowa, Michigan, Minnesota, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, New Hampshire, New Jersey, New York, Oklahoma, Oregon, Pennsylvanie, Texas, Vermont, Virginie, Wisconsin). Ainsi au Nebraska, la Constitution de 1920 affirme: «Par les présentes, la langue anglaise est déclarée langue officielle de cet État; les actes, registres et publications officiels seront dans cette langue; les disciplines scolaires communes devront être enseignées dans cette langue dans les écoles publiques, privées, confessionnelles et paroissiales (3)».
Le Canada aussi défend sa langue. En matière d’immigration, il a largement favorisé l’immigration anglophone. En 1904, les proportions de la population immigrante étaient de 1,9 % francophone et de 73,4 % anglophone (4). De 1946 à 1966, 3 % des immigrants étaient francophones, contre 41 % anglophones (5). En matière d’éducation, «à compter des années 50 toutes les provinces à majorité anglophone auront une politique linguistique claire et nette: l’anglais y est la principale, voire la seule langue d’enseignement (6)». C’est ainsi que, l’une après l’autre, elles adopteront des dispositions pour limiter le français sur leur territoire: Ontario (1912), Manitoba (1916), Saskatchewan (1931), etc. En matière de bilinguisme, jusqu’à la fin des années 60, «les gouvernements fédéraux se contentent d’affirmer pieusement l’égalité statutaire du français et de l’anglais mais se garde de prendre aucune mesure concrète pour modifier le statu quo. L’anglais reste la langue de la fonction publique fédérale. Et bien souvent la seule langue de service (7)». Le bilinguisme se mesure au compte-gouttes: timbres-poste bilingues (1927), billets de banque bilingues (1936), traduction simultanée à la Chambre des Communes (1958), chèques bilingues (1962).
Rien de plus normal donc que le Québec ait décidé d’intervenir en matière linguistique à partir du moment où il s’est perçu comme État. Les moments forts de cet interventionnisme remontent aux années 1970 durant lesquelles ont été promulguées les deux lois qui ont régi et régissent l’aménagement linguistique au Québec: la Loi sur la langue officielle du Québec, adoptée en juillet 1974 par le gouvernement libéral de Robert Bourassa, et la Charte de la langue française, adoptée en août 1977 par le gouvernement péquiste de René Lévesque.
À l’interventionnisme de l’État québécois, qui veut faire du français la langue officielle sur son territoire, répond un interventionnisme de l’État canadien qui prône le bilinguisme. Il ne faut pas se leurrer, ce bilinguisme n’est qu’une façade derrière laquelle le Canada poursuit son objectif, l’unilinguisme anglais. En fait, la politique de bilinguisme permet de sauvegarder les privilèges de la minorité anglaise du Québec. Les exemples foisonnent. Pendant près de cent ans, l’enseignement en français a été mis au rancart dans toutes les provinces anglaises, sans qu’à aucun moment, le gouvernement fédéral ne soit intervenu. Quand, en 1977, le Québec a limité l’accès à l’école anglaise, le gouvernement fédéral est intervenu dès 1982 avec une nouvelle constitution pour, entre autres, élargir cet accès.
Rappelons aussi, en guise d’illustration, le comportement de Jean Chrétien à l’époque de l’adoption de la loi 101. Il menace alors de mettre fin à la décentralisation de la fonction publique fédérale vers le Québec si les fonctionnaires fédéraux n’obtiennent pas le droit à l’école anglaise: «tout déménagement d’une unité administrative de la fonction publique fédérale impliquant un groupe appréciable d’une minorité linguistique officielle — selon la destination — ne se fera que lorsqu’on aura la certitude, par le moyen d’une entente permanente avec la province d’accueil, que les enfants d’employés du gouvernement fédéral feront leurs études dans la langue officielle qu’ils utilisent habituellement (8)». Il va de soi que le même Jean Chrétien n’avait jamais rien dit pour les fonctionnaires fédéraux francophones qui, depuis toujours, dans les autres provinces n’avaient pas droit à l’éducation en français. «Quand le gouvernement libéral [fédéral] a lancé son programme de décentralisation en 1975, il ne s’est pas inquiété des services d’enseignement en français pour les enfants des fonctionnaires francophones appelés à aller travailler dans des provinces de langue anglaise (9)», rappelle avec justesse Lise Bissonnette. Rappelons que, lors de la fermeture de l’École militaire de Saint-Jean et de son transfert à Kingston, l’absence de services aux francophones n’a guère pesé dans la balance ; ou encore, que le gouvernement fédéral n’est toujours pas intervenu pour faire d’Ottawa une capitale bilingue. En matière de langue, la règle fédérale a toujours été d’intervenir quand cela favorisait la langue anglaise. Cela ne changera pas, cela ne peut changer.
Dans le contexte nord-américain, la minorité anglaise du Québec, par médias interposés, trouve au Canada et aux États-Unis un appui important à ses revendications. Le problème que crée cette opposition extérieure à la loi 101 et à la francisation du Québec, c’est de donner mauvaise conscience aux Québécoises et Québécois, et de mettre leur gouvernement sur la défensive. On assiste alors à un effritement de l’appui de la population en faveur de mesures législatives ou autres pour assurer l’avenir du français. Pourtant, dans cette guerre linguistique incontournable, cet appui est essentiel. En effet, si la population ne s’associe pas fermement au projet de francisation, le Québec ne pourra rester français.
Recommandation 2 Le gouvernement du Québec doit rappeler aux Québécoises et aux Québécois toute la légitimité de l’objectif de «faire du français la langue de l’État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires». |
Recommandation 3 Le gouvernement du Québec doit répondre vigoureusement aux attaques dont est l’objet la Charte au Québec, au Canada et aux États-Unis. |
Recommandation 4 Le gouvernement du Québec doit susciter un vaste appui populaire en faveur de la francisation du Québec. |
Recommandation 5 Le gouvernement doit subventionner, dans chacune des régions du Québec, un organisme non gouvernemental dont l’objectif est de défendre et de promouvoir la langue et la culture françaises. |
1.3 Des frontières imperméables
«[P]our s’établir, se maintenir et se développer, une langue, une culture a besoin d’un espace qui lui soit propre (10)». S’il en est ainsi, c’est que la langue est un moyen de communication entre individus. Elle n’existe que collectivement. Communiquer, en effet, implique obligatoirement un locuteur et un interlocuteur utilisant le même code. L’hébreu a pu être ressuscité à partir du moment où Israël est né. C’est pourquoi plusieurs pays bilingues, trilingues, etc. fonctionnent par territoires unilingues, sur lesquels la langue de la majorité territoriale règne.
