MÉMOIRE

Mémoire

sur

L’immigration au Québec 2001 -2003

Un choix de développement

Présenté à la Commission de la Culture

par la Confédération des syndicats nationaux

Août 2000

Présentation

Nous remercions les membres de la Commission de la culture de nous permettre
d’exposer notre point de vue dans le cadre de la consultation portant sur
L’immigration au Québec 2001-2003, un choix de développement.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) regroupe plus de 250 000
membres répartis sur l’ensemble du territoire québécois et oeuvrant dans
l’ensemble des secteurs d’activité. La CSN s’est toujours intéressée aux grands
débats de la société québécoise et a à coeur le développement de notre société
et l’épanouissement des individus. Elle a sans cesse porté une attention toute
particulière aux questions relatives à l’immigration.

Miroir de la société québécoise, la composition de plusieurs des syndicats
affiliés à la CSN s’est transformée au cours des dernières années et on y retrouve
un nombre croissant de travailleuses et de travailleurs issus des communautés
culturelles. Dans la région de Montréal, un bon nombre de nos syndicats
regroupent une majorité de membres des communautés culturelles dont plusieurs
immigrants et immigrantes récemment arrivés au Québec.

Nous sommes conscients des problèmes rencontrés par ces travailleuses et ces
travailleurs dans leur intégration sociale et économique et plus particulièrement
dans leur intégration au travail et des défis qui sont à relever. Beaucoup de
travail reste à faire pour éliminer toutes les formes de discrimination dans les
entreprises, favoriser une plus grande participation des membres issus des
communautés culturelles aux activités du syndicat local et assurer une plus forte
présence dans les différentes structures syndicales.

Afin d’alimenter notre réflexion, de développer nos orientations et de supporter
les syndicats dans ce travail, la CSN s’est dotée, depuis de nombreuses années,
d’un Comité confédéral sur les relations interculturelles et raciales dont le
mandat est d’agir comme conseiller en matière d’immigration et de travailler de
concert avec les instances de la CSN à définir les orientations du mouvement sur
cette question.

Au cours de la dernière année, le Comité a travaillé à favoriser les
rapprochements interculturels. Dans le cadre d’un projet en collaboration avec
l’UQàM et des organismes regroupant des communautés culturelles, il a
contribué à faire connaître l’apport des communautés culturelles, à l’histoire du
Québec. Se préoccupant de l’intégration, les membres du comité ont participé à
diverses activités de formation et de sensibilisation et ils ont assuré un suivi du
dossier de la francisation en milieu de travail.

La CSN est aussi présente au Conseil d’administration du CAMO personnes
immigrantes et a participé au fil des ans aux différentes consultations qui ont
porté sur cette question.

Compte tenu de l’expertise développée par la CSN dans la sphère des relations
ethnoculturelles et de l’intégration en milieu de travail des nouveaux arrivants et
des membres des communautés culturelles, nous nous attarderons plus
spécifiquement, dans le cadre de ce mémoire, sur les orientations retenues par le
ministre.

Par la suite, nous aborderons très succinctement, les scénarios proposés pour
circonscrire nos commentaires sur certaines conditions qui sont essentielles
pour la réussite de tels objectifs.

Les orientations proposées

La CSN souscrit aux orientations générales proposées qui prennent en compte les
enjeux
démographique, linguistique et économique et désire y apporter quelques commentaires.

Augmenter le volume total d’immigration, en tenant compte de la capacité
d’accueil du marché de l’emploi, des services publics et de la société.

On se doit de reconnaître que la société québécoise et sa population ont beaucoup
évolué au
cours des dernières années. D’ailleurs, nous pouvons observer cette situation à
l’intérieur de
notre mouvement où on note un changement qualitatif important tant en ce qui concerne
l’évolution des mentalités que l’atténuation des préjugés.

Nous sommes en accord avec une hausse graduelle du volume de l’immigration mais dans le
respect de certaines conditions. Nous sortons d’une période de conjoncture économique
morose et difficile qui a fragilisé l’accueil d’un plus grand nombre de nouvelles
arrivantes et de nouveaux arrivants. Le déficit démographique du Québec est toujours
aussi préoccupant. Par contre on se doit de constater que le contexte économique actuel
s’est modifié et que le marché du travail est plus dynamique, donc davantage favorable
à l’intégration.

Certains pourraient être tentés de retenir un scénario en fonction uniquement de ces
deux
considérations. Mais la situation actuelle nous oblige à considérer de plus les besoins
de la
société québécoise et l’état de sa capacité d’accueil.

