UN COMPROMIS, SANS PLUS
Le ministre Bernard Landry et la Bourse de Montréal en sont venus à une entente.
L’institution torontoise qu’est la Bourse de Montréal a donc consenti à un certain
compromis. C’est mieux que rien mais ce n’est rien d’autre qu’un compromis. Le milieu des
affaires acquiesce du bout des lèvres.
Bien sûr, on peut toujours plaider que le Québec sauve les meubles. On peut même
souscrire à l’optimisme de commande sur l’avenir radieux des produits dérivés, un
avenir si radieux lorsqu’il est défini par Toronto. Mais un compromis est un compromis.
Encore une fois, le Québec doit composer plutôt qu’orienter. Telle est la logique du
minoritaire. Tel est le prix de la minorisation.
Il faut le dire franchement, le gouvernement du Québec ne pouvait faire à lui seul
cette bataille. Or, depuis le début de cette opération, le milieu financier québécois
a manqué de vigilance. Et il a manqué de vigilance parce que sa capacité d’initiative
souffre d’un grave déficit : l’érosion des masses critiques et de la diversification
institutionnelle indispensables à la créativité et au questionnement stratégique.
L’attitude insouciante, pour ne pas dire irréfléchie, dont font preuve trop de
Québécois et la quasi totalité des institutions publiques québécoises sont
responsables de cette situation. Nous avons confié à Toronto l’essentiel de la gestion
de nos caisses de retraite. Des milliers et des milliers d’emplois sont créés là-bas
grâce à l’argent québécois. Les gestionnaires qui pourraient donner à Montréal une
masse critique intéressante doivent leur carrière torontoise à l’ineptie québécoise.
La conduite du Mouvement Desjardins dans l’affaire Canagex a montré jusqu’à quelle
absurdité cela pouvait conduire.
Si, par ailleurs, on tient compte également de tous les emplois et de l’expertise que
les placements effectués par ces caisses gérées de Toronto créent dans les entreprises
et les institutions où elles investissent, force est de constater que les milieux
financiers montréalais sont les instruments de leur propre turpitude. Gérées ici,
investissant ici, les caisses de retraite québécoises pourraient changer la donne.
Par ce compromis, Bernard Landry évite le pire. Par une action vigoureuse sur la
gestion des caisses de retraite des travailleurs du Québec et par des normes de placement
touchant les REER, il pourrait préparer une relance audacieuse. Une relance qui donnerait
au milieu financier les moyens d’un courage qui, à l’évidence, n’a pas été au
rendez-vous chez les leaders économiques. Le ministre de l’économie et des Finances a
pris acte. Mais il doit trouver les moyens de reprendre l’initiative. Il peut susciter la
création d’une Bourse électronique d’avant-garde.
L’érosion des masses critiques le condamne à agir avec des moyens qu’il aimerait sans
doute mieux voir prendre spontanément par un milieu plus conscient et mieux outillé pour
faire valoir ses intérêts. Cette action de l’état pour pallier aux carences de notre
structure économique reste encore au coeur de l’argumentation pour l’émancipation
économique du Québec. Sans cette action, la classe d’affaire québécoise assistera,
impuissante, à la succursalisation de l’économie québécoise.
Robert Laplante
Directeur
L’Action nationale
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