Entre les langues, il y a donc des frontières imperméables (Suisse, Belgique) et des frontières poreuses (Canada). Il «n’est pas facile pour un État régional de se doter lui-même de frontières linguistiques imperméables. Lorsqu’une langue minoritaire essaie de trop se protéger en érigeant des frontières linguistiques imperméables, elle se fait contester par la majorité nationale et perd presque toujours ses causes. Une majorité nationale n’accepte généralement pas de voir interdire ou limiter l’usage de sa langue dans une portion du pays (11)». Ne l’oublions, pas les États sont «glottophages». Les exemples sont nombreux. L’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni ont limité l’expansion de leurs langues régionales. La Suisse a jugé inconstitutionnel un décret législatif du canton italien du Tessin (18 avril 1833) qui obligeait l’affichage italien dans une proportion du double du texte allemand. Le Canada va réduire la portée, voire rendre caduques, plusieurs articles de la loi 101 touchant la langue de la législature et de la justice, la langue d’enseignement, la langue d’affichage.
Au Canada, en matière linguistique, il y a dans les faits imperméabilité de la frontière quand un francophone tente de transporter sa langue. L’assimilation, la pression sociale et économique, le peu ou l’absence d’institutions d’enseignement, de services gouvernementaux, de services sociaux, de services culturels, le refus d’offrir de tels services en français ont fait et font en sorte que le francophone vit en anglais. Le taux de bilinguisme des minorités provinciales francophones, plus de 80 %, témoigne de cette réalité. Leur taux d’assimilation de 37 %, preuve évidente de cette imperméabilité de la frontière linguistique, est si important que les démographes parlent de disparition tendancielle. Dans le sens inverse, la frontière est perméable, puisque les anglophones ont droit au Québec aux mêmes services, dans leur langue, que leurs concitoyens québécois francophones. Techniquement, ils ont la possibilité de vivre en anglais au Québec, tandis que leurs compatriotes francophones des autres provinces n’ont pas, dans les faits, les mêmes possibilités.
Cette perméabilité de la frontière linguistique entraîne une concurrence linguistique à l’avantage de la langue la plus forte. Les langues, à moins d’être arrêtées par une frontière, cherchent à s’étendre. Ainsi, au Québec, le gouvernement fédéral a défini la grande région de Montréal comme région bilingue, faisant en sorte que la majorité des postes de sa fonction publique québécoise requiert la connaissance de l’anglais. Or, lorsque l’on sait que la grande région de Montréal compte pour la moitié de la population du Québec, on comprend le caractère stratégique de la décision de l’État fédéral.
L’État canadien favorise donc des frontières perméables, à l’avantage de l’anglais, tandis que le Québec privilégie leur imperméabilité, favorable au français. Lorsque sur un même territoire deux langues, deux codes, s’affrontent, la langue la plus forte finit par l’emporter (12). Après une période plus ou moins longue de bilinguisme, la langue la plus faible disparaît. C’est ce qui explique qu’il n’y ait pas de populations durablement bilingues, même si les mélanges linguistiques ont été nombreux à travers l’histoire. Le bilinguisme est une étape intermédiaire à un changement de langue. Toute l’histoire de l’humanité montre qu’un bilinguisme généralisé entraîne la disparition de la langue la plus faible.
L’avantage de frontières imperméables en matière linguistique, c’est de diminuer l’intensité de la concurrence linguistique. Chacun accepte alors de fonctionner selon la langue du territoire sur lequel il se trouve.
Recommandation 6 Le gouvernement du Québec doit travailler à rendre sa frontière linguistique plus imperméable. |
Recommandation 7 Le gouvernement du Québec doit demander au gouvernement fédéral de favoriser l’imperméabilité des frontières linguistiques afin d’assurer l’avenir du français en terre d’Amérique, en acceptant, entre autres, de se soumettre aux règles de la Charte de la langue française, en minimisant les obligations de bilinguisme des fonctionnaires fédéraux travaillant au Québec, en transmettant, dans ses relations avec l’étranger (immigration, diplomatie, promotion économique) un message clair : le Québec est un territoire où le français est la langue officielle, commune et d’usage, etc. |
1.4 L’ultralibéralisme linguistique favorise la langue la plus forte
«L’absence d’intervention défavorise les langues minoritaires dispersées qui ne bénéficient alors d’aucune protection». Il ne suffit pas d’accorder des droits théoriques, il faut que ces droits se transposent dans la réalité. Accorder des droits individuels à des groupes minoritaires peut s’avérer tout à fait futile si ces derniers ne peuvent s’en servir dans les faits (13)».
Comme tout autre droit, un droit linguistique est relatif à la force de l’individu ou du groupe qui le revendique. Sa particularité, c’est qu’il est essentiellement collectif et non pas individuel. La langue est un moyen de communication entre individus. Pour qu’un droit linguistique existe, il doit donc s’appliquer à l’ensemble d’un groupe, sinon il est pure fiction. Le Canada a beau être officiellement bilingue, il est dans les faits unilingue anglais, puisqu’un francophone ne peut exercer son droit de vivre en français à l’extérieur du Québec. Avoir le droit de parler français à Toronto est un faux droit si personne ne connaît le français. Les rapports du Commissaire aux langues officielles montrent, année après année que les droits linguistiques des francophones sont le plus souvent théoriques.
Derrière la primauté des droits individuels en matière de langue se cache le désir d’assurer dans les faits la primauté de l’anglais. Dans le contexte nord-américain, la force d’attraction de l’anglais est telle que la liberté individuelle est toute relative en matière linguistique.
Il n’y a rien d’étonnant donc à ce que le Canada anglais, revendique la liberté totale en matière de choix linguistique puisqu’elle favorise l’anglais, tandis que le Québec défend les droits collectifs afin de permettre l’existence d’un Québec français en Amérique.
Recommandation 8 Le gouvernement du Québec doit utiliser la clause nonobstant pour soustraire la Charte de la langue française à l’application de la Charte des droits et libertés du Canada, afin de rétablir les droits collectifs de la population du Québec de vivre en français. |
2. Pour des critères objectifs et comparables
La Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec doit se pencher sur les critères d’évaluation de la situation linguistique québécoise. Seuls des indicateurs clairs et mesurables — pour paraphraser le ministère de l’Éducation du Québec et ses plans de réussite — doivent être pris en considération. Malheureusement, étant donné que le débat linguistique s’inscrit presque toujours dans le débat politique, trop souvent les politiciens détournent les indicateurs à caractère linguistique afin de les soumettre à leurs impératifs politiques conjoncturels, ou encore valorisent une étude certes intéressante, mais à caractère peu scientifique. Quelques exemples suffiront à illustrer ce détournement ou ce camouflage.