C’est pourquoi, nous souhaitons que l’approche privilégiée tienne compte des
conditions
d’accueil et d’intégration des personnes immigrantes dans la société québécoise et
conséquemment de notre capacité de mettre en place et d’offrir des services facilitant
une
intégration harmonieuse à la société québécoise et ce tant aux niveaux linguistique,
résidentiel, scolaire, professionnel que social.

Il ne faut pas être obnubilé par le concept " immigration, facteur de
développement économique et démographique pour le Québec ", mais faire preuve de
réalisme dans les choix à faire.

Faire reposer l’essentiel de cette augmentation sur un accroissement du
nombre et de la proportion des immigrants connaissant le français, afin qu’à
moyen terme, la majorité des immigrants admis connaissent le français.

Nous reconnaissons que la connaissance du français est un atout important pour le
Québec et
un facteur déterminant pour une intégration réussie. Nous avons pu observer à maintes
reprises que la méconnaissance du français est souvent l’obstacle majeur à une
intégration réussie au marché du travail.

Nous sommes en accord pour qu’il y ait une progression de l’immigration francophone
afin qu’à moyen terme, la majorité des immigrantes et des immigrants admis connaissent
le français. Mais l’atteinte d’un tel objectif peut être difficile comme on a pu le
constater dans le passé.

Parallèlement, nous croyons que des efforts accrus doivent être faits afin de mettre
à la
disposition des personnes immigrantes non francophones des services d’apprentissage du
français et offrir un plus grand nombre d’outils pour leur permettre de le maîtriser
plus
rapidement.

D’autres besoins doivent être pris en compte et exigent une intervention du
gouvernement: le
perfectionnement en français pour les personnes en ayant une connaissance insuffisante,
l’apprentissage du français en lien avec une formation professionnelle, l’apprentissage
d’un
vocabulaire professionnel et technique et la formation linguistique en milieu de travail.

Des fédérations de la CSN, en particulier les fédérations du Commerce, de la
Construction et de la Métallurgie ont développé au cours des années une expertise et
ce en collaboration avec
divers organismes pour offrir des cours de français en milieu de travail. Ces programmes
de
formation ont suscité beaucoup d’intérêt chez nos membres. Il faut donc poursuivre et
intensifier les efforts de francisation en milieu de travail et inciter fortement les
employeurs à
procéder à des ententes portant sur la mise en place de tels programmes car la formation
en
milieu de travail nécessite une étroite collaboration entre l’employeur et le syndicat.

Nous considérons donc que l’apprentissage du français doit être une priorité et que
le
gouvernement doit accentuer les programmes d’apprentissage du français en milieu de
travail, rendre disponibles les ressources nécessaires et en assurer le financement.

Maintenir les exigences de sélection mettant l’accent sur la recherche de
candidats possédant des compétences professionnelles favorisant une insertion
rapide dans le marché du travail.

Cette orientation s’inscrit en continuité avec l’approche québécoise de favoriser
les travailleuses et travailleurs étrangers présentant de fortes possibilités
d’employabilité et de mobilité professionnelle, donc des personnes scolarisées,
spécialisées, qualifiées et compétentes. Ce qui est privilégié ce sont les
caractéristiques qui permettront aux nouveaux arrivants de s’intégrer rapidement au
marché du travail.

L’immigration est considérée comme un levier important pour relever des défis du
marché du
travail, mais il faut se prémunir contre une vision économique et utilitariste qui
pourrait
engendrer certains effets pervers: attentes irréalistes, désillusion, processus
d’intégration plus
difficile, etc.

De même, il faut éviter le piège d’être exclusivement à la recherche de candidates
et de candidats présentant le profil idéal et répondant à des besoins spécifiques de
main-d’oeuvre et ne pas prendre en compte l’apport que pourraient avoir, pour la société
québécoise, des personnes ayant des caractéristiques différentes.

Le Québec cible son recrutement dans des secteurs de pointe qui exigent des
compétences et
des qualifications spécifiques, et ce tout particulièrement dans ceux où il y a
actuellement une pénurie de main-d’oeuvre. Il ne faudrait pas que le recrutement des
personnes qualifiées pour ces emplois entraîne un certain laxisme de la part du
gouvernement, plus spécifiquement du ministère de l’éducation, en ce qui a trait à
l’offre de formation professionnelle et technique dans ces secteurs. Il faut que les
Québécoises et les Québécois, jeunes et adultes, aient accès aux programmes de
formation qui qualifient pour ces emplois.

