Oui au plurilinguisme pour contenir l’irrésistible ascension de
l’anglais
GENEVE, 6 nov (AFP) – Le symposium sur le plurilinguisme dans les organisations
internationales a clos vendredi à Genève ses deux jours de travaux par l’adoption
de recommandations visant essentiellement à contenir l’irrésistible ascension de
l’anglais.
Réunis à l’initiative de l’Organisation internationale de la francophonie, les
fonctionnaires internationaux et diplomates souhaitent notamment que soit mis en
place une commission d’observation et de protection du plurilinguisme au sein des
organisations internationales pour veiller à l’usage de plusieurs langues de travail.
Cette commission pourrait fonctionner comme l’organe de réglement des conflits au sein
de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Partant du principe que la diversité linguistique est un facteur de démocratie, le
symposium souhaite que le recrutement des fonctionnaires internationaux tiennent compte
davantage de leurs connaissances linguistiques.
L’ONU travaille théoriquement en deux langues, le français et l’anglais mais, dans
les faits, essentiellement en anglais. Elle a institué six langues officielles, outre les
deux premières, l’espagnol, l’arabe, le chinois et le russe, pour faire travailler et
dialoguer ensemble les représentants de ses 185 Etats-membres où quelque 3.000 langues
sont parlées.
Ce qui signifie que tous les documents officiels doivent être traduits dans ces six
langues. Un Etat peut toujours faire traduire à ses frais les documents qui l’intéresse.
Mais, le souci d’efficacité, les coûts de fonctionnements, et les régions d’origine
des experts, ont largement entamé l’application de ces principes au profit de plus
en plus exclusif de l’anglais.
C’est précisément pour lutter contre cette tendance que le symposium souhaite revenir
aux principes de base.
"Le plurilinguisme coûte annuellement à peine le prix d’un char aux
organisations internationales", a affirmé lors du symposium Boutros Boutros-Ghali,
secrétaire général de la Francophonie et ancien secrétaire général de l’ONU.
Il appartient aux hommes et aux femmes politiques d’imposer ce concept dans les
relations internationales pour ancrer dans les faits la diversité culturelle, ont estimé
plusieurs intervenants dans les différents ateliers de réflexion de ce symposium.
Une décision politique qui a déjà bénéficié à l’arabe et à l’espagnol dans les
organisations internationales face aux quatre langues officielles d’origine de la
création de l’ONU en 1946, correspondant à celles des cinq membres permanents du Conseil
de sécurité, les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l’URSS de l’époque, la Chine et la
France.
"Nous sommes capables de payer pour défendre les baleines et les tigres du
Bengale", a fait remarquer en français M. Boutros-Ghali, Egyptien polyglotte.
"Nous devons l’être pour la défense du plurilinguisme".
A cet égard, les organisateurs de ce symposium ont été particulièrement attentifs
à ce que leur réunion ne se transforme pas en une défense et illustration de la langue
française face à l’anglais tout puissant.
Un objectif peut-être réussi sur le plan théorique, mais qui n’a pu être atteint
qu’à travers l’usage exclusif du français.
Conscient de cet écueil, le symposium a suggéré que l’Organisation internationale de
la francophonie sensibilise les autres associations de pays anglophones, comme le
Commonwealth, lusophones ou hispanophones, à ces questions du multilinguisme.
Les conclusions de ce symposium seront transmises à la réunion ministérielle des
pays francophones qui se tiendra début décembre à Bucarest, en Roumanie.