Depuis le recensement de 1996, Statistique Canada propose la réponse «canadienne» à la question sur l’origine ethnique. Pourtant, tous savent que le terme canadien renvoie à une citoyenneté, non à une origine ethnique. Pour des raisons politiques, Statistique Canada a donc sabordé le caractère scientifique de sa question portant sur l’origine ethnique. Depuis l’introduction de ce changement, il est devenu impossible, par exemple, de mesurer la composition ethnique de la population canadienne, puisqu’un Canadien d’origine italienne peut aussi bien se dire d’origine italienne que canadienne. Il est tout aussi impossible de mesurer le taux de continuité ethnolinguistique, ou pour parler plus simplement le taux d’assimilation cumulative d’un groupe ethnique à travers le temps, puisque depuis 1996 la question sur la composition ethnique de la population canadienne n’est plus fiable. Au moment où Statistique Canada a introduit ce changement, 67 % des personnes d’origine française à l’extérieur du Québec avait l’anglais comme langue d’usage. En guise de comparaison, à une question semblable aux États-Unis, tout est fait pour empêcher les Américains de répondre «américaine». Mais aux yeux du gouvernement fédéral un tel trafiquage d’une part permet de mousser la ferveur identitaire canadienne et, d’autre part, empêche de mesurer toute l’ampleur de l’affaiblissement cumulatif de la communauté francophone canadienne. Malheureusement, cela se fait au détriment d’une analyse objective de la situation du français au Québec et au Canada.
Un autre exemple concerne l’étude de Jean Renaud sur les dix premières années au Québec des immigrants admis en 1989 et intitulée Ils sont maintenant d’ici (14). L’étude, intéressante à certains égards, est basée sur une cohorte d’immigrants où les francotropes sont nettement surévalués par rapport à la réalité. Ainsi, au temps 1 de l’étude, ils représentent approximativement 70 % des personnes rejointes, et 75 % au temps 2. À l’époque, ils ne dépassaient pas 60 % des immigrants arrivés au Québec dans les années 1986-1990. C’est comme faire un sondage sur l’utilisation du français au Québec, en excluant les Montréalais : il va de soi que les résultats d’un pareil sondage seraient extrêmement positifs quant à l’avenir du français au Québec !
Un dernier exemple concerne le gouvernement québécois. Quand il ne veut pas ouvrir la poudrière linguistique, il se retranche derrière la progression du français depuis l’adoption de la Charte de la langue française en 1977 et oublie les trous parfois béants qui restent à combler. Pourtant, l’objectif du gouvernement québécois n’est-il pas d’assurer l’existence d’une communauté francophone en Amérique du Nord? C’est un peu comme si le Québec devait se satisfaire d’un taux de chômage de 10 % parce qu’il était à 12 % l’année précédente.
Si pour évaluer le progrès réalisé, le Québec doit se comparer à lui-même; pour vérifier l’atteinte de l’objectif, soit faire du français la «langue de l’État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires», il doit se comparer aux autres. Par exemple, en matière de productivité, s’il se compare à lui-même, le Québec peut trouver qu’il y a progrès, mais s’il se compare à d’autres nations ce progrès est tout relatif. Seul un va-et-vient constant entre l’évaluation de son progrès et la comparaison avec l’autre permet de jeter un regard juste sur la situation linguistique québécoise. En somme, le Québec pourra dire que le français sera assuré au Québec, lorsque la société québécoise en matière linguistique se rapprochera de la société canadienne. Nous sommes loin du compte.
Un autre avantage d’objectifs quantifiés, c’est de permettre aux différentes communautés de savoir à quoi s’attendre. Trop souvent, la communauté anglophone, par exemple, demande le démantèlement de pans entiers de la loi 101 arguant le progrès accompli. Ainsi, Alliance Québec, par ses porte-parole, a déjà indiqué qu’elle voulait en finir avec les dispositions de la Charte portant sur la langue d’enseignement, d’affichage et de travail.
En quantifiant publiquement l’objectif de faire du français la langue de communication au sein de la société québécoise, le gouvernement du Québec ferait en sorte de minimiser les crises. Tous sauraient que l’objectif serait atteint à partir de tel pourcentage de gens utilisant le français au travail, de tel pourcentage de transferts linguistiques vers le français, etc. Le gouvernement du Québec doit notamment se donner des objectifs clairs et précis en matière de transferts linguistiques, de langue de travail, d’accès à l’école anglaise et d’affichage public. À partir du moment, où l’objectif serait atteint, il y aurait alors lieu d’assouplir la loi 101. Quant aux données permettant de constituer les indicateurs, ils continueront à être colligées afin de parer à toute détérioration de la situation.
Recommandation 9 Le gouvernement du Québec doit se doter d’objectifs clairs et précis, et les quantifier, en matière notamment de transferts linguistiques, de langue de travail, d’accès à l’école anglaise et d’affichage public. |
Recommandation 10 Le gouvernement du Québec doit rendre indépendant l’Office de la langue française afin de lui permettre de jouer son rôle de protection de la langue et de la culture françaises sans intrusion du politique. |
3. Des francophones du Québec et du Canada
3.1 La langue maternelle
L’un des indicateurs utilisés pour évaluer la situation d’une langue est la langue maternelle, c’est-à-dire «la langue apprise en premier lieu à la maison dans l’enfance et encore comprise au moment du recensement».
Tableau 1
Population selon la langue maternelle, Québec et Canada sans le Québec, 1951 à 1996
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Français |
Anglais |
Autres |
Québec |
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1951 |
3 347 030 (82,5%) |
558 256 (13,8 %) |
150 395 (3,7 %) |
1961 |
4 269 689 (81,2 %) |
697 402 (13,3 %) |
292 120 (5,6 %) |
1971 |
4 866 410 (80,7 %) |
788 830 (13,1 %) |
372 525 (6,2 %) |
1981 |
5 254 195 (82,5 %) |
693 600 (10,9 %) |
421 265 (6,6 %) |
1991 |
5 585 650 (82 %) |
626 200 (9,2 %) |
598 455 (8,8 %) |
1996 |
5 741 438 (81,5 %) |
621 858 (8,8 %) |
681 790 (9,7 %) |
Canada sans le Québec |
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1951 |
721 820 (7,3 %) |
7 722 553 (77,6 %) |
1 509 375 (15,2 %) |
1961 |
853 462 (6,6 %) |
9 963 132 (76,8 %) |
2 162 442 (16,7 %) |
1971 |
926 400 (6 %) |
12 184 626 (78,4 %) |
2 429 520 (15,7 %) |
1981 |
923 605 (5,2 %) |
14 091 215 (79,5 %) |
2 699 635 (15,2 %) |
1991 |
976 415 (4,5 %) |
15 685 005 (77,7 %) |
3 522 315 (17,5 %) |
1996 |
970 207 (4,5 %) |
16 450 574 (76,6 %) |
4 062 269 (18,9 %) |
Source: Recensement Canada 1951, 1961, 1971, 1981, 1991, 1996.
Le tableau 1 nous apprend que de 1951 à 1996, en matière de langue maternelle, le Québec et le Canada anglais se sont comportés sensiblement de la même façon. La proportion de la population de langue majoritaire, le français pour l’un, l’anglais pour l’autre, est resté assez stable: de 82,5 % à 81,5 % pour le français au Québec et de 77,6 % à 76,6 % pour la langue anglaise au Canada anglais. Toutes deux ont diminué de 1 %, ce qui représente une diminution de la proportion de 1,1% pour la population de langue maternelle française au Québec et de 1,3 % pour la population de langue maternelle anglaise dans le reste du Canada.