Ces brèves observations, invitent donc à la prudence et à la vigilance quant au
scénario à
retenir.

Les scénarios

Dans le cadre de cette consultation, nous ne retenons pas un scénario en particulier.
Nous
appuyons le fait que le Québec maintienne une politique d’ouverture et poursuive ses
efforts
pour accueillir de façon conséquente les nouvelles immigrantes et les nouveaux
immigrants et assure la mise en place de moyens permettant aux nouveaux venus et à la
société d’accueil de vivre en harmonie. Nous croyons que le Québec doit s’inscrire en
continuité et favoriser une progression soutenue et réaliste des niveaux d’immigration.
Le scénario retenu se doit aussi de tenir compte des contraintes objectives, des budgets
disponibles et de l’impact sur la
composition de la population québécoise.

Plusieurs pourraient être tentés, compte tenu des défis à relever pour le Québec,
de proposer un scénario qui viserait à accélérer de façon importante le nombre
d’admissions.

Nous sommes très sensibles au fait que des augmentations massives du volume des
admissions pourraient avoir des conséquences déplorables pour la société québécoise
et engendrer, tel que souligné dans le document, une rupture importante de la dynamique
et des déséquilibres
démographiques, ce qui serait déplorable. C’est pourquoi, nous appelons à un choix
conséquent.

Mais peu importe l’hypothèse privilégiée, il nous apparaît urgent de procéder à
la mise en
oeuvre de certaines conditions qui sont des incontournables pour contrer les obstacles et
atteindre une intégration harmonieuse des nouveaux arrivants entre autres augmenter les
ressources disponibles à l’accueil, au soutien à l’établissement, à la francisation,
à la
reconnaissance des acquis et des compétences, à la recherche d’emploi.

Au cours des dernières années on a pu observer les effets néfastes des compressions
budgétaires dans les services offerts aux nouveaux arrivants. L’augmentation du nombre
d’admissions nécessitera en corollaire que des efforts supplémentaires soient faits pour
rendre accessibles les services répondant à l’ensemble de leurs besoins.

Des enjeux liés à l’intégration au travail

Nous tenons à attirer l’attention des membres de la Commission de la culture sur des
conditions qui sont essentielles à l’insertion socioprofessionnelle des nouveaux
arrivants et qui nécessitent des interventions particulières.

La reconnaissance des acquis scolaires et des compétences professionnelles

Le problème de la reconnaissance des compétences professionnelles et des
équivalences
scolaires reste un problème de taille pour les nouveaux arrivants. Nous attendons avec
beaucoup d’intérêt la sortie de la Politique gouvernementale sur la formation continue
et nous
souhaitons que la reconnaissance des équivalences scolaires et des compétences des
immigrantes et des immigrants y soit retenue comme une priorité. La future politique doit
insister
sur l’urgence d’en arriver à une solution concrète et exhorter le gouvernement et les
différents
acteurs et tout particulièrement les ministères, les établissements d’enseignement et
les
corporations professionnelles à accélérer la réponse à ces besoins et à mettre en
place des
mécanismes souples, simples et peu coûteux.

Ces mécanismes doivent être facilement accessibles afin de permettre une réponse
rapide aux demandes pour que les immigrantes et les immigrants puissent utiliser leur
plein potentiel et intégrer le milieu de travail dans les plus brefs délais. Plus
spécifiquement, les ordres professionnels doivent redoubler d’efforts pour accélérer et
faciliter l’accès aux mécanismes de reconnaissance aux professions réglementées.

Par ailleurs, compte tenu des besoins particuliers de certaines immigrantes et de
certains
immigrants, le ministère de l’éducation se doit d’accentuer ses efforts afin d’offrir
des cours
d’actualisation professionnelle ou de mise à niveau.

Les stages en milieu de travail

Le projet du CAMO personnes immigrantes a démontré l’apport très positif des stages
comme mesure d’insertion socioprofessionnelle. Les résultats de cette expérience sont
fort éloquents. L’immersion socioprofessionnelle permet de suppléer à la non
reconnaissance d’acquis scolaires
et de compétences acquises à l’extérieur du Québec pour un certain nombre
d’immigrantes et
d’immigrants. Comme on a pu le constater, l’implication des différents partenaires est
essentielle à la réussite d’un tel projet.

