Autopsie
d’une parodie de justice à la STCUM
Comment pouvons-nous évaluer la façon qu’a la STCUM de se prévaloir des obligations et des responsabilités qu’elle a aussi bien envers ses clients que ses employés lorsqu’elle fait face au scénario de plainte suivant contre un agitateur qui tente de sensibiliser ses camarades de travail à leur droit de travailler en français ? : |
Le
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*Regardons un instant dans la tête de notre gestionnaire
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Cet employé trouble-fête, parmi nos employés et notre clientèle, contrevient donc, pense notre gestionnaire fortement ébranlé, à la longue tradition (nous savons comment en droit anglais la tradition fait souvent office de loi) de bilinguisme de la STCUM envers ses clients et qui a même réussi à traverser intacte les premiers et difficiles tiraillements causés par la venue de la loi 101. Lui-même n’ayant pas été témoin de l’incident qui fait l’objet de la plainte du client, il devra alors baser son jugement sur la seule subjectivité et sur ce qu’il sait être les intentions réelles de son employeur sans se laisser inutilement distraire par ce qui constitue le discours bêtement officiel et obligé de celui-ci. Chose certaine, si rien n’est fait, ce petit cauchemar isolé risque de devenir un fardeau quotidien impossible à gérer qui pourrait même porter atteinte, dans un domaine d’ailleurs hautement sensible, à la réputation enviable de la STCUM, pour ne rien dire de la façon que pourraient en être affectés des revenus qui sont aussi, lui dit-on, toujours à la baisse. En plus, se dit-il pour retrouver courage et se donner raison dans son rôle, bien réel mais inavoué, de Ponce Pilate du droit à la langue française de ses employés, ses supérieurs ne lui ont-ils pas déjà assez dit : la raison d’être de la STCUM n’est pas d’être au service de ses employés mais bien d’être au service de sa clientèle. Ainsi se conclut prématurément la trajectoire rapide, inévitable et prévisible de son examen de conscience dans laquelle sa programmation de parfait gestionnaire ne pouvait éviter de le mener à toute allure. Aussi, et cela il le sait de façon toute viscérale, ce n’est seulement qu’au prix du plus grand risque pour la sécurité ou l’avancement de sa carrière qu’il pourrait en être autrement. Il peut, dès lors en toute bonne conscience, se laver les mains de toutes les infamies qu’il est sur le point de commettre au nom de sa transcendante éthique d’entreprise. S’il est en plus possible, comme c’est normalement le cas pour tout cadre dans toute hiérarchie pyramidale d’entreprise, que ses gestes puissent améliorer ses chances d’ascension personnelle dans l’entreprise, sa conscience tranquille, ou plus justement ce qui chez-lui fait office de conscience, peut alors se doubler du plaisir qu’il prend à se contempler dans son escalade anticipée vers les sommets. |
Retournons brièvement à la farce à laquelle notre employé est convoqué.
L’employé changeur : l’employé est convoqué non pas pour pour avoir parlé français, car ce serait illégal, mais est donc convoqué pour avoir eu une attitude non souhaitable avec la clientèle. Le gestionnaire lui rappelle le lieu, la date et l’heure de l’incident. Très souvent, un mois ou plus s’est écoulé depuis. S’il a bonne mémoire ou travaille dans un lieu peu fréquenté par les anglophones, il s’en souviendra peut-être; qu’il ait bonne mémoire ou pas et travaille en milieu de grand achalandage anglophone, il aura sans doute oublié. De vive voix, ce qui est omis de la convocation écrite (la STCUM sait comment se tenir dans la loi), il lui rappelle alors que le client était un anglophone. Il sait dès lors qu’il a été attiré dans un piège. Il sent que ce qui est désormais attendu de lui n’est pas tant son explication que sa conformité à un bilinguisme qui cesserait tout de suite de rendre son attitude potentiellement non souhaitable. Au-delà même des mots, le message subliminal a déjà été lancé et commence peut-être même à faire son oeuvre. Il dit qu’il accueille tout client en français et avec courtoisie. Que parfois certains anglophones quand il leur répète en français ce qu’il croît s’être fait demander, comme c’est souvent son habitude avec toute la clientèle pour être sûr d’avoir bien entendu au travers du vacarme du métro, se fâchent de ne pas se faire adresser la parole dans leur langue. Comme son droit de travailleur francophone d’ailleurs le lui permet, il leur demande alors s’ils parlent un peu français. S’ils s’obstinent, il les invite donc à lui soumettre leur argent et leur signifie que la transaction devra donc se faire dans le langage universel des signes. Selon l’argent qui lui est remis, il propose ensuite des titres qui tombent sous la coupure ou la pièce de monnaie qui lui est glissée. Si l’impasse se poursuit, il pourra même leur montrer une affiche en 5 langues, dont l’anglais, les rappelant à son droit de travailleur francophone du Québec et à l’obligation qui est la leur. Eux n’ont droit qu’à sa courtoisie même si celle-ci se fait plus virile en raison de l’agressivité, de l’arrogance et de la présomption de leur attitude. La convocation se termine et notre gestionnaire dit qu’il va réfléchir et qu’il se donne une semaine, ou à peu près, pour rendre sa décision. |
*Regardons
une dernière fois dans la tête de notre gestionnaire
Donc, quand il reçoit l’employé en convocation pour écouter sa version des faits, sa décision est déjà prise. Bien sûr, il essaiera de ramener le perturbateur à la raison, comme cela lui a aussi été enseigné, par des techniques de persuasion dont lui-même, ses confrères et supérieurs ont eux-mêmes éprouvé l’efficacité avec le temps ou qu’ils ont dénichées dans un quelconque cours spécialisé en gestion de personnel. S’il n’est pas non plus un habitué du « Prince » de Machiavel, il pourra même, dans son esprit endoctriné à ce que vous savez, confondre la justice réelle avec la caricature de justice dont il est sur le point de démarrer la mécanique aveugle et dont ils se fait le pantin heureux et consentant. La gradation mesurée des sanctions qu’il imposera par la suite à l’employé le confortera encore davantage dans sa conviction erronée qu’il y a là un processus, d’ailleurs si judicieusement dosé, qu’il ne peut être sûrement rien d’autre que le moyen par lequel toute justice cherche à se manifester. L’illusion est parfaite et répond pleinement, de surcroît, aux attentes et aux volontés d’un invisible dieu dispensateur de justice dont la loi parvient des sommets sacrés et anonymes de sa pyramide dont il est le prêtre serein et soumis. Il n’est pas libre mais n’en souffre tout de même pas pour autant car il joue de façon convaincue dans son petit théâtre ce simulacre sous les regards bienveillants de ceux dont les encouragements et l’approbation comptent pour lui plus que quiconque et qui sont, il le sait bien, ses seuls et vrais mécènes. Donc, pour notre employé, la seule et vraie justice, si jamais elle vient, devra venir d’ailleurs et seulement suite à de dissuasifs et interminables processus de griefs qui le convaincront vite de la sagesse supérieure d’un comportement parfaitement bilingue. Il finira peut-être un jour par gagner son grief mais il aura peut-être aussi réussi à perdre dans ce pénible processus, ce droit duquel, dans sa naïveté, avaient réussi à le convaincre les artisans justes de la loi 101. |
Robert
Choquette