En ce qui concerne l’autre langue officielle respective, là aussi le comportement est semblable. Au Québec, l’anglais, langue maternelle, est passé de 13,8 % à 8,8%, une baisse de cinq points, soit une diminution de la proportion de 36,2 %. Au Canada anglais, la population de langue maternelle française est passée de 7,3 % en 1951 à 4,5 %, soit une baisse de 2,8 points de pourcentage, lesquels représentent une diminution de la proportion de 38,4 %.
Les populations de langue maternelle autre que le français et l’anglais, du Québec et du Canada anglais, ont suivi un cheminement parallèle, mais dans des proportions bien différentes. Au Québec, de 1951 à 1996, la population allophone est passée de 3,7 % à 9,7 % de la population totale soit un gain de 6 points et une augmentation de sa proportion de 162 %. Au Canada anglais, elle est passée de 15,2 % à 18,9 %, soit 3,7 points de pourcentage de plus, une augmentation de sa proportion de 24,3 %.
L’importante augmentation de la population québécoise de langue maternelle autre que le français et l’anglais fait en sorte que la bataille linguistique que se livrent les langues anglaise et française en territoire québécois viseront en priorité cette population.
3.2 La langue parlée à la maison
Un autre indicateur que fournit le recensement est la langue parlée à la maison, c’est-à-dire «la langue le plus souvent utilisée à la maison au moment du recensement». C’est grâce à la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme que cette question a été ajoutée au recensement de 1971. Pour la Commission Laurendeau-Dunton, la question sur la langue maternelle présentait un portrait en retard déjà d’une génération au moment où elle était posée, tandis que la question sur la langue parlée à la maison permettrait d’avoir un portrait actuel, donc plus juste de la situation linguistique d’une population donnée.
Tableau 2
Population selon la langue parlée à la maison, Québec et Canada sans le Québec, 1971 à 1996
|
Français |
Anglais |
Autres |
Québec |
|
|
|
1971 |
4 870 100 (80,8 %) |
887 875 (14,7 %) |
269 790 (4,5 %) |
1981 |
5 253 070 (82,5 %) |
806 785 (12,7 %) |
309 220 (4,9 %) |
1991 |
5 651 795 (83 %) |
761 815 (11,2 %) |
396 695 (5,8 %) |
1996 |
5 830 082 (82,8 %) |
762 457 (10,8 %) |
452 547 (6,4 %) |
Canada sans le Québec |
|
|
|
1971 |
675 925 (4,3 %) |
13 558 360 (87,2 %) |
1 306 260 (8,4 %) |
1981 |
666 785 (3,8 %) |
15 568 530 (87,9 %) |
1 479 105 (8,3 %) |
1991 |
636 640 (3,2 %) |
17 678 730 (87,6 %) |
1 868 380 (9,3 %) |
1996 |
618 522 (2,9 %) |
18 532 417 (86,3 %) |
2 332 097 (10,9 %) |
Source: Recensement Canada 1971, 1981, 1991, 1996.
Le tableau 2 montre que de 1971 à 1996, en matière de langue parlée à la maison, le Québec et le Canada anglais se sont comportés sensiblement de la même façon. La proportion de la population de langue majoritaire, le français pour l’un, l’anglais pour l’autre est restée assez stable: de 80,8 % à 82,8 % pour le français au Québec et de 87,2 % à 86,3 % pour la langue anglaise au Canada anglais. Le français au Québec a augmenté de deux points, soit une augmentation de la proportion de 2,5 %. L’anglais au Canada anglais a baissé de 0,9 point, soit une diminution de 1 % de sa proportion de la population totale.
En ce qui concerne l’autre langue officielle respective, là aussi le comportement est semblable. Au Québec, l’anglais, langue parlée à la maison, est passé de 14,7% à 10,8 %, une baisse de 3,9 points, soit une diminution de la proportion de 26,5%. Au Canada anglais, la population de langue française parlée à la maison est passée de 4,3 % en 1971 à 2,9 % en 1996, soit une baisse de 1,4 point de pourcentage, lesquels représentent une diminution de la proportion de 32,6 %.
Les populations de langue parlée à la maison autre que le français et l’anglais, du Québec et du Canada anglais, ont suivi un cheminement parallèle, mais dans des proportions différentes. Au Québec, de 1971 à 1996, cette population est passée de 4,5 % à 6,4 % de la population totale soit un gain de 1,9 point et une augmentation de sa proportion de 42,2 %. Au Canada anglais, elle est passée de 8,4 % à 10,9 %, soit 2,5 points de pourcentage de plus, une augmentation de sa proportion de 29,8 %.
Que l’augmentation de la population de langue parlée à la maison autre que le français et l’anglais soit plus importante au Québec que dans le reste du Canada s’explique, d’une part, par le fait que la population immigrante est plus récente au Québec et, d’autre part, par le fait que les immigrants au Québec se retrouvent au sein d’un conflit linguistique, d’une guerre de langues, et qu’ils hésitent souvent à choisir. Encore là, on sent bien que les communautés culturelles sont un enjeu important.
Si les deux langues se comportent sensiblement de la même façon dans leur société respective, il n’en reste pas moins qu’un élément important les différencie. La comparaison du pourcentage de la langue maternelle au pourcentage de la langue parlée fait ressortir cette importante différence. En 1996, l’anglais passe de 76,6 % à 86,3 %, une augmentation de 9,7 points, ou 12,7 % d’augmentation. Le français au Québec n’a guère bougé, passant de 81,5 % à 82,8 %, un gain de 1,3 point, soit une augmentation de 1,6 %. En somme, l’anglais au Canada a fait d’importants gains sur les autres langues, lesquels lui ont permis de se consolider. Au Québec, le français réussit tout juste à se maintenir. Pour se comporter comme la langue anglaise, il doit faire le plein de transferts linguistiques.
3.3 Les transferts linguistiques
Les transferts linguistiques sont l’élément clé qui permet d’évaluer la force d’une langue. Votre mandat y fait nommément référence. Il vous est demandé de «préciser et [d’]analyser les plus importants facteurs qui influencent la situation et l’avenir de la langue française au Québec en fonction de l’évolution des principaux indicateurs, en particulier celui du taux de transferts linguistiques». Il y a transfert linguistique lorsqu’une personne délaisse sa langue maternelle au profit d’une autre qui devient alors sa langue d’usage, c’est-à-dire la langue parlée à la maison. Au sein d’une population, de multiples transferts linguistiques sont possibles. Ainsi quelqu’un peut avoir comme langue maternelle l’italien, le français ou l’anglais et avoir choisi, pour diverses raisons, respectivement l’anglais, l’espagnol ou le français comme langue d’usage. À ce jeu, certaines langues gagnent, d’autres perdent. Le tableau 3 présente l’évolution du solde des transferts linguistiques. Il s’agit du nombre de personnes qui ont le français, l’anglais ou une autre langue comme langue d’usage moins le nombre de personnes qui les avaient comme langue maternelle.