La CSN soutient les recommandations du CAMO personnes immigrantes adoptées lors du
Forum Partenaires pour l’intégration à l’emploi des personnes immigrants en novembre
1999,
visant à faire de ce projet une mesure permanente accompagné du financement récurrent.

L’information et la sensibilisation

Le gouvernement doit informer les personnes immigrantes potentielles et ce, avant leur
arrivée, des réalités sociales et politiques québécoises.

Une attention toute particulière devrait être apportée pour renseigner les nouveaux
arrivants sur le fonctionnement, les exigences et les pratiques du marché du travail
québécois de même que sur les codes et les façons de faire.

Le gouvernement québécois doit aussi poursuivre ses efforts pour informer et
sensibiliser
adéquatement la population sur les enjeux relatifs à l’immigration et à la venue des
nouveaux
arrivants et soutenir de façon conséquente ses actions en matière d’immigration tout en
portant une attention toute particulière aux régions.

Des contraintes particulières pour certains groupes

Des difficultés particulières sont vécues par certains groupes d’immigrantes et
d’immigrants et des interventions ciblées sont nécessaires afin de favoriser leur
intégration à la société
québécoise.

Les femmes immigrantes

Permettez-nous de soumettre à votre attention certaines revendications portées par la
Marche
des femmes et qui sont propres aux femmes immigrantes. La CSN appuie ces revendications et
espère que votre gouvernement y donnera suite.

Les femmes immigrantes se retrouvent encore aujourd’hui dans des situations
particulières et
notamment celles admises à titre de conjointe. Même après plusieurs années au Québec,
plusieurs d’entre elles ne parlent pas le français et se retrouvent isolées. Souvent
analphabètes, elles sont désavantagées au plan de la scolarité et de la formation
professionnelle. Il va sans dire que l’apprentissage de la langue parlée et écrite est
une priorité pour ces femmes. La CSN appuie la revendication de la Marche mondiale des
femmes :

L’accès universel pour les néo-Québécoises à des cours de français accompagnés
d’allocations décentes.

Des conditions sont aussi nécessaires afin de favoriser une pleine participation des
nouveaux
arrivants à la vie démocratique. Plusieurs groupes interviennent auprès des femmes des
communautés culturelles et malheureusement à chaque année, ils doivent réinvestir
efforts et
énergies pour convaincre et obtenir le renouvellement de leur financement. La CSN demande
au gouvernement d’assumer ses responsabilités et de soutenir financièrement ces groupes
et
appuie la revendication québécoise de la Marche mondiale des femmes:

L’accès à un financement pour les groupes de femmes des communautés culturelles et
des
minorités visibles pour répondre à leurs besoins et favoriser leur participation à la
société
québécoise.

Lors de la Marche du pain et des roses, le temps de parrainage a été réduit de 10 à
3 ans pour
les femmes parrainées par leur mari. Un pas supplémentaire s’impose. C’est pourquoi une
des
revendications québécoises de la Marche mondiale des femmes demande:

La réduction du temps de parrainage de 10 à 3 ans pour toutes les femmes immigrantes
et que ce droit s’applique à toutes les femmes parrainées par un membre de la famille,
un parent, un enfant, une conjointe ou un conjoint de fait ou autres et ce, sans
augmentation des exigences imposées au parrain.

Les minorités visibles

Les membres des minorités visibles éprouvent des difficultés plus grandes à
s’intégrer au
marché du travail. Dans la très grande majorité des entreprises et des établissements
des
barrières importantes sont présentes ce qui a pour conséquence d’exclure ces personnes
du
processus d’intégration ou de maintien à l’emploi.

La CSN a donc accueilli favorablement le dépôt du projet de loi 143, Loi sur l’accès
à l’égalité en emploi dans des organismes publics et modifiant la Charte des droits et
libertés de la personne. Nous participerons à la consultation sur ce projet de loi,
déposé par le Ministre Perrault, qui vise à ce que dans des organismes publics où il y
a sous-représentation de groupes ciblés, dont les minorités visibles, il y ait
obligation d’implanter un programme d’accès à l’égalité.

CONCLUSION

Les défis actuels et futurs nécessitent que l’admission des nouveaux arrivants se
fassent en
synergie avec la société québécoise et que l’ensemble des partenaires et la population
soient
mis à contribution.

La consultation démocratique en cours est un apport important au développement d’un
consensus et d’une plus grande solidarité entre la société québécoise et les nouveaux
arrivants.

La réussite d’un tel projet nécessite de se donner les moyens pour concrétiser nos
aspirations.

(Septembre 2000)


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