Tableau 3
Solde des transferts linguistiques, Québec et Canada sans le Québec 1971-1996
|
Français |
Anglais |
Autres |
Québec |
|
|
|
1971 |
+ 3 690 (+3,6 %) |
+ 99 045 (+96,4 %) |
– 102 735 (-100 %) |
1981 |
– 1 130 (-1 %) |
+ 113 180 (+100 %) |
– 112 050 (-99 %) |
1991 |
+ 66 150 (+32,8 %) |
+ 135 620 (+67,2 %) |
– 201 770 (-100 %) |
1996 |
+ 88 644 (+38,7 %) |
+ 140 599 (+61,3 %) |
– 229 243 (-100 %) |
Canada sans le Québec |
|
|
|
1971 |
– 250 475 (-18,2 %) |
+ 1 373 735 (+100 %) |
– 1 123 260 (-81,8 %) |
1981 |
– 256 810 (-17,4 %) |
+ 1 477 330 (+100 %) |
– 1 220 520 (-82,6 %) |
1991 |
– 339 780 (-17 %) |
+ 1 993 720 (+100 %) |
– 1 653 940 (-83 %) |
1996 |
– 351 680 (-16,9 %) |
+ 2 081 850 (+100 %) |
– 1 730 170 (-83,1 %) |
Source: Recensement Canada 1971, 1981, 1991, 1996.
En matière de transferts linguistiques, le français au Québec ne se conduit pas comme l’anglais dans le reste du Canada. Bien que le français au Québec ait vu sa part du solde des transferts linguistiques augmenter substantiellement de 1971 à 1996 passant de 3,6 à 38,7 %, il n’en reste pas moins que c’est bien en deçà de ce que devrait être sa part normale. En l’effet, si on le compare à l’anglais dans le reste du Canada qui s’accapare 100 % du solde des transferts linguistiques de 1971 à 1996, nous nous rendons compte que nous sommes en effet fort loin d’un comportement «normal» pour le français. En proportion de leur poids démographique respectif au sein de la société québécoise, le français augmente de 1,5 %, tandis que l’anglais progresse de 22,6 %. La disproportion est importante et augure mal de l’avenir du français au Québec. En effet, le solde des transferts linguistiques permet de mesurer la force des langues. Pendant longtemps, la langue française a pallié le peu de transferts linguistiques en sa faveur par un fort taux de natalité. Personne ne croit plus à une telle possibilité. L’avenir du français se jouera sur sa capacité d’accaparer la très grande majorité des transferts linguistiques. Règle générale, la plupart de ces transferts sont l’apanage des communautés culturelles. Les nécessités de la vie en société, l’école, le travail font en sorte que les immigrants, petit à petit, surtout ceux de la deuxième génération, adoptent une autre langue qui devient la langue maternelle de leurs enfants. Ils viennent alors grossir le nombre de locuteurs de la langue de la majorité. Au Canada anglais, par exemple, ils adoptent à l’unanimité l’anglais. Au Québec, à cause de la situation géolinguistique, ils choisissent ou le français ou l’anglais. Mais le contexte économique et culturel nord-américain et même le message porté par la plupart des dirigeants qui donnent à penser que le Québec est bilingue, font en sorte qu’ils préfèrent encore le plus souvent l’anglais.
Cette disproportion en faveur de la langue anglaise du solde des transferts linguistiques entraîne un risque important à long terme pour le français au Québec. En l’absence d’un taux de natalité qui assurerait le renouvellement de la population francophone, le Québec doit tirer profit des transferts linguistiques.
Un objectif acceptable et équitable serait que le français et l’anglais se répartissent le solde des transferts linguistiques en fonction de leur poids relatif selon la langue maternelle (15). Pour le français, cela représente 90 % du solde des transferts linguistiques et pour l’anglais 10 %. Tant et aussi longtemps qu’au Québec, le pouvoir d’attraction du français ne se rapproche pas suffisamment de cet objectif, il n’y a aucune raison de faire comme si tout allait bien dans le dossier linguistique.
Recommandation 11 Le gouvernement du Québec doit se fixer comme objectif prioritaire d’atteindre un solde des transferts linguistiques vers le français de l’ordre de 90 %. |
Pour réaliser cet objectif ambitieux, le gouvernement du Québec doit oeuvrer prioritairement, mais pas exclusivement, sur deux fronts: l’éducation et le monde du travail. Ce sont deux secteurs qui exercent un réel effet sur les transferts linguistiques: le premier touche les enfants et le second, leurs parents.
4. De l’éducation
En matière de promotion linguistique, l’école est un facteur important. Il n’y a qu’à se rappeler, entre autres, l’histoire linguistique canadienne. Au Canada, l’école a en effet servi de moteur à l’assimilation des francophones. Pendant près d’un siècle, les provinces anglaises ont limité, quand ce n’est pas interdit, l’école française, de telle sorte que les communautés francophones se sont rétrécies comme peau de chagrin. Plusieurs États américains ont constitutionnalisé l’anglais comme seule langue d’enseignement. La Constitution de 1920 du Nebraska, par exemple, fait de l’anglais la langue exclusive de toutes les institutions d’enseignement de son territoire: «les disciplines scolaires communes devront être enseignées dans cette langue [l’anglais] dans les écoles publiques, privées, confessionnelles et paroissiales». Dans plusieurs États, une autre langue que l’anglais est permise «pourvu que l’objet d’un tel programme soit de rendre les enfants compétents en anglais», selon la Constitution du Connecticut de 1983-1984 (16).
4.1 L’admissibilité à l’école anglaise
Le Québec a légiféré sur le tard en matière de langue d’enseignement. Il faudra attendre la crise de Saint-Léonard pour qu’en 1969 le gouvernement de Jean-Jacques Bertrand légifère en confirmant à toutes fins pratiques le libre choix de la langue d’enseignement, puisque les cours «sont donnés en langue anglaise à chaque enfant dont les parents ou les personnes qui en tiennent lieu en font la demande lors de son inscription». En 1974, Robert Bourassa, avec l’article 41 de la loi 22, limitait l’accès à l’école anglaise aux seuls élèves ayant une connaissance suffisante de l’anglais:
Les élèves doivent connaître suffisamment la langue d’enseignement pour recevoir l’enseignement dans cette langue.
Les élèves qui ne connaissent suffisamment aucune des langues d’enseignement reçoivent l’enseignement en langue français.
Facilement contournable, cette clause a été jugée insatisfaisante. Il faut attendre l’arrivée au pouvoir du Parti Québécois et la Charte de la langue française de 1977 pour qu’une limitation efficace de l’accès à l’école anglaise vienne endiguer l’hémorragie démographique qu’elle représentait pour le français. La loi 101 rend obligatoire l’école française sauf aux enfants dont les parents ont suivi leur enseignement en français au Québec. La Constitution canadienne de 1982, à laquelle le Québec n’a jamais adhéré, a permis au Canada d’obliger le Québec à élargir l’accès à l’école anglaise à tous les «citoyens canadiens qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, […] en anglais au Canada», pour reprendre les termes mêmes de l’article 23 (1b).
La Charte a permis un redressement important de la situation. Rappelons qu’au Québec, en 1976-1977, 20% des élèves allophones fréquentaient l’école française; 15 % dans l’île de Montréal. En 1997-1998, 80% des élèves allophones fréquentaient l’école française; 79% dans l’Île de Montréal.
Ce redressement est-il suffisant pour assouplir l’accès à l’école anglaise? Deux éléments importants sont à considérer. D’une part, il faut que les pourcentages des élèves allophones qui fréquentent respectivement l’école française et l’école anglaise soient en proportion du poids démographique de chacune des deux populations d’accueil. En regard de cette répartition équitable, à l’heure actuelle l’école anglaise va chercher deux fois son poids démographique, tandis que l’école française est en deçà de 10 points de pourcentage du sien. En somme, avant de libéraliser l’accès à l’école anglaise, le pourcentage des élèves allophones qui fréquentent l’école française doit atteindre 90%. Sinon, il est inutile d’espérer que la langue française aille chercher sa juste part des transferts linguistiques.
Recommandation 12 Le gouvernement du Québec doit maintenir la limitation de l’accès à l’école anglaise tant et aussi longtemps que 90 % des élèves allophones ne fréquenteront pas l’école française. |
L’école française est loin d’avoir atteint son plein d’élèves allophones et, à ce titre, il faut maintenir la limitation de l’accès à l’école anglaise. Bien plus, étant donné qu’il y a un certain phénomène de stagnation, il faut, si l’on veut atteindre l’objectif que doit se fixer le gouvernement du Québec, colmater les brèches qu’ont ouvertes les différentes modifications à la loi. En 1993, le gouvernement du Québec a remplacé «leurs études primaires» par l’expression «majorité des études», afin de se conformer à la Constitution de 1982 qui stipule à l’article 23 (2) que les «citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction». La technique consiste tout simplement à fréquenter pendant un temps indéterminé une école non subventionnée et l’enfant qui n’y avait pas droit acquiert le droit à l’école anglaise et le donne à ses frères et soeurs. Rappelons que l’étude la plus récente à ce propos signale que cette brèche, que le gouvernement doit colmater, n’a cessé de s’agrandir. «Selon les données du ministère de l’Éducation, en 1994-95, les écoles privées anglaises non subventionnées accueillaient 1 603 élèves non admissibles à l’enseignement en anglais; cinq ans plus tard, elles en recevaient 2 196, soit 37 % de plus (17)». Grâce à l’article 23 (2), ces enfants et leurs frères et soeurs acquièrent par ce subterfuge le droit à l’école anglaise. Le gouvernement du Québec doit agir puisqu’à la lumière de la cause Solski, il semble bien que la brèche va aller s’élargissant, puisque la notion de «majorité des études» a été jugée trop imprécise. La seule façon pour y arriver, c’est d’assujettir les écoles privées non subventionnées aux règles d’admissibilité à l’école anglaise.
Recommandation 13 Le gouvernement du Québec doit assujettir les écoles privées non subventionnées aux règles d’admissibilité à l’école anglaise de la Charte de la langue française. |
Si jusqu’à maintenant le gouvernement québécois n’a pas assujetti les écoles privées non subventionnées à la clause relative à l’accès à l’école anglaise, c’est tout simplement parce que l’école privée non subventionnée est un droit reconnu internationalement. Pourtant, assujettir l’école privée non subventionnée n’enlève pas ce droit, il ne fait que l’encadrer comme le font plusieurs États américains qui n’interdisent pas l’école privée, mais l’obligent à fonctionner en anglais. Ici, la restriction est encore plus timide puisqu’elle n’interdit pas l’école privée anglaise non subventionnée, mais l’oblige à appliquer la Charte en matière de recrutement des élèves.
4.2 Le collégial
Parce qu’il fait partie des études postsecondaires, donc qu’il n’est pas obligatoire au même titre que le préscolaire, le primaire et le secondaire, le collégial n’a jamais été assujetti à la Charte de la langue française. Depuis quelques années, plusieurs s’interrogent sur les conséquences de l’absence de limitation à l’admissibilité aux collèges anglophones.
Tableau 4
Allophones fréquentant les collèges du Québec, 1997-1999
|
Automne 97 |
Automne 98 |
Automne 99 |
Allophones |
17 470 (100 %) |
17 516 (100 %) |
16 758 (100 %) |
secteur français |
7 244 (41,5 %) |
7 143 (40,8 %) |
7 273 (43,4 %) |
secteur anglais |
8 935 (51,1 %) |
8 930 (51 %) |
8 283 (49,4 %) |
secteur bilingue |
1 291 (7,4 %) |
1 443 (8,2 %) |
1 202 (7,2 %) |
Source: Ministère de l’Éducation, Système d’information et de gestion des données de l’effectif collégial (SIGDEC)
Comme l’illustre le tableau 4, le collégial français ne va pas chercher la part des élèves allophones qui devrait être la sienne, c’est-à-dire 90 % des élèves allophones qui fréquentent les cégeps du Québec. Avec 41,5 %, 40,8 % et 43,4 % respectivement pour 1997, 1998 et 1999, nous sommes loin du compte. Il y a une importante déperdition par rapport au primaire et secondaire pour lequel le pourcentage était de 80 %. Cette importante déperdition favorise le collégial anglais qui fait nettement meilleure figure, faisant bon an mal an plus de 5 fois sa part, soit 49,4 % en 1999. Autre élément à prendre en considération est la forte présence d’élèves francophones au collégial anglais.
Tableau 5
Collèges anglophones du Québec, selon l’origine ethnique, 1997-1999
|
Automne 97 |
Automne 98 |
Automne 99 |
élèves inscrits |
32 379 (100 %) |
31 631 (100 %) |
30 454 (100 %) |
francophones |
6 959 (21,5 %) |
6 987 (22,1 %) |
6 798 (22,3 %) |
anglophones |
16 485 (50,9 %) |
15 714 (49,7 %) |
15 373 (50,4 % |
allophones |
8 935 (27,6 %) |
8 930 (28 %) |
8 283 (27,2 %) |
Source: Ministère de l’Éducation, Système d’information et de gestion des données de l’effectif collégial (SIGDEC)
Vingt-deux pour cent de la population étudiante des cégeps anglophones est francophone. Non seulement le collégial anglais va chercher énormément plus que sa quote-part chez les allophones, mais en plus, un nombre important d’élèves francophones le fréquentent sans que cela soit compensé par un nombre équivalent d’élèves anglophones inscrits au collégial français.
Recommandation 14 Le gouvernement du Québec doit assujettir le collégial aux règles d’admissibilité à l’école anglaise tant et aussi longtemps que 90 % des élèves allophones du collégial ne fréquenteront pas le secteur français. |
5. La langue de travail
Si pour l’enfant, l’école est le milieu de vie où il passe le plus clair de son temps, pour l’adulte, c’est le milieu de travail qui joue ce rôle. Avant la loi 22, aucun gouvernement n’avait vraiment touché à la langue de travail, même si une bonne partie des travailleurs québécois devaient se dépouiller de leur langue dès qu’ils passaient le seuil de l’usine ou du bureau. Avec la loi 101, le droit de travailler en français est garanti et une série de mesures sont mises de l’avant afin de le garantir et de franciser le milieu de travail. Si les lois 22 et 101 se sont attaquées à la francisation du monde du travail, c’est à cause de l’impact de la langue de travail sur l’attrait qu’exerce une langue. Comment convaincre les immigrants que cela se passe en français au Québec, s’ils doivent travailler en anglais?
Votre Commission, lors du colloque sur la langue de travail tenu le 16 février dernier, a été mise au courant de la situation catastrophique en cette matière: 28 % des entreprises touchées par les dispositions de la loi 101 n’ont pas atteint le degré de francisation requis, l’inactivité de 94 % des comités de francisation, le refus des entreprises de s’inscrire pour obtenir leur certificat de francisation, le morcellement en plusieurs entreprises afin de ne pas être assujetti aux dispositions relatives à la Charte, la généralisation du bilinguisme quel que soit l’emploi occupé, l’absence de manuels en français, etc. Tout spécialement dans la région montréalaise, le monde du travail fonctionne encore trop souvent en anglais.
Encore ici, le Québec doit se fixer des objectifs clairs afin de franciser le milieu de travail. Actuellement, il n’y a pas d’indicateurs facilement accessibles pour en mesurer la francité. Mais, à partir du recensement de 2001, il y aura une question à deux volets sur la langue de travail:
48 a) Dans cet emploi, quelle langue cette personne utilisait-elle le plus souvent?
Français
Anglais
Autre — Précisezb) Cette personne utilisait-elle régulièrement d’autres langues dans cet emploi?
Non
Oui, français
Oui, anglais
Oui, autre — Précisez
Cette question devrait permettre de prendre régulièrement la mesure linguistique du monde du travail. D’une part, elle permettra de mesurer le progrès parcouru en comparant les résultats québécois d’un recensement à l’autre, mais aussi de mesurer le chemin à parcourir par la comparaison avec la situation ailleurs au Canada. Les données que fournit le Rapport du comité interministériel sur la situation de la langue française peuvent servir de point de départ à l’établissement d’un objectif en matière de langue de travail.
Tableau 6
Pourcentage de la main-d’oeuvre selon le temps de travail en français, par région, Québec, 1971-1981
|
1971 |
1979 |
1989 |
Montréal métropolitain |
|
|
|
90 % et plus |
42 |
51 |
56 |
50 % – 89 % |
27 |
26 |
29 |
49 % ou moins |
31 |
23 |
15 |
Les autres régions du Québec |
|
|
|
90 % et plus |
84 |
87 |
88 |
50 % – 89 % |
11 |
10 |
9 |
49 % ou moins |
5 |
4 |
3 |
Le Québec |
|
|
|
90 % et plus |
64 |
70 |
73 |
50 % – 89 % |
19 |
18 |
18 |
49 % ou moins |
18 |
13 |
9 |
Le tableau 6 montre qu’il y a eu progrès, puisque que de 1971 à 1989, le pourcentage de la main-d’oeuvre travaillant plus de 90 % du temps en français est passé de 64 % à 73 %. Mais ce progrès est insatisfaisant en comparaison d’une certaine normalité. Un pourcentage plus acceptable est fourni par la situation dans le reste du Québec. Le pourcentage atteint est 88 %. Si l’on calcule que le français se conduit à peu près normalement ailleurs au Québec — sauf l’Outaouais où la fonction publique fédérale anglicise le milieu de travail –, c’est donc un objectif de 90 % qu’il faut viser, Nous sommes encore loin du compte.
Recommandation 15 Le gouvernement du Québec doit renforcer les règles en matière de francisation des entreprises de manière à ce que 90 % des travailleurs oeuvrent 90 % et plus de leur temps en français. |
De plus, le gouvernement doit cibler particulièrement le Montréal métropolitain puisque seulement 56 % des travailleurs y oeuvrent 90 % et plus de leur temps en français.
Le français ne peut pas faire des gains en matière de transferts linguistiques, si le Québec ne francise davantage pas son milieu de travail. Il est donc urgent de donner un coup de barre à la francisation du monde du travail, d’autant plus que les forces économiques de la mondialisation travaillent dans le sens inverse. Les entreprises qui s’installent ici refusent souvent de se plier à la langue de leurs travailleurs, comme elles le font ailleurs dans le monde. À leurs yeux, dans le contexte nord-américain, le Québec fait partie du marché anglophone. À cause de l’espèce de chantage à l’emploi qui s’exerce tout autant auprès de l’employé que du gouvernement, ces entreprises ont beau jeu d’imposer leur langue. Un renforcement de la réglementation en matière de francisation des entreprises risque d’entraîner des représailles du type «Sun Life», qui ont accompagné la promulgation de la loi 101 en 1977. Il ne faut pas se cacher la réalité. Mais d’un autre côté, l’amélioration de la situation de la langue française passe par ce redressement. S’il y a près de 25 ans, le Québec n’avait pas redressé la barre, où en serions-nous actuellement? Si le gouvernement du Québec ne fait rien, de plus en plus d’entreprises emprunteront la voie de la facilité et fonctionneront en anglais, du concierge au président, en passant par les communications internes et externes, sans oublier les manuels.
Recommandation 16 Le gouvernement du Québec doit revoir toute la législation en matière de langue de travail afin de la rendre plus productive pour le français. |
Recommandation 17 Le gouvernement du Québec doit assujettir les entreprises de 20 à 49 employés à l’obligation d’obtenir un certificat de francisation. |
En 1977, année de l’adoption de la loi 101, le milieu de travail était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. La bureautique et la robotique, entre autres, ont entraîné une diminution importante du nombre d’employés nécessaires pour faire fonctionner une entreprise.
Recommandation 18 Le gouvernement du Québec doit fournir à l’Office de la langue française les ressources nécessaires à l’application du programme de certification des entreprises en matière de francisation. |
Recommandation 19 Pour obtenir un contrat ou une subvention de l’ensemble de l’Administration publique (gouvernement, municipalités, commissions scolaires, collèges, universités, établissements de santé et de service sociaux, etc.), une entreprise doit posséder un certificat de francisation. |
Recommandation 20 Le gouvernement doit encadrer le droit pour un employeur d’exiger le bilinguisme de ses employés. |
Recommandation 21 Le gouvernement du Québec doit donner à l’Office de la langue française le pouvoir d’enquêter sur l’état de la francisation, même en dehors de plainte formelle. |
6. La qualité de la langue
Plusieurs s’inquiètent et avec raison de la qualité de la langue française au Québec. En assurer la qualité est essentielle pour empêcher une créolisation qui ferait en sorte que les Québécoises et les Québécois ne pourraient plus utiliser leur français dans le concert des nations francophones. Le problème que soulève cette question, porte sur la manière d’y remédier. Le système d’éducation est pointé du doigt, la langue des médias est sur la sellette. Évidemment agir sur eux ne peut qu’améliorer les choses, mais rien ne changera si l’impact de l’anglais sur la société québécoise n’est pas diminué.
Plus vous êtes exposés à un bilinguisme systématique, plus vous affaiblissez votre langue maternelle. La performance en français des élèves de l’Outaouais, en règle générale inférieure à celle de leurs collègues du reste du Québec, se conjugue avec une performance en anglais habituellement nettement supérieure. Les élèves francophones du Québec réussissent mieux en matière de langue maternelle que leurs homologues des autres provinces, mais moins bien que leurs collègues européens.
Dans tout débat sur l’impact du bilinguisme sur la qualité de la langue, il y a toujours quelqu’un pour souligner le cas d’un tel dont l’excellente connaissance des deux langues montre qu’il n’y a pas de problème à être exposé systématiquement à deux langues. Quand ce n’est pas l’intervenant lui-même qui se donne en exemple. Malheureusement, un cas ou quelques cas ne font pas la règle. L’exposition collective à deux langues entraîne un affaiblissement de la langue maternelle. Au Québec l’omniprésence de l’anglais a un effet sur la qualité de la langue. Il faut donc que le gouvernement prenne des mesures afin de minimiser la bilinguisation de la société québécoise. Impératif français en suggère trois parmi bien d’autres.
Recommandation 22 Le gouvernement du Québec doit rétablir l’unilinguisme dans l’affichage public. |
Recommandation 23 Le gouvernement du Québec doit revoir sa politique en ce qui concerne l’enseignement de l’anglais en troisième année. |
Recommandation 24 Le gouvernement du Québec doit investir afin de permettre aux Québécoises et Québécois d’avoir accès à du contenu francophone sur Internet, dans les médias, dans les cinémas, etc. |
Conclusion
Impératif français souhaite que la Commission des États généraux sur la situation de la langue française au Québec fasse preuve d’audace. La Commission doit prendre en compte les grandes lois de la concurrence linguistique. Le français au Québec ne peut survivre à long terme si, au plan linguistique, ses frontières ne sont pas plus imperméables. La Commission doit considérer que le français au Québec ne se conduit pas comme une langue majoritaire. À ce titre, l’analyse des transferts linguistiques laisse appréhender un affaiblissement à long terme de la langue française au Québec. Pour s’assurer que lorsqu’ils choisissent d’effectuer un transfert linguistique, les allophones choisissent en nombre suffisant la langue française, il faut resserrer la loi 101. D’une part, il faut boucher les trous qui facilitent l’accès à l’école anglaise et en appliquer les règles à l’ordre collégial. D’autre part, il faut résolument franciser le monde du travail, à défaut de quoi, la société québécoise se bilinguisera encore plus.
P.-S. Nous annexons deux analyses qui, à leur façon, viennent étayer le contenu de ce mémoire. Ces deux analyses sont aussi accessibles sur Internet aux adresses suivantes :
1- Le Canada l’admet officiellement… Le français est en péril au Canada
Une analyse de la situation réelle de la francophonie canadienne à l’occasion de la tenue du VIIe Sommet de la Francophonie à Moncton et de la venue prochaine des IVes Jeux de la Francophonie à Ottawa.
2- La disparition tendancielle ou l’extinction intergénérationnelleUne analyse sur le recul dramatique du français au Canada. Sans l’ombre d’un seul doute, le Canada anglicise. Cette oeuvre assimilatrice du Canada quoiqu’en disent les politiciens de tout acabit agit comme un véritable rouleau compresseur culturel.
Impératif français
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J9H 5E7
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Site : https://www.imperatif-francais.org
IMPÉRATIF FRANÇAIS,
PLUS DE VINGT-CINQ ANS À BÂTIR L’AVENIR
1. RMR-Hull (région métropolitaine de recensement) : Val-des-Monts, Aylmer, Chelsea, La Pêche, Hull, Gatineau.
Jean A. Laponce, Langue et territoire, Québec, Presses de l’Université Laval, CIRB, 1984, p. 64.
François Gauthier, Jacques Leclerc et Jacques Maurais, Langues et constitutions. Recueil des clauses linguistiques des constitutions du monde, Québec, Publications du Québec, 1993, 130 p.
André Siegfried, Le Canada, les deux races, 1906 (voir Guy Bouthillier et Jean Meynaud, Le Choc des langues au Québec 1760-1970, Montréal, les Presses de l’Université du Québec, 1972, p. 312-316).
Rapport du Comité interministériel sur l’enseignement des langues aux néo-Canadiens, ministère de l’Éducation, ministère des Affaires culturelles, 27 janvier 1967, 54 pages.
Blair Neatby, «À propos d’une chronologie», Langue et société, n° 1, automne 1979, p. 25.
Ibidem.
Claude Papineau, «Ottawa veut négocier des garanties linguistiques pour ses fonctionnaires», Le Devoir, 4 octobre 1977.
Lise Bissonnette, «Les décentralisateurs centralisent», Le Devoir, 31 juillet 1979.
Jean A. Laponce, Langue et territoire, Québec, Presses de l’Université Laval, CIRB, 1984, p. 95.
Jacques Leclerc, La Guerre des langues dans l’affichage, p. 84.
Richard J. Joy, Language in Contact: The Canadian Experience, Toronto, McLelland and Stewart, 1972.
Jacques Leclerc, Langue et société, Laval, Mondia, 1986, (Synthèse), p. 77-78.
Québec, Publications du Québec, 2001, coll. Études, recherches et statistiques, 197 p.
Langue maternelle française (LMF), langue maternelle anglaise (LMA).
Formule:
Pour le français LMF / (LMF + LMA), soit 81,5 / (81,5 + 8,8) = 90,3 %.
Pour l’anglais: LMA / (LMF + LMA), soit 8,8 / (81,5 + 8,8) = 9,7 %.
François Gauthier, Jacques Leclerc et Jacques Maurais, Langues et constitutions. Recueil des clauses linguistiques des constitutions du monde, Québec, Publications du Québec, 1993, 130 p.
Jean-Pierre Proulx, «La Charte canadienne a creusé un trou dans la loi 101. Quatre cents élèves passent à l’école anglaise chaque année», Le Devoir, 25 janvier